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En France, l’aide de l’Union européenne au développement rural est absorbée par l’agriculture

En France, l’aide de l’Union européenne au développement rural est absorbée par l’agriculture

Mal réparti, trop complexe, le budget versé par l’Union européenne au développement rural, pourtant non négligeable, peine à irriguer les territoires.

A moins d’un mois des élections européennes, Leader France, qui fédère et accompagne les projets innovants sur les territoires ruraux, tire la sonnette d’alarme. Car entre l’Union européenne et les terres éloignées des villes, le fossé, déjà grand, risque de se creuser davantage sans un « choc de simplification » dans la jungle des financements. Explications avec Thibaut Guignard, président de Leader France, et d’Elard, son équivalent européen.

A quoi sert le programme Leader ?

Une formation à l’égalité hommes-femmes en Haute-Loire, un chantier d’insertion à La Réunion, l’installation d’une chaudière bois dans le Loiret… Dans ces projets qui n’ont rien à voir entre eux, le programme Leader déroule son fil rouge : le développement rural. Cette aide, financée par l’Union européenne, passe le plus souvent sous les radars ; elle reste inconnue du grand public alors que le programme existe depuis 1991.

Ce budget alloué aux territoires ruraux présente pourtant un énorme avantage dans sa capacité à tout financer, hormis le temps scolaire et les soins médicaux – mais s’il peut soutenir une maison de santé. Il a bénéficié, de  2014 à 2022, à 30.000 projets en France dans 339 territoires accueillant entre 15 et 75.000 habitants.  

« Ce financement abonde des stratégies locales comme bien vieillir, bien grandir, mieux se déplacer, la transition énergétique, les circuits courts etc. Mais aussi des priorités plus resserrées comme le tourisme à la ferme, un mode de garde en horaires décalés pour les jeunes enfants, des activités à domicile pour les seniors isolés…  », détaille Thibaut Guignard.

Comment ça marche ?

L’Union européenne confie une part de son budget du Feader – le fonds européen agricole pour le développement rural, deuxième pilier de la PAC – à des groupes d’action locale : communauté de communes, pays, parc régional… ou à des acteurs de la société civile (associations, lycées agricoles, chambres consulaires…), qui vont gérer l’enveloppe et travailler ensemble. La société civile est majoritaire au sein du comité qui attribue les fonds. « C’est une garantie de ne pas voir le budget être confisqué par les élus », signale Thibaut Guignard, lui-même maire d’une commune des Côtes-d’Armor.

La condition pour recevoir une participation de l’UE est d’avoir inscrit le projet dans sa stratégie locale de développement à l’entame de la période de programmation, l’actuelle couvrant 2023 à 2027. Autrement dit, il ne faut pas louper le train. D’autant qu’il peut subir des aléas. La précédente période avait été prolongée de deux ans, en 2020, non pour cause de Covid mais en raison des retards de la Politique agricole commune dont le programme Leader dépend. « Ces périodes de programmation de six ans sont-elles adaptées à un monde en mutation permanente, avec des crises à répétition ? On peut s’interroger », relève Thibaut Guignard.  

Comment est calculée l’enveloppe budgétaire ?

Elle est au minimum de 5 % du Feader. Mais les conseils régionaux, autorités de gestion, peuvent décider de l’augmenter. Sauf qu’en France, ça coince ! « On est plutôt adepte du 5 % chez nous, là où d’autres pays européens montent à 20, 40, voire 60 % du Feader », regrette le président de Leader France. « On paie une centralisation thématique, le Feader étant en fait utilisé pour l’agriculture dans notre pays. Mais aussi un centralisme régional. »

Du coup, l’enveloppe échappe à 95 % au développement rural. De 2014 à 2022, 700 millions sont allés au programme Leader, et vingt fois plus à l’agriculture, soit 14 milliards.  « La question est fait-on confiance aux acteurs locaux pour financer des projets au plus proche du territoire ? Ou bien gère-t-on ce sujet crucial dans les bureaux, à l’hôtel de région ?, interroge Thibaut Guignard. Aujourd’hui, les politiques agricoles des conseils régionaux sont quasiment entièrement financés par l’Union européenne. » Le maire de Plœuc-L’Hermitage rappelle que le programme Leader a été créé pour un monde rural plus seulement agricole mais aussi « parent d’élèves, amateur de culture, demandeur de loisirs, de mode de transports etc. »

Comment rapprocher la ruralité et l’Europe ?

La Commission européenne a conscience du danger : face aux risques d’accroître les disparités entre les villes et les campagnes, elle plaide pour « un soutien plus adapté aux besoins régionaux, une mise en œuvre plus rapide et une simplification des procédures ».

Comment passer des mots aux actes ? « Il y a deux façons d’y parvenir. La première, c’est d’affecter une part beaucoup plus importante du Feader au programme Leader, rebondit Thibaut Guignard. Face à la complexité et la lourdeur administratives, c’est le seul programme qui permet un accompagnement, via le financement d’un poste d’animateur et d’un poste de gestionnaire. Deuxième enjeu : comment permettre aux acteurs ruraux et aux petits projets, si importants pour la cohésion territoriale, d’avoir accès aux principaux fonds européens – le Feder, Fonds européen de développement régional, et le FSE, Fonds social européen – « où le porteur de projet se trouve seul face à sa demande de subvention ».

Nathalie Van Praagh

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