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[Cannes 2024] “Ma vie ma gueule”, le dernier et très beau film de Sophie Fillières

C’est le septième et dernier long métrage de Sophie Fillières décédée le 31 juillet dernier, quelques semaines seulement après la fin du tournage.

Selon ses vœux, ses deux enfants, Agathe et Adam Bonitzer, ont participé au montage du film avec François Quiqueré, avec lequel elle devait collaborer pour la première fois. Avec eux, elle avait pu dérusher son film. Ma vie ma gueule (titre génial) est divisé en trois parties distinctes : “Pif”, “Paf” et “Youkou !”, trois cris enfantins, des mots ludiques pour lesquels Fillières avait beaucoup d’affection. “Trois moments indépendants, séparés par des ellipses, de la vie d’une femme dans la cinquantaine, à l’orée d’un changement”, avait-elle confié à Pierre Eugène des Cahiers du cinéma, en février 2023. 

Cette femme, jouée par une Agnès Jaoui admirable d’énergie, dépressive mais énergique, s’appelle Barberie Bichette, est surnommée Barbie (ce qui ne lui plaît pas vraiment) et est “au bout de sa vie”. Poétesse, elle travaille aussi pour une agence de pub où elle débarque parfois, écrit un poème sur un paperboard puis s’en va, laissant les “créatifs” tirer ce qu’ils veulent de son jet poétique. En dehors de ses enfants, adolescents qui entretiennent avec elle des liens distants, de sa sœur qui est CPE (Valérie Donzelli), elle rencontre sur son chemin un artiste connu (Philippe Katerine) dont elle écorche le nom (les mots, jouer avec, c’est son monde), et un ancien ami de lycée, dont elle ne se souvient pas du tout (Sergio Capelluto), qui va bouleverser sa vie au point qu’elle doit être envoyée dans un hôpital psychiatrique. Où, fâchée, elle décide d’appeler tout le monde “Fanfan”… 

À dire vrai, Ma vie ma gueule est un film certes drôle mais aussi très rude parfois, plus que les derniers réalisés par Sophie Fillières. Lutter contre les aléas de la vie, contre soi, avec les autres, ce n’est pas facile, pas toujours drôle. Et si la fin, pleine d’espoir, un peu rossellinienne, fait réapparaître Katerine comme une sorte d’ange protecteur, c’est la drôlerie triste de la vie, et une certaine rugosité, qui pourrait le mieux définir ce film très étrange qui ne ressemble à rien sinon à son autrice telle qu’elle était dans la vie. Que ce film fasse l’ouverture de la Quinzaine des cinéastes est une joie et un honneur mérité.

Ma vie ma gueule de Sophie Fillières, avec Agnès Jaoui, Angelina Woreth (France). Quinzaine des cinéastes.

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