Narcotrafic : la France est "submergée" alerte une commission d'enquête du Sénat
Une commission d’enquête du Sénat, dont les conclusions ont été rendues publiques ce mardi 14 mai, décrit une France "submergée par le narcotrafic", y compris dans les zones rurales.
Ce rapport a pris une dimension encore plus importante, après l’attaque survenue dans l’Eure contre un convoi pénitentiaire transportant un détenu connu notamment pour trafic de stupéfiants.
Manque de moyensÉtienne Blanc (LR) et Jérôme Durain (PS), les sénateurs qui ont présenté les conclusions de ce travail de six mois, ont insisté sur le "manque criant de moyens" unanimement dénoncé par les services (police, douanes, gendarmerie…) face aux liquidités "quasi illimitées" des trafiquants.
Les auteurs du rapport expliquent avoir "découvert l’ampleur, la complexité et l’enracinement" de ce "fléau" débouchant parfois sur de véritables scènes de guerre. C’est la situation à Marseille qui a déclenché le travail de la commission d’enquête, mais "le phénomène est national, précise Jérôme Durain. Il n’épargne aucun territoire, des grandes villes aux sous-préfectures", sous l’effet notamment des réseaux sociaux qui ont accéléré "l’ubérisation" du trafic.
"La mesure du risque n'a pas été prise"Selon le sénateur socialiste, la "mesure du risque" n’a pas été prise à temps : "si cela avait été le cas, la France serait déjà dotée des moyens suffisants".
Le rapport liste une longue série de mesures qui pourraient aider le pays à organiser la riposte. Parmi elles, l’instauration d’un "plan d’urgence", la création d’un parquet national « antinarcotrafic » ou encore la création d’une "DEA (Drug enforcement administration ) à la française", sur le modèle américain.
L'argent, "nerf de la guerre"Mais pour Étienne Blanc, c’est bien "l’argent qui est le nerf de la guerre". Il faut, selon le parlementaire du Rhône, frapper les trafiquants au portefeuille et accentuer les saisies pour financer la lutte contre le narcotrafic. Elles ne représentent aujourd’hui que 117 millions d’euros par an, soit 14 % du chiffre d’affaires du trafic (3,5 milliards en fourchette basse) "ce qui est nettement insuffisant".
Selon le journaliste italien Roberto Saviano, auditionné par la commission d’enquête, une "mise" initiale de "1.000 euros dans le trafic de cocaïne peut rapporter jusqu’à 1 million un an plus tard. Il n’existe pas d’activité criminelle plus rémunératrice", rappelle Étienne Blanc pour illustrer la motivation des trafiquants.
"On a du mal à inquiéter les généraux"Jérôme Durain pointe quant à lui le "hiatus" existant "entre les efforts déployés sur le terrain et la réponse judiciaire. On s’intéresse aux fantassins, on a du mal à inquiéter les généraux", ces têtes de réseaux qui "dépensent des sommes considérables à Dubaï", "paradis du blanchiment" avec lequel le rapport sénatorial préconise une meilleure coopération.
Surveillance des prisonsLa lutte contre ces "barons" de la drogue passe également par une meilleure surveillance des prisons, poursuit Étienne Blanc :
La détention est actuellement considérée comme un impondérable, un accident du travail puisqu’on peut continuer à animer son réseau depuis sa cellule.
Les parlementaires réclament ainsi la mise en place de "mesures techniques", comme les brouilleurs de téléphones portables ou les dispositifs antidrones.
Les élus locaux pourraient enfin être plus impliqués, le rapport de la commission d’enquête conseillant de renforcer leur capacité de signalement : "des commerces sont exploités à des fins de blanchiment et des maires de petites communes l’ont remarqué", affirme Jérôme Durain. "Nous voulons que ces commerces puissent être fermés."
Tanguy Ollivier