C’est à Weymouth, en Angleterre, que s’est déroulé le championnat d’Europe 2024 Bateau et Classe de ligne du 9 au 13 septembre organisé par l’EFSA (European Federation of Sea Anglers). Et une fois n’est pas coutume, la France fi nit vice-championne d’Europe, pendant que les Anglais terminent premiers. Récit. Texte et photos de Francis Couzinet.
Pas moins de 10 nations et 60 compétiteurs sont embarqués sur la flottille de monocoques et de catamarans depuis le pittoresque port de Weymouth. Tous ces bateaux sont des charters pêche aux équipages aguerris avec une connaissance pointue de leurs zones de pêche et la capacité de sortir par tous les temps.
La
team France est composée de
Jean- Pierre Coutauchaud,
Simon Elgrishi,
Didier Marest,
David Corday et
Francis Couzinet.
Carl Julien vient en «
open », car c’est une spécificité des championnats EFSA, dès lors que vous disposez de la licence délivrée par votre section nationale, l’inscription à un championnat d’Europe est libre.
Traditionnellement, la compétition commence par les deux jours en classe de ligne imposée, cette année une tresse de 20 lb, avec les gros poissons visés (congres, raies et requins), pêchés au mouillage, puis trois jours dédiés à toutes les espèces possibles du secteur, depuis le tacot jusqu’au congre, incluant de la dérive et du mouillage en fonction des spécimens visés.
Les prises étant limitées en nombre (10 au maximum par espèce), les équipages doivent changer de postes régulièrement. Mais comme d’habitude, la météo a obligé les organisateurs à chambouler les journées, car les quatre premiers jours, nous avons subi du 5 à 7 Beaufort avec pluie anglaise et parfois mini-tornades.
Les compétiteurs ont donc visité toutes les zones de repli possibles dans la baie de Weymouth, ce qui n’a nullement affecté le nombre de prises et leur variété.
Ainsi, des poissons aussi bizarres que la sardine, le saint-pierre, les motelles et autres dragonnets ont mordu aux lignes.
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Le port de Weymouth est très pittoresque © DR / Pêche en mer[/caption]
Tactique et stratégie de compétition
Après deux journées d’entraînement, les six Français présents ont pu cerner la pêche, qu’elle soit en dérive ou au mouillage. Notre expérience du secteur de Weymouth, nos amitiés avec quelques skippers nous ont laissés espérer un bon résultat, à condition d’être performants individuellement à bord de nos bateaux, car, traditionnellement, sur les compétitions internationales, il faut gagner son navire pour être classé parmi les premiers au général (classement aux premiers de bateau).
Dès le début du championnat, le lundi, les organisateurs nous ont annoncé la couleur : zone de repli les quatre premiers jours et possibilité de pêcher au petit large la dernière journée !
À l’issue du premier jour, le résultat d’ensemble de l’équipe confirmait notre bonne forme, la France se plaçant deuxième derrière l’Angleterre, qui était l’équipe favorite dans ses eaux !
La journée de compétition, toujours dans une ambiance très bon enfant, se déroulait ainsi : recherche en dérive de quelques maquereaux le matin pour faire des appâts supplémentaires (300 g d’encornets et trois maquereaux congelés par jour donnés par l’organisation), et toujours sur la même dérive, lieux et vieilles étaient visés.
Ensuite, les bateaux choisissaient soit une dérive sur épave (tacots, chinchards, daurades grises, grondins), soit un mouillage en zone de repli sur des gravières (roussettes, petits congres, émissoles, raies, etc.).
Selon la quantité et la variété des prises, les skippers retournaient parfois à la côte pour traquer lieux et vieilles ou ils insistaient sur un mouillage pour que chacun puisse accentuer son avance ou rattraper son retard. Immuablement, la dernière heure se passait au mouillage à l’abri du vent fraîchissant en fin de journée et très près du port de Portland, sur la vase, où l’on pouvait espérer des petites émissoles, quelques roussettes, des grondins et des petites raies.
Un briefing en équipe le premier soir nous a permis d’ajuster notre pêche, notamment le choix tactique de finir les espèces dont nous maîtrisions la pêche (10 au maximum par espèce, je le rappelle). Ainsi nous avons mis un point d’honneur à « terminer » nos daurades, tacots et vieilles, sans nous préoccuper des prises aléatoires qui nous font parfois changer de bas de ligne ou de technique pour contrer l’adversaire !
Bonne décision d’équipe, puisque nous remportons le lendemain la deuxième manche par équipe nous plaçant ainsi devant les Anglais ! La troisième et dernière journée dédiée aux espèces nous conforte à cette première place, et ce sont deux Français qui occupent les deux premières places du général.
À ce stade, notre mission s’annonce déjà réussie, puisque nous gagnons ce premier round de trois jours.
Les difficiles requins-hâ
S’ensuivent les deux journées au « Big Fish », il faut remplir nos moulinets avec la tresse imposée, une 4 brins de 20 lb. Tout va se jouer sur le tirage au sort des places, car on le sait, à l’ancre, les places arrière dans le courant sont les meilleures, et si vous avez le malheur de tirer les places avant vous vivrez une journée difficile et peu de pêcheurs gagnent leur bateau dans ces positions.
De retour au port, les Français s’attendent et guettent les équipiers et ne peuvent que constater la contre-performance collective, comme on dit « u
ne bonne leçon », seul Carl, qui est hors équipe, ramène la première place de son bateau. Le moral est au plus bas, nous passons deuxième équipe nationale, les écarts se resserrent entre les différentes nations, beaucoup de têtes de série sont tombées, dont Didier et Francis qui étaient respectivement premier et deuxième du général !
La majorité des prises sont des congres, l’espèce visée en premier valant 15 points, et la bonne surprise vient de la présence en nombre de requins-hâ, mesurant de 1 à 1,70 m, avec des dents tranchantes comme des rasoirs. L’acier étant interdit, de nombreuses prises couperont nos bas de ligne en nylon, furent-ils en 100/100, nous privant des 5 points de cette espèce. Les raies (brunettes, fleuries ou bouclées) viendront pimenter les résultats, toutes à 10 points.
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L’équipe de France à la remise des prix. © DR / Pêche en mer[/caption]
Une dernière journée décisive
Nous croisons les doigts pour le tirage au sort de nos places. L’effervescence sur le quai à l’arrivée est intense, chaque équipe subit des déconvenues ou au contraire connaît des réussites, nous nous en sortons mieux que la veille et le comptage virtuel des points nous assure la troisième place et peut-être mieux…
Mais nous laissons éclater notre joie à l’arrivée du dernier bateau où se trouve Carl, car de nouveau, il le gagne !
Un rapide calcul nous permet d’affirmer qu’il est deuxième sur ces deux jours « classe de ligne » et surtout vice-champion d’Europe toutes catégories, car alors qu’il était parti de la quatorzième position au soir du troisième jour, ses formidables résultats associés à ceux, plus mauvais, des concurrents qui étaient devant lui le place quatrième l’avant-dernier jour et deuxième sur l’ultime journée.
La régularité de ses cinq jours de pêche lui fera toucher l’argent plusieurs fois à la remise des prix. Comme d’habitude, la cérémonie de clôture voit nos 60 participants se réunirent autour d’un repas et d’une bonne pinte de cervoise locale, les histoires et anecdotes vont bon train, et quand enfin les résultats tombent, notre table explose de joie. La
France est
vice-championne d’Europe par équipe pour la seconde année consécutive, derrière les Anglais et devant les Danois, Carl remporte ses deux médailles individuelles, et Didier et Carl sont vicechampions par équipe de deux. Totale réussite encore cette année !
Rendez-vous est donné en Norvège pour 2025, de 100 à 200 m de fond, juliennes, lieux noirs et cabillauds au menu !
La préparation physique sera essentielle !
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