Le Parlement européen : une institution problématique
Le Parlement européen a voté en faveur de la nouvelle Commission européenne d’Ursula von der Leyen, après de nombreux marchandages. Pamis ceux-ci, la colère des factions de gauche face au fait que la faction la plus importante, le Parti populaire européen (PPE), avait collaboré avec des partis de droite.
Bien entendu, il n’a jamais été question pour Mme von der Leyen d’échouer. Les chefs politiques des députés européens dans les capitales ont obtenu un accord, de sorte qu’une grande partie des discussions sur le torpillage de la « VDL » par les députés européens relevait du théâtre politique. Cette affaire prouve une fois de plus que le Parlement européen est une institution profondément imparfaite, et c’est un euphémisme.
Pas un chien de garde
Conçu à l’origine comme une institution chargée de contrôler la machine de la Commission européenne, force est de constater que le Parlement européen, bien qu’élu au suffrage universel direct, n’a pas réussi à devenir une assemblée efficace au cours des quatre dernières décennies. Le principal pouvoir des députés européens est de refuser la décharge pour les dépenses de l’UE.
Chaque année, l’organe d’audit de l’UE, la « Cour des comptes européenne » (CCE), publie un rapport très critique sur les dépenses de l’UE. En octobre, la Cour a dénoncé des erreurs « significatives et généralisées » dans le budget de 240 milliards d’euros de l’UE pour 2023. Malgré cela, le Parlement européen n’a pas refusé une seule fois d’approuver le budget de l’UE. La moindre des choses serait que les députés refusent d’approuver les dépenses de l’UE jusqu’à ce que le propre auditeur de l’UE déclare qu’elles sont « exemptes d’erreurs matérielles ». Au lieu de cela, les députés européens exigent toujours plus de dépenses de la part de l’UE.
Le Parlement européen s’oppose même à des propositions très modestes visant à améliorer le contrôle budgétaire de la manière dont les ressources de l’UE sont dépensées. Par exemple, au cours de la précédente législature, une majorité de députés a rejeté la proposition d’examiner les dépenses de l’UE l’année suivant l’utilisation des fonds de l’UE et non deux ans après, afin de renforcer le contrôle.
De même, en matière de réglementation, les députés européens ne sont pas vraiment un facteur permettant de freiner l’excès de réglementation. Au cours de la précédente législature, une majorité d’entre eux a voté avec enthousiasme en faveur de la « loi sur les services numériques » qui étouffe la liberté d’expression, rend le logement encore plus cher en imposant la rénovation des bâtiments, étend la taxe climatique du système européen d’échange de quotas d’émission et impose davantage de bureaucratie aux entreprises en matière de « diligence raisonnable ». En outre, ils ont également voté en faveur de la lourde « loi sur la restauration de la nature » et de l’interdiction de facto du moteur à combustion à partir de 2035. Cette mesure est l’une des raisons de la crise actuelle de l’industrie automobile européenne.
Pour les députés européens, les réglementations ne sont jamais assez sévères et le niveau politique de l’UE n’acquiert jamais assez de pouvoir. Les députés européens ont parfaitement le droit d’avoir de telles opinions, mais cela signifie clairement qu’on ne peut pas leur faire confiance pour agir en tant que chien de garde afin de garder la très puissante Commission européenne sous contrôle.
Le Qatargate
Le Parlement européen est régulièrement frappé par des scandales, qu’il s’agisse de détournements relativement insignifiants de l’argent des contribuables ou de scandales de corruption à grande échelle. Dans le premier cas, les députés européens refusent jusqu’à ce jour de rendre obligatoire la divulgation de l’usage qu’ils font de leur « allocation de dépenses » mensuelle de près de 5 000 euros qu’ils perçoivent en plus de leur salaire. Mais le fait qu’il n’y ait pas divulgation de l’usage ne veut pas dire qu’il y ait détournement.
L’un des récents scandales de corruption qui ont ébranlé l’institution est bien sûr le « Qatargate », qui a éclaté en 2022. Des fonctionnaires du Parlement européen, des lobbyistes et leurs familles auraient été influencés par les gouvernements du Qatar et d’autres pays non européens, impliqués dans la corruption, le blanchiment d’argent et le crime organisé. L’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili a fait l’objet de la plus grande attention, mais les médias belges ont affirmé que l’eurodéputée socialiste belge Marie Arena était en réalité l’acteur principal de ce scandale. L’enquête est toujours en cours.
Par ailleurs, un autre scandale impliquant le Qatar fait actuellement l’objet d’une enquête du Parquet européen. Selon les allégations, Henrik Hololei, un haut fonctionnaire estonien de la Commission européenne, se serait laissé aller à des voyages aériens longue distance payés par le Qatar au moment même où la direction de l’Union européenne qu’il dirigeait négociait avec l’État du Golfe riche en pétrole.
Le Qatar a d’importants intérêts financiers dans l’UE. Récemment encore, il est apparu que le groupe énergétique public russe Lukoil envisageait de vendre sa raffinerie en Bulgarie à un consortium qatari-britannique, Oryx Global. L’un des propriétaires de ce consortium est l’homme d’affaires qatari Ghanim Bin Saad Al Saad, qui a été cité dans l’enquête sur la décision d’attribuer la Coupe du monde 2022 au Qatar.
Le journal français Le Monde a noté à ce sujet que « les procureurs brésilien et américain ont décortiqué les relevés bancaires de l’ancien patron de la Fédération brésilienne de football (CBF), Ricardo Teixeira» par lequel « ils ont remarqué qu’un versement de 22 millions de dollars [a été effectué par] le groupe qatari Ghanim Bin Saad Al-Saad & Sons Group (CSSG) ».
Jean Quatremer, correspondant de longue date pour l’Union européenne du quotidien français de gauche Libération, a joué un rôle clé dans la mise en lumière du dernier scandale impliquant le Qatar. Il a déclaré à ce sujet « Ni la Commission européenne ni le Parlement européen ne veulent discuter publiquement de ces questions. (…) De ce point de vue, Bruxelles ressemble beaucoup au Kremlin : tout est fermé, l’information n’est pas divulguée. Lorsque j’ai lu le rapport, j’ai été complètement abasourdi ».
Tout cela n’inspire pas vraiment confiance dans les institutions de l’UE, ni dans le Parlement européen, censé contrôler la machine politique de l’UE.