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Arrêts de travail "autodéclarés" : pourquoi l'idée fait polémique

Arrêts de travail

C’est une mesure qui refait surface depuis quelques années. Dans un rapport critique sur la politique de lutte contre les déserts médicaux, publié lundi 13 mai, la Cour des comptes suggère aux responsables politiques d’"explorer" l’idée de supprimer les certificats médicaux pour les arrêts de travail de "très courte durée".

En pratique, cela signifie que les patients pourraient déclarer eux-mêmes leurs arrêts de travail. Selon le rapport, la procédure permettrait aux médecins de perdre moins de temps, en se concentrant sur les patients qui ont le plus besoin de soin.

Interrogé mardi matin sur TF1, le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux a dit vouloir "ouvrir [ce sujet] avec les employeurs". "Il faut, avec les réseaux patronaux, discuter de la faisabilité de cette mesure, qui permettrait de libérer du temps médical", a-t-il déclaré. "La question est effectivement de voir son encadrement et veiller à ce que ce ne soit pas une nouvelle filière d’abus, c’est un équilibre à trouver, mais en tout cas la mesure mérite d’être discutée" et "on va la regarder de près", a-t-il insisté.

Pas une idée nouvelle

S'agit-il d'un changement de paradigme ? L’année dernière, en juin 2023, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé par la commission des Affaires sociales, Frédéric Valletoux s’était clairement opposé à une proposition donnant la possibilité aux patients de s’autodéclarer pour des arrêts de moins de trois jours. L’amendement, qui visait à "libérer du temps médical", n’avait ainsi pas été retenu par les députés.

"On peut penser que libérer du temps médical pour ce type d’arrêts de travail c’est quelque chose de positif et que ça n’a pas de conséquence. Mais il faut prendre en compte que supprimer la nécessité d’un certificat médical pour les arrêts de travail autodéclarés remet en question un certain équilibre trouvé entre les salariés, la Sécurité sociale et les employeurs", avait-il considéré.

Les arrêts de travail autodéclarés ne sont pas un fait nouveau et ont même déjà été utilisés. Pendant l’épidémie de Covid-19, la mesure avait été brièvement mise en place pour que les personnes symptomatiques ou contact s’isolent au plus vite, pour éviter les contaminations au travail. Une liste des maladies ouvrant droit à s’autodéclarer en arrêt de travail avait même été précisée par l’Assurance maladie sur la base de recommandations établies en premier lieu par le Haut Conseil de la santé publique.

L’exemple du Royaume-Uni, du Québec et du Portugal

"Ça existe ailleurs et cela marche", a souligné lundi le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. "Dans le paysage français cela paraît surprenant, mais ce principe d’autodéclaration des arrêts de courte durée est en vigueur depuis de nombreuses années dans plusieurs pays proches", a-t-il ajouté. "Il va de soi qu’un tel dispositif ne peut être mis en place sans un système de régulation", s’est toutefois empressé de préciser le premier président de la Cour.

En effet, au Royaume-Uni par exemple, la procédure d’autocertification pour les arrêts de moins de sept jours, généralisée en 1985, est aujourd’hui "utilisée en routine" via un simple formulaire à remplir. Le salarié "pouvant être rémunéré pour ses jours d’absence au-delà de trois jours", observe la Cour dans son rapport.

Depuis avril 2023, le Portugal a lui aussi adopté la mesure. Les Portugais peuvent ainsi déclarer un arrêt de travail jusqu’à trois jours, sur simple "autodéclaration" de maladie par Internet ou téléphone. La mesure n’impliquerait aucun coût pour l’Etat ou l’employeur, puisque la durée maximale de l’arrêt correspond au délai de carence pendant lequel le salarié n’est pas rémunéré par la Sécurité sociale, selon le ministère portugais de la Santé.

En France, le sujet reste néanmoins sujet à de nombreux débats, plus ou moins houleux. "On est en train de tuer son chien en disant qu’il a la rage, en démolissant la médecine générale et le vrai rôle qu’est la médecine de premier recours", a réagi auprès de Franceinfo Didier Simon, délégué général du syndicat des Médecins généralistes de France.

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