Macron-Bayrou, un mariage de raison devenu, dans la douleur, un couple exécutif
"J'ai longtemps été dubitative sur la lucidité de François à l'égard du président. Maintenant, je suis rassurée", expliquait, fin 2022, une proche du patron du MoDem. Pourquoi tant de mansuétude de la part du patron ? "Macron est un Bayrou qui a réussi", s'amusait le député MoDem Richard Ramos.
Fasciné par ce jeune président qui a réussi là où lui avait par trois fois échoué, atteindre le Graal de l’Élysée ? "Oui, complètement", s'éclaire un autre membre de l'entourage du leader centriste.
Longtemps, la macronie s'est gaussée des prétentions primo-ministérielles jamais satisfaites de cet allié expérimenté mais sentencieux, qui n'hésitait pas à faire la leçon politique, non pas tant au président, mais à ses soutiens et à son entourage.
Au premier rang duquel l'inamovible secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, qui n'a "jamais croisé un électeur", selon un mot doux d'un des lieutenants du MoDem.
Ironie de l'histoire, ces derniers jours, le président du MoDem semblait avoir plus de soutiens chez Renaissance que les autres noms cités pour Matignon appartenant au parti présidentiel, Sébastien Lecornu et Roland Lescure.
"(Gabriel) Attal ne veut pas de Lecornu car il ne veut surtout pas d'un concurrent potentiel", expliquait en début de semaine une députée de son groupe. Ce que l'entourage de l'ancien Premier ministre dément.
Pourtant, le président a tenté jusqu'au bout de trouver une alternative au patron du MoDem. "Ils essaient encore d'éviter l'inévitable" et "de garder le pouvoir" à l’Élysée et "tout ceci va vraiment mal finir", expliquait jeudi une source proche des consultations.
-"Circonstances exceptionnelles"-
Entre Emmanuel Macron et François Bayrou, l'histoire avait plutôt mal débuté. Fin 2016, le patron du MoDem espère la victoire d'Alain Juppé à la primaire de la droite. Mais l'ancien Premier ministre est balayé par François Fillon et son programme de droite dure.
Le maire de Pau joue la montre, prépare une quatrième candidature à l’Élysée. N'a pas de mots assez durs contre l'étoile montante Emmanuel Macron, accolée aux "puissances de l'argent". Jusqu'à cette "offre d'alliance" qui renverse la table en février 2017. Assortie de "quatre exigences" pas encore toutes satisfaites sept ans plus tard.
Si la loi de moralisation de la vie publique a bien été adoptée en 2017, et la rémunération du travail bel et bien élevée en priorité, la "véritable alternance" et les "pratiques" du pouvoir exécutif n'ont guère évolué. M. Macron, qui expliquait en avril 2017 vouloir "gouverner et non présider", prenant bien rapidement les allures d'un "hyperprésident" à la Nicolas Sarkozy, alors impitoyablement pourfendu dans un livre par François Bayrou ("Abus de pouvoir").
La proportionnelle n'a toujours pas vu le jour, pas plus que la "banque de la démocratie" voulue par le maire de Pau pour le financement des partis.
Un premier accroc est survenu dès l'élection de 2017: le nouveau parti macroniste dominant n'entendait pas satisfaire les exigences du MoDem pour les investitures aux législatives. Casus belli ! Le jour de l'investiture à l’Élysée, François Bayrou et Richard Ferrand, très proche du président, faillirent en venir aux mains.
Pendant des années, le MoDem a pris son mal en patience, confronté au sort peu enviable du parti allié face à l'implacable logique hégémonique du parti dominant en Ve République.
Mais François Bayrou n'a jamais renoncé à faire entendre sa petite musique, sur l'absence d'un "discours social" dès la rentrée 2017, ou plus récemment sur la réforme des retraites nécessaire mais "mal préparée, mal expliquée". Avec un point culminant: son refus bruyant d'entrer dans le gouvernement du trop jeune Premier ministre Gabriel Attal.
Ouvrir les portes de Matignon à son principal allié, le vrai avènement du macronisme ? "François disait: ça n'arrivera que s'il y a des circonstances exceptionnelles", expliquait un proche cette semaine.
En pleine crise politique, le Béarnais a enfin l'occasion de démontrer son art du "dépassement" droite-gauche, qu'il professe depuis des décennies. En gardant Bruno Retailleau (LR) au ministère de l'Intérieur ? L'option est sérieusement étudiée. En ouvrant davantage à gauche ? "Avec quelques poids lourds, vous embarquez les autres", veut croire un de ses compagnons de route.