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" Un témoignage du passé industriel de la ville" : ces fontaines et réservoirs construits dans le Montluçon du XIXe

Elle est au milieu des herbes folles, sur un terrain abandonné, rue des Conches. Une trappe discrète, qu’il faut soulever, avant de descendre deux mètres à l’aide d’une échelle rouillée et brinquebalante pour accéder, enfin, à ce réservoir où l’eau claire repose.

On aurait presque envie de s’y tremper. Pourtant, c’est l’un des vestiges de l’urbanisme montluçonnais du XIXe siècle. L’un des vestiges de l’ancien réseau d’eau.

Benny Génar ( à gauche), directeur grands projets à la ville de Montluçon, et Olivier Troubat, archéologue, soulèvent la trappe qui mène au réservoir, rue des Conches. 

Un besoin en eau

Depuis le Moyen Âge, le réseau d’eau potable de la cité part de la dite "mère des fontaines", située rue des Conches, et dessert deux fontaines. À partir des années 1820, le réseau s’étend. Les élus montluçonnais se lancent dans l’installation de nouveaux points d’eau. C’est que la population croît et il faut bien qu’elle boive.

Achevé en 1841, le canal de Berry permet à diverses industries de s’installer progressivement sur les bords du Cher, à l’instar des Hauts Fourneaux (1840), de la Verrerie Duchet (1842) ou encore de la Glacerie (1846) et la ville connaît un boom démographique sans précédent.

De 5.000 habitants en 1840, elle passe à plus de 34.000 personnes en 1900. Pour loger ce petit monde, de nouveaux quartiers sur la rive gauche du Cher sont alors construits et, entre 1850 et 1875, "on part à la recherche de nouvelles sources", décrypte Olivier Troubat, archéologue et coauteur avec le cercle d’Archéologie de Montluçon de l’ouvrage L’eau à boire - archéologie de l’eau en ville.

De l’eau nouvelle qu’il faut stocker dans des réservoirs "car à cette époque, les fontaines sont en débit continu", rappelle le spécialiste. Plusieurs seront donc construits, comme celui de la rue des Conches, qui stocke l’eau de la mère des fontaines. De nos jours, ces réseaux sont caducs.

Les bornes-fontaines

Cette apparition de fontaines au XIXe siècle n’est pas spécifique à la cité montluçonnaise, il est aussi le fruit du mouvement hygiéniste qui met l’accent sur la prévention sanitaire. Dans la capitale, depuis 1872, le milliardaire philanthrope Richard Wallace s’attelle à démocratiser les points d’eau, véritables œuvres d’art, destinés aux Parisiens qui sortent démunis du siège de l’armée prussienne et des représailles de la Commune.

À Montluçon, en plus des fontaines, on installe également des bornes d’eau. Selon un décret de 1891, 44 sont à mettre en ville. Elles seront finalement un peu moins.

L'une des fontaines d'époque, à côté du jardin Wilson.  

Si aujourd'hui, quelques-unes de ces bornes-fontaines sont encore visibles - comme la toute première, conçue en pierre de Volvic en 1873 et située rue de la glacerie -, "beaucoup ont été détruites et ce, encore tout récemment", se désole Olivier Troubat. "C’est un témoignage du passé industriel de la ville, si on détruit celles-ci, à Montluçon, il n’y en aura pas d’autres ailleurs."

À la pierre, succédera vite la fonte, "moins chère", car réalisée à quelques kilomètres seulement dans l’usine des Hauts fourneaux. La fontaine, accolée au jardin Wilson, devant laquelle nombre de badauds passent sans sourciller, est l’un des témoins de cette époque. 

Quand l’empereur Napoléon III (1852-1870) les souhaitait de couleur verte afin d’apporter un brin de nature à Paris, les fontaines de Montluçon, elles, resteront brutes. Le blason de la ville gravé comme emblème. 

Texte: Camille Gagne Chabrol 

Photos : Florian Salesse

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