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Quand les hommes préhistoriques s'abritaient dans cette grotte de Haute-Loire

La grotte de Longetraye signifierait la longue piste ou draille. Les peuplements y furent nombreux à suivre cette longue piste depuis des temps immémoriaux. Mais pourquoi ? Le mystère demeure. Déjà le site surprend par sa situation, au pied d’une falaise basaltique sculptée par l’érosion des versants de l’Orcival.Le gisement de Longetraye est donc composé d’une grotte et de deux abris s’ouvrant au sud. « Le gisement fut mis au jour en avril 1967 par les Ponts et Chaussées pour des emprunts de granulats pour l’aménagement d’une route départementale », explique Jean-Paul Raynal. La découverte de la grotte revient principalement à André Crémillieux, archéologue bien connu, aujourd’hui décédé, au détour d’une excursion. Les fouilles ont débuté en urgence, sous la poussière de concasseurs, menaçants par leur proximité.Les différentes campagnes de fouilles ont livré des vestiges d’occupations avec les premières fréquentations à la fin de la dernière période glaciaire, vers 15.000 ans avant notre ère. Les occupations se sont intensifiées mais par intermittence ensuite avec le réchauffement et se sont poursuivies jusqu’au début du Moyen Âge.

Un abri de chasse

« La grotte de Longetraye n’était pas un habitat permanent mais un abri de chasse », souligne Jean-Paul Raynal intarissable sur le sujet.Lors de la dernière période froide, vers 20.000 ans, le relief était déjà très proche l’actuel. Le paysage était semi-désertique, couvert d’une steppe froide dénuée d’arbres. Bien exposée, la falaise de Longetraye devait présenter très localement des conditions thermiques un peu moins rudes, favorables à la présence d’arbustes nains protégés des grands froids hivernaux par la neige du plateau poussée par le vent et accumulée ici en épaisses congères ne fondant que très tardivement à la bonne saison.Vers 18.000 ans, un réchauffement généralisé entraîne la disparition de la faune arctique (renne, renard polaire, mammouth) qui se replie vers le nord de l’Europe. Vers 13.500 ans, les derniers chasseurs trappeurs du Magdalénien campent sur le site dans l’abri de plus vaste.situation. Le gisement de Longetraye est composé d’une grotte et de deux abris s’ouvrant au sud.Les steppes froides disparaissent alors et la forêt recolonise les espaces d’altitude où l’hiver reste long et neigeux. Les hommes du Mésolithique (1) de l’espace rhodanien, entre 8.000 et 6.000 ans avant notre ère, investissent alors les vallées et les monts du Vivarais, débordent le Mézenc et s’installent dans les abris de Longetraye au pied de la coulée. Ils seront suivis par les premiers agriculteurs du Néolithique méridional et, autour de 2.300 ans avant notre ère, par les pasteurs transhumants et les paysans des Âges des métaux qui se sont sédentarisés en formant des communautés villageoises.

Les archers  du Mésolithique

« Ces populations du Mésolithique apportent avec elles des silex fins et translucides originaires de Cruas dans la vallée du Rhône et la vallée de la Dore. Ces derniers chasseurs-cueilleurs de la préhistoire sont des archers et leurs flèches sont armées de petits silex taillés, en forme de triangle et de trapèze, retrouvés en nombre à Longetraye. Ils chassent en forêt le cerf et le sanglier et exploitent les ressources végétales tels les tubercules, les champignons, les baies et surtout les fruits à coques comme les noisettes retrouvées en abondance à Longetraye à l’état grillé », expliquait Jean-Paul Raynal.Des charbons de bois et des coques de noisettes extraits du sol de l’abri le plus vaste ont permis de dater par le carbonne 14 les fréquentations successives. Les populations du Mésolithique en sont les principaux occupants saisonniers. Elles ont laissé les traces de leur installation dans les abris sous la coulée basaltique de la vallée de Montpezat et de leur passage au col de Claron près du Béage. Ces populations ont également séjourné dans la vallée du Puy.

Un territoire limité

« C’est donc sur un territoire limité entre l’Ardèche, la Haute-Loire, le Gard et le Cantal que ces populations se déplaçaient mais nous ne savons pas pourquoi ces populations remontaient si haut en altitude même s’ils y restaient que quelques jours. Cette occupation illustre l’existence de liens forts entre moyennes montagnes vellaves, bassin du Puy et vallée du Rhône, renforçant l’hypothèse d’une ouverture du Mézenc, aussi bien au nord qu’au sud et à l’est, dès la fin du Paléolithique », poursuivait le chercheur. Le site (2) a-t-il livré tous ses secrets ? Pas tout à fait. Dans les cinq prochaines années, Jean-Paul Raynal annonce que la réouverture d’un chantier de fouille limité est envisagée afin de vérifier les datations.(1) Le Mésolithique est la période de la préhistoire entre le Paléolithique et le Néolithique.(2) Longetraye se situe entre le bourg de Freycenet La-Cuche et Présailles. Une esplanade en bois a été aménagée en 2011 pour accueillir le public avec un parking et un accès facilité. Des panneaux expliquent l’histoire du site. patrimoine - Les archerreprésentation. Ces derniers chasseurs-cueilleurs de la préhistoire sont des archers.

La formation géologique des abris de Longetraye

Emmanuelle Defive de l’Université Clermont-Auvergne s’est penchée longuement sur la formation du relief : « Avant 9 millions d’années, c’est un plateau granitique qui s’étend où des cours d’eau charrient sables et galets. Deux coulées de lave recouvrent alors ce plateau. L’Orcival creuse sa vallée et les coulées se retrouvent perchées. Par la suite les abris de Longetraye se sont développés sous les climats très froids des périodes glaciaires successives. Les abris de Longetraye se sont développés dans les contextes très froids, mais ici sans glaciers (contexte périglaciaire), de la dernière « période glaciaire » (moins 70.000 à moins 16.000 ans), entrecoupée de brèves améliorations. Sous l’effet d’une alternance saisonnière de gel puissant et de dégel, la colonnade, plus sensible, a reculé plus vite que l’entablement, dégageant les abris.

Jérôme Bay

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