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A Clermont-Ferrand, un restaurant a organisé un repas dans le noir pour sensibiliser à la déficience visuelle

Il faut parler fort pour réussir à se faire entendre ce soir-là au restaurant du Puy de la Lune, rue de la Michodière. La salle de concert du petit établissement est plongée dans un brouhaha plus important que d’ordinaire, alimenté par les discussions à bâtons rompus de la cinquantaine de convives. Pourtant, ce n’est pas de l’ouïe que sont privés les clients ce mardi soir, mais bien de la vue.

« Bienvenue dans notre monde ! »

« Dès qu’on met le bandeau, on a envie de parler plus fort parce qu’on ne sait pas si la personne en face nous écoute, on ne voit ni son regard ni ses mimiques », s’amuse Christophe, protagoniste de cette soirée « Dîner dans le noir » organisée pour sensibiliser aux handicaps visuels.

Le temps d’un repas, personnes voyantes, malvoyantes et non voyantes sont réunies autour d’une même table et d’un même défi : manger sans repères visuels. Assise à ma gauche, Mégane taquine : « J’attends de voir comment les gens se débrouillent ! », explique la jeune fonctionnaire à la préfecture, atteinte d’une déficience visuelle de naissance. 

J’aimerais aussi que cela permette de faire changer l’image d’un déficient visuel pour les participants. Parce qu’encore aujourd’hui on compare être déficient visuel et être idiot.

L’entrée arrive et les convives masqués trinquent… plus ou moins dans l’axe. Les tabliers en plastique, distribués en même temps que le masque opaque, se tâchent petit à petit de feuilles de salade et autres verres d’eau ou de vin rouge renversés. Les voyants demandent des conseils à la cantonade. « Bienvenue dans notre monde ! Vous allez être bien contents de pouvoir l’enlever, ce masque », s’amuse Mégane. Une fois le plat terminé, parfois en poussant un peu avec les doigts, une file indienne de fumeurs masqués se crée pour sortir cloper.

 Christophe est venu en famille pour comprendre ce que ressent sa belle-sœur. Photo Fred Marquet.

Christophe, blonde à la main et masque sur le front, relâche la pression. « Physiquement, on se contracte. Et on a l’impression que ça ne se finit jamais, qu’il en reste toujours dans l’assiette », rigole-t-il. Le jeune homme est venu ce soir car sa belle-sœur perd progressivement la vue. Une façon pour lui d’essayer de comprendre ce qu’elle traverse, comme l’avait imaginé Estella, salariée du Puy de la Lune à l’origine de cette initiative.

Une soirée couronnée de succès

« Nous avions déjà quelques clients aveugles du fait de notre proximité avec le Centre de rééducation pour déficients visuels (CRDV). Dans le cadre de mon certificat de qualification professionnelle en spécialité restauration, j’ai donc souhaité dédier mon projet à l’accueil des personnes atteintes de cécité dans le milieu de la restauration », explique la jeune femme de 23 ans. Son patron Daniel Roblet, « favorable à toutes les initiatives », ne se fait pas prier.Le restaurant a enregistré une belle affluence. Photo Fred MarquetLe restaurant s’équipe d’une loupe et de détecteurs sonores de liquide, petits appareils qui émettent un signal avant que le verre ne déborde. La carte est déclinée en braille par une cliente, Élisabeth, qui propose alors l’idée de ce repas dans le noir réalisé en partenariat avec le Club Arverne Handisport. Vous connaissez la suite.

Pour le dessert, les masques tombent un à un sous la chaleur difficilement supportable. Mais avant cela, les clients ont joué le jeu à fond. « Ça a bien rempli ! », se réjouit Estella qui espère que cette initiative encouragera d’autres restaurateurs à s’adapter aux personnes avec un handicap visuel. Cinq euros de chaque addition ont été récoltés pour le Club Arverne Handisport.

Louise Llavori

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