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Une œuvre en dentelle monumentale, destinée à une Biennale d'art contemporain, est confectionnée en Haute-Loire

Une œuvre en dentelle monumentale, destinée à une Biennale d'art contemporain, est confectionnée en Haute-Loire

À l’abri dans la chapelle de la Visitation de Brioude, des dentelliers de l’Hôtel de la dentelle travaillent à la création d’une œuvre avec l’artiste Mona Cara.

Installées dans l’église de la Visitation, des petites mains de l’Hôtel de la dentelle (HDLD) travaillent inlassablement, depuis avril, à une œuvre unique à plusieurs égards… Elle est tout d’abord le fruit d’un projet porté par l’artiste Mona Cara, spécialisée dans le tissage jacquard, destiné à la Biennale d’art contemporain de Lyon. " Ce qu’elle aime, c’est mélanger d’autres arts du fil avec le jacquard. Là, son tissage sera intégré à une structure de dentelle monumentale", explique Mathias Cazin, coordonnateur à l’Hôtel de la dentelle, qui travaille quotidiennement sur cette réalisation.Cette œuvre monumentale nécessite des fils épais et des fuseaux très grands.

Un équilibre à trouver entre le concept artistique et sa réalisation

" La Ville cactus, ainsi imaginée par Mona Cara, est inspirée de la forme d’un cactus, explique Valentine Hue, médiatrice pour le programme territorial de la Biennale (*). Sur chaque branche, il y a un élément, une rencontre, un événement lié à tout ce qu’elle a croisé depuis qu’elle a été retenue. " Et Mathias Cazin d’ajouter : " Elle s’est inspirée de deux choses. Tout d’abord du fait que le cactus mort a un squelette qui ressemble à de la dentelle. Et que dans les énormes cactus, il y a toute une vie qui se développe, avec les insectes, les oiseaux… "Une partie du dessin réalisé par Mona Cara à taille réelle

Tout est monumental dans ce projet. À commencer par sa taille : 120 m². " Le plus dur, pour nous, a été de transformer un besoin artistique en dessin technique, poursuit Mathias Cazin. Il faut que cela représente son dessin, tout en étant de la dentelle. "

L’autre enjeu, c’est que l’œuvre va être accrochée à la verticale. Il faut que ce soit assez solide pour que cela ne craque pas. Et la structure en dentelle va porter celle en jacquard.

Partie en jacquard réalisée par Mona Cara. Le dessin gigantesque servant de modèle aux dentelliers brivadois a été réalisé par l’artiste dans un gymnase, à Hyères.Sur ce croquis, la partie en rose est réalisée par Mona Cara. Le reste par les dentelliers de Brioude.

" Elle est venue une semaine en résidence. Puis elle est repassée pour voir comment on avançait en s’adaptant aux contraintes, explique Mathias Cazin. Il y a eu des essais longs et laborieux. "

Des choses ont été refaites sur sa demande. Il y a eu un équilibre à trouver, c’était parfois difficile d’interpréter ce qu’elle avait en tête. Maintenant, le pli est pris. Elle suit la réalisation au jour le jour.

Et pour cette œuvre de taille, il a fallu des outils adaptés et forcément inhabituels pour ceux ayant l’habitude de travailler des fils dont l’épaisseur se mesure en microns. " On utilise du fil d’au moins 1 mm d’épaisseur. Et pour une partie, 2 mm. C’est du fil d’arcade, que l’on trouve aussi comme outil pour confectionner le jacquard. Cela fera le lien entre les deux techniques… Concernant le choix des couleurs, c’est Mona Cara qui l’a fait, pour que cela s’intègre à son dessin. Et avec des fils plus gros, il fallait des fuseaux plus gros. Il y a une trentaine d’années, Odette Arpin en avait utilisé pour son œuvre Le Printemps, qui lui a servi pour montrer qu’on pouvait faire de la dentelle avec une grosse ficelle. On en avait une cinquantaine. On en a commandé une centaine de plus. Et une cinquantaine supplémentaire devrait arriver. Enfin, nous utilisons des clous à la place des épingles. "Cette dentelle se crée avec des fils plus épais et de très grands fuseaux

Travailler vite

Une autre question technique a dû être prise en compte : " Le taux de rétrécissement d’une dentelle est de 5 % une fois les épingles enlevées. Là, il ne faut pas de rétrécissement. Donc on travaille beaucoup plus simplement. On tire beaucoup moins le fil. " Dans la chapelle de la Visitation, le travail de cette gigantesque dentelle a nécessité d’autres adaptations : " Au départ, on a essayé de travailler sur le dessin de Mona Cara. Mais il glissait, se déchirait… Alors on a fait des calques pour ne pas travailler sur des bandes de plus d’1 m de largeur. "

L'Hôtel de la dentelle de Brioude va faire évoluer son offre de formation

Et tout ceci n’empêche pas une part de liberté offerte aux dentelliers. " Il y a un clin d’œil au point d’esprit de Brioude : des gouttes se trouvant dans des nuages. Nos plus jeunes dentellières s’occupent de quasiment toutes ces gouttes. Elles ont trouvé techniquement comment les faire. Et elles sont fabriquées avec de la ficelle de lieuse (pour les bottes de foin). "Les gouttes d'eau sont réalisées en point d'esprit de Brioude 

Six personnes de l’Hôtel de la dentelle participent de manière active, dont Mathias Cazin, présent tous les jours, et les trois bénévoles qui s’affairaient ce jeudi 30 mai : Catherine Heno, élève confirmée, Marie-Claude Espèche, MOF, et Jean Barbier, élève régulier. " 

Il faudrait que la dentelle soit finie pour mi-juin, mais de manière plus réaliste, je dirai que ce sera pour fin juin. Des bénévoles font des kilomètres pour participer et donnent des heures et des heures… Cela aurait été impossible seul. Le défi de l’œuvre réside autant dans sa taille que dans le temps accordé pour la faire

Cette Ville cactus doit être exposée à Lyon, aux Grandes Locos, du 21 septembre au 5 janvier 2025. 

Pierre Hébrard

(*) Parmi les artistes recrutés sur la Biennale d’art contemporain de Lyon, neuf ont décidé de réaliser leurs œuvres sur le territoire et de faire participer des publics locaux.

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