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"Aide active à mourir" : ce qu'il faut savoir sur le projet de loi qui se prépare à l'Assemblée

Une commission spéciale se penche à partir de lundi 13 mai sur le projet de loi sur la fin de vie. Un projet qui suscite de nombreux débats, ne serait-ce que sémantique, le fait de ne pas utiliser les termes "euthanasie" et "suicide assisté" soulevant des questions.

Le projet de loi sur la fin de vie qui démarre ce lundi 13 mai en commission spéciale promet d'intenses débats à l'Assemblée, autour des critères d'accès au dispositif, des directives anticipées ou encore du rôle des médecins.

Quelque 1.900 amendements ont été déposés pour ce premier round, prélude à l'examen de la réforme dans l'hémicycle à partir du 27 mai. Des députés veulent élargir la portée du texte gouvernemental, d'autres la restreindre. Les premiers viennent surtout de la majorité et de la gauche, les seconds de la droite et de l'extrême droite, mais des divergences s'exprimeront dans chaque camp.

Euphémisme gouvernemental critiqué

Le projet de loi instaure une possibilité pour certains patients de demander à un médecin d'être aidés à se suicider, via une substance létale qu'ils s'administreraient eux-mêmes, ou qu'un tiers pourrait leur administrer s'ils ne peuvent pas le faire.

Une partie des débats seront sémantiques : des députés de tous bords ont déposé des amendements demandant que soient employés les mots "euthanasie" et "suicide assisté" pour désigner ce nouveau dispositif. Ils voient dans l'expression "aide à mourir", choisie par le gouvernement, un euphémisme malvenu, embrouillant les débats. Le rapporteur du texte, le député apparenté MoDem Olivier Falorni, répond que le terme "euthanasie", malgré "sa belle étymologie" — du grec "euthanasia", "mort douce" — a été "souillé par l'Histoire". 

À partir de quand ?

Pour accéder à "l'aide à mourir", plusieurs conditions cumulatives sont posées. Il faut notamment être majeur — un critère que des députés remettent en cause, certains plaidant pour un seuil à 13 ou 15 ans, d'autres pour le relever à 20 ans.

Il faut aussi être atteint d'une maladie "grave et incurable", provoquant une souffrance "réfractaire ou insupportable". Ce à quoi s'ajoute un critère contesté : la nécessité que cette affection engage le pronostic vital du patient "à court ou à moyen terme". Lors des auditions, le mouvement Alliance Vita, hostile au texte, a déploré une notion "floue" qui ouvrirait trop largement le dispositif. L'Association pour le Droit de mourir dans la dignité (ADMD) l'a au contraire jugé trop restrictive, car écartant certaines maladies neurodégénératives incurables. "Quasiment tous les soignants nous ont dit : comment voulez-vous qu'on établisse un pronostic vital à moyen terme ?", relève le rapporteur Falorni.

Volonté libre et éclairée 

Autre condition : les malades devront être "aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée". Mais quand ? Des députés de gauche et du camp présidentiel demandent d'ajouter la possibilité pour un patient ayant perdu son discernement de bénéficier d'une "aide à mourir", s'il a formalisé ce souhait au préalable dans des directives anticipées. Une personne atteinte de la maladie Alzheimer pourrait demander d'y avoir accès "au moment par exemple où elles ne reconnaîtront plus leurs enfants", plaide la députée écologiste Sandrine Rousseau. 

À l'inverse, certains veulent durcir les garanties autour du discernement. Des députés LR souhaitent qu'il y ait toujours l'avis d'un psychiatre avant un feu vert médical à une demande d'"aide à mourir". Des députés socialistes, minoritaires dans leur groupe, veulent proscrire l'accès au dispositif pour les patients atteints d'une pathologie psychiatrique.

Décision d'un seul médecin

Dans le texte gouvernemental, la décision finale d'autoriser ou non le recours à une "aide à mourir" est entre les mains d'un seul médecin. Une responsabilité jugée trop lourde par certains, et que des députés demandent de rendre plus collégiale. 

D'autres craignent qu'une décision devant être prise à plusieurs alourdisse inutilement le dispositif. Et font valoir que le médecin décisionnaire est déjà tenu au préalable d'échanger avec un autre médecin et avec un aide-soignant ou un infirmier qui suit le malade. "Mais il y a un moment précis où c'est le médecin qui décide, et c'est quelque chose qu'il faut améliorer", a plaidé lors des auditions le président de l'Ordre des médecins, François Arnault, craignant que la décision ne soit reprochée au médecin à posteriori. 

Qui donne la mort ?

Qui pourra administrer au patient la substance létale s'il n'est pas en "mesure physiquement" de le faire lui-même ? En l'état, le texte prévoit qu'il pourra s'agir d'un médecin, d'un infirmier ou d'une "personne volontaire" désignée par le malade. Une décision très contestée, certains députés voulant proscrire toute intervention d'un tiers ou d'autres d'exclure qu'un soignant puisse "donner la mort". Se pose aussi la question du refus de certains médecins d'effectuer ce geste, contraire au serment d'Hypocrate. 66% des praticiens sont contre le suicide assisté, et seulement 23% pour, avait rappelé le président de l'Ordre des médecins lors de son audition.

Des amendements demandent aussi que la personne volontaire ne puisse pas être un proche, jugeant que cette responsabilité pourrait être trop lourde psychologiquement à porter. À l'inverse, des députés de gauche et du camp présidentiel voudraient qu'un tiers puisse intervenir même si le malade est physiquement "en mesure" de procéder à son suicide. 

Avec AFP

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