Les petites taxes qui coûtent plus qu’elles ne rapportent
En avril 2025, la Cour des comptes a publié un rapport sur les taxes à faible rendement. Certaines, au nombre de 117, collectées pour la plupart par les services de l’Etat, n’avaient pas de rendement connu ou estimé en 2024. L’Etat autorise donc le recouvrement de taxes sans rien savoir de ce qu’elles rapportent !
Certes, une partie de ces taxes est collectée au profit d’organismes divers pour contribuer à leurs ressources, un moyen parfois de contourner la norme budgétaire. Raison de plus pour s’en inquiéter. Car, fait remarquer la Cour des comptes, « Les taxes à faible rendement accroissent la complexité de l’environnement juridique et fiscal et font reposer sur des milliers de collecteurs des opérations au coût difficilement chiffrable. Par leur éparpillement, elles affaiblissent la lisibilité de la norme fiscale pour les contribuables. »
La Cour a proposé d’en supprimer 44 dans la loi de finances pour 2026, celles dont les dispositifs sont le plus complexes et fragiles, voire, dit la Cour, celles « dont les effets contreviennent aux objectifs qu’ils sont supposés poursuivre ».
Le détournement d’impôt
Pour une trentaine d’autres taxes, notamment celles qui visent à compenser un service rendu, la Cour invite les pouvoirs publics à réexaminer d’ici 2027 l’adéquation entre le taux de la taxe et le coût de ce service, soulignant ainsi qu’il n’existe pas d’adéquation. Par ailleurs, 84 des taxes incriminées, affectées à des organismes tiers, n’étaient pas plafonnées. Donc en cas de rendement meilleur que prévu, l’organisme bénéficiaire engendre des profits indus sur le dos des contribuables. Entre 2023 et 2024, le produit connu des taxes non plafonnées à faible rendement affectées à des tiers a progressé de 208 M€, soit 13%. Les charges de ces organismes auraient-elles augmenté d’autant ? C’est peu probable.
Ces taxes à faible rendement sont aussi nombreuses qu’inutiles et coûteuses. Comme le soulignait déjà un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) de 2014, elles entravent « la lisibilité, la compréhension et, partant, la bonne acceptation de notre dispositif fiscal » et il dénonçait « les complexités de gestion, tant pour les entreprises que pour les administrations collectrices, le poids des prélèvements obligatoires et leurs conséquences sur la compétitivité de l’économie ». Mais plus de douze ans plus tard, on n’en sait guère plus ! Eu égard à leur fragmentation et à la foultitude de leurs collecteurs, ces taxes génèrent des coûts élevés de gestion, de prélèvement et de contrôle auxquels il faut ajouter les coûts administratifs de déclaration et de conseil supportés par les contribuables, sans compter les effets pervers qu’elles peuvent avoir sur l’activité ou le comportement de ces mêmes contribuables : réduction ou arrêt d’activité, délocalisation…
L’histoire extraordinaire de la taxation des yachts qui fait pschitt
Alors qu’il supprimait l’ISF, le nouveau président de la République, Emmanuel Macron, eut quand même besoin de manifester son souci de taxer les riches ! En 2017, il souffla à l’Assemblée d’instituer une taxe, de 30.000 euros à 200.000 euros selon leur taille, sur les grands yachts. Ce qui fut fait dans la loi de finances pour 2018. A l’époque, l’ami du président, Richard Ferrand, président du groupe LRM à l’Assemblée nationale, avait estimé au micro d’Europe 1 qu’elle allait rapporter « entre 10 et 20 millions d’euros ». Mais il n’est pas meilleur en économie qu’il ne l’a été dans ses études inachevées de droit.
Dans une réponse du 27 mai 2025 au député Hendrik Davi, le ministre chargé de la Mer et de la Pêche a fait savoir que ce nouvel impôt (article L 423-25 du Code des impôts des biens et des services) sur les navires de plus de 30 mètres à usage personnel et dont la puissance nette maximale est égale ou dépasse 750 kW, coûtait sans doute plus qu’il ne rapportait. Le montant total recouvré à ce titre, observait-il, n’a été que « de 60 000 euros en 2022, 135 000 euros en 2023 et 60 000 euros en 2024. Les recouvrements de ces droits de passeports nécessitent, ajoutait-il, des moyens d’investigation, de gestion des contestations et de réponses aux recours importants au regard de la flotte concernée et des montants collectés. Pour exemple, sur les huit créances transmises en 2024, trois sont en statut de contestation. […] Cela génère toutefois des délais supplémentaires de recouvrement mais aussi des voies de recours administratifs pouvant se prolonger jusqu’à 2 années. En 2025, du fait de changements de pavillon et de propriété, il restera uniquement 5 navires de plus de 30 mètres éligibles ». Parmi eux il semble qu’il y ait le yacht de Vincent Bolloré qui ne veut sans doute pas se faire remarquer en mettant son bateau sous pavillon étranger.
Comme l’a fait observer Philippe Juvin, député Les Républicains et rapporteur général du budget, lors du débat sur la loi de finances pour 2026, « un bateau, ça navigue, et ça peut même changer de pavillon », et dans ce cas « les navires existent toujours, ils polluent autant, mais ils ne sont plus français ».
Cette taxe coûte donc une fortune en administration et procédures diverses de recouvrement pour un rendement quasi nul. En outre, les bateaux qui ne sont plus dans les ports de France sont entretenus et avitaillés ailleurs, soit autant d’emplois, de charges sociales, de TVA et autres impôts qui ont aussi quitté la France et pour des montants sans doute significativement supérieurs aux 60 000 € de rapport annuel de la taxe !
Néanmoins, l’Assemblée nationale a passé, le 19 novembre 2025, pour un coût certainement très supérieur à 60 000€, du temps à se battre pour savoir s’il fallait ou non conserver la taxe. Et finalement, par 74 voix contre 67, les députés l’ont conservée ! Pour éviter d’« encourager, et même exalter, des mécanismes d’évasion et d’optimisation fiscale » a expliqué Emmanuel Maurel, député (Gauche républicaine et socialiste) du Val-d’Oise. Misère de la politique et de l’idéologie qui, coûte que coûte, mettent à la charge des contribuables des impôts qui… coûtent. C’est encore une autre forme de vol des contribuables.
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