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Les intercommunalités perdent la garde d’enfants

Les intercommunalités perdent la garde d’enfants

Comme si, en France, le secteur de la petite enfance ne s’épuisait pas assez face au manque de places, de professionnels et de financements, un article de la loi dite plein emploi de décembre 2023 en retire la charge aux intercommunalités dont les élus ont pourtant alerté le gouvernement. En vain.

La dissolution de l’Assemblée nationale laisse les intercommunalités avec, sur les bras, une loi sur la petite enfance les dépossédant d’une prérogative que plus de 900 communautés de communes, agglomérations et métropoles, exercent pour quelques mois encore, non sans difficultés, mais avec bonheur.

Une loi ? Un article tout au plus : « La petite enfance mérite mieux qu’un cavalier législatif, s’irrite Jean-Yves Brenier, président de la Communauté de Communes des Balcons du Dauphiné. Pire : l’article 17 de la loi plein emploi de décembre 2023 va à l’encontre du fonctionnement de bien des territoires en n’accordant le statut d’autorité organisatrice d’accueil des jeunes enfants qu’aux seules communes dont, pourtant, plus de la moitié comptent moins de 500 habitants. »

« Or, poursuit le maire de Leyrieu, dans l’Isère, sans l’intercommunalité, beaucoup de communes, notamment rurales, peineront à satisfaire aux obligations de la loi dite plein emploi de décembre 2023 en vigueur au 1er janvier 2025. Mais c’est en vain qu’Intercommunalités de France a alerté l’exécutif quant au risque de désorganisation qui pèse sur les services d’accueil de nos territoires. Ce n’est pas en désorganisant les collectivités locales que l’objectif présidentiel de créer 200.000 places de garde sera atteint ! À trop regarder Paris et les grandes métropoles, l’État oublie que, dans le diffus périurbain ou rural, l’intercommunalité est le cadre pertinent pour répondre aux défis que pose la non-densité. »

Trois mots

Par omission, volontaire ou pas, la loi témoigne du peu de considération du gouvernement pour les intercommunalités. « Il suffirait, note Jean-Yves Brenier, d’ajouter après celui de “commune” trois mots - “et son groupement” - dans l’article 17 pour éviter cette désorganisation et ses conséquences préjudiciables pour les enfants et leurs familles, mais aussi les professionnels du secteur auxquels le cadre intercommunal assure un fonctionnement suffisamment pérenne pour leur offrir un statut, des formations, une carrière. »

La crèche, le monde social en couches

« Dans le diffus, pointe l’élu, il est impensable d’ouvrir une crèche dans chaque commune. Ce qui est vrai pour l’école l’est a fortiori pour les crèches avec un nombre d’enfants bien plus restreint. Bref, sans intercommunalité, il n’y a pas ou plus de crèches. Ma communauté de communes, la deuxième de l’Isère avec ses 80.000 habitants, est un bon exemple. Depuis 2017 et la création de douze crèches, elle a pérennisé des emplois, des temps pleins, pas des emplois morcelés ; ce qui rend le recrutement moins difficile. Car la France pâtit d’un manque d’assistantes maternelles. D’où la nécessité d’offrir plus de places dans les crèches publiques dont l’offre peut être complétée par le privé qui, plus souple, s’adapte plus facilement aux horaires atypiques. »

« Taille opérationnelle »

Trois mots, pas un de plus, que la ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles, semble ne pas entendre. « Sarah El Haïry, reprend Jean-Yves Brenier, ne retient que la mention “petite enfance”, qui relève de la compétence générale des communes, oubliant que cette compétence peut, par délégation, entrer dans le cadre de l’action sociale d’intérêt communautaire. Pourtant, quelque 27.000 communes sont engagées dans une logique intercommunale… Mais voilà, en dépit de discussions suivies depuis plus d’un an, la loi n’a pas été modifiée. Manifestement, l‘intérêt des d’intercommunalités n’a pas infusé auprès de tous…  »

Les destins scolaires se jouent souvent dès la maternelle

Et d’insister : « L’intercommunalité, c’est la République sur le terrain. Elle soulage les maires dont le nombre grandissant de démissions dit la difficulté de la tâche. L’intercommunalité, c’est la taille opérationnelle pour des dossiers comme l’urbanisme, l’eau et l’assainissement ou la petite enfance. Cela se traduit par des économies d’échelle et une égalité de traitement sur un territoire plus vaste. » Les trois mots manquants ne sont pas audibles dans le chaos d’une campagne législative précipitée, pas du gouvernement en tout cas qui n’a pas que tourner la page de la loi plein emploi de décembre 2023. « Les préfets ont reçu des consignes pour l’interpréter, soupire Jean-Yves Brenier. Les communes, en revanche, devront rouvrir les discussions et détricoter les compromis. C’est tout sauf une bonne idée alors que se profilent les municipales de 2026… »

Mais assurément, dans l’immédiat, la dissolution de l’Assemblée nationale préoccupe-t-elle aussi davantage les élus d’Intercommunalités de France…

Jérôme Pilleyre

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