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Royaume-Uni : face à la poussée de l’extrême droite, Sunak menacé d'"une disparition 'à la canadienne'"

C’est fait. Le moment "tant attendu" du crossover est arrivé, lâche la BBC. Dans un sondage YouGov commandé par The Times en vue des élections générales du 4 juillet prochain, et publié la semaine dernière, les populistes de Reform UK sont passés devant les conservateurs (tories) dans les intentions de vote. Une première pour cette formation politique, héritière du mouvement indépendantiste Ukip devenu le Parti du Brexit en janvier 2019.

De quoi provoquer des "doutes" chez le Premier ministre britannique Rishi Sunak sur "la pertinence de sa décision de convoquer les élections à l’avance", pointe le sondeur Sir John Curtice à l’antenne de la plus ancienne chaîne du monde. Car depuis 2022, le Parlement n’a plus de mandat fixe, ce qui laisse la liberté au chef du gouvernement de dissoudre la Chambre des communes sur simple demande au souverain. Après la déroute des conservateurs aux élections locales de mai dernier, Rishi Sunak a donc demandé à Charles III de convoquer de nouvelles élections.

Une percée inédite du mouvement populiste

Sauf que, d’après les estimations de l’hebdomadaire britannique The Economist (libéral), les conservateurs pourraient bien subir un de leurs pires revers électoraux. Les tories risquent bien d’être "abandonnés" par 7 à 9 des 14 millions d’électeurs qui les ont soutenus lors des dernières élections générales, en 2019. Dans les sondages, les tories ne sont donnés qu’à 18 % des intentions de vote, soit "le niveau le plus bas de l’histoire britannique", souligne The Times (centre droit), tandis que Reform UK caracole à 19 %, là où il n’avait obtenu que 2 % en 2019.

A cette envolée inédite qui pèse comme une épée de Damoclès au-dessus du vieux parti, s’ajoute la question d’une présence massive de candidats roulant sous l’étiquette Reform UK. "En 2019, le parti du Brexit dirigé par Nigel Farage, précurseur de Reform, a décidé de ne pas se présenter contre les conservateurs dans de nombreuses circonscriptions, une décision qui a aidé Boris Johnson à obtenir une majorité conservatrice de 80 sièges", rappelle le journal américain Washington Post (centre). Clémence que les réformistes ont décidé d’abandonner pour ce scrutin.

Vers une division des votes de droite

Ainsi The Guardian (centre gauche) anticipe et titre : "La division du vote de droite par les réformistes pourrait s’avérer dévastatrice pour les conservateurs." Conservateurs qui pourraient, selon The Economist, "être encore plus malmenés le 4 juillet" qu’à l’issue du scrutin local du 2 mai dernier. Même son de cloche au Washington Post qui estime que "Reform UK pourrait siphonner les voix des conservateurs dans tout le pays, aidant ainsi les travaillistes et les libéraux-démocrates centristes à remporter davantage de sièges". D’après le Daily mail (droite conservatrice), Nigel Farage aurait même "prédit" des guerres intestines au sein du parti conservateur.

Face au risque de débâcle électoral, The Economist convoque une référence vieille de trente ans : l’élection canadienne de 1993, au cours de laquelle le parti conservateur n’avait obtenu que deux sièges. "Les tories craignent une disparition 'à la canadienne'", raille ainsi l’hebdomadaire britannique dans le sillage de The Independant (centre gauche) qui rafraîchit les mémoires : "Au Canada, le résultat a sonné la disparition de 167 sièges parlementaires - y compris ceux du Premier ministre de l’époque, Kim Campbell". Et de tirer la sonnette d’alarme : "Les similitudes sont suffisantes pour faire frissonner les candidats conservateurs."

Un parti conservateur "trop" centriste ?

D’ailleurs, "en privé, les conservateurs s’inquiètent depuis de nombreux mois du risque que représentent les réformistes", glisse la BBC. Car si les prédictions se confirment dans les urnes le 4 juillet prochain et que le parti conservateur essuie une défaite "humiliante", il pourrait bien être obligé de se rapprocher du centre, phosphore The Economist. Problème, une remise en question des tories ne sera pas évidente : "La première étape pour un parti éconduit est généralement le déni en particulier dans la défaite", précise l’hebdomadaire.

Mais pour The Spectator (conservateur) le péché originel des tories réside justement dans la modération des dirigeants conservateurs ces dernières années. Initié par David Cameron, le "centrisme conservateur" aurait depuis été défendu par l’ensemble des dirigeants conservateurs jusqu’à Rishi Sunak. "Pendant ce temps, le vote conservateur naturel exige des réponses beaucoup plus fortes aux angoisses de l’époque - l’immigration excessive, la montée de l’islam radical et l’effondrement de la loi et de l’ordre au quotidien étant les principales d’entre elles", analyse l’hebdomadaire eurosceptique.

La BBC reprend notamment une étude réalisée par le groupe de sondage More in Common qui révèle que les électeurs envisageant de soutenir Reform UK citent massivement l’immigration comme leur principale raison. Mais également les réfugiés et le Brexit. Ce, "bien avant l’admiration pour Nigel Farage - ou l’aversion pour Keir Starmer, le chef du Labour ou Rishi Sunak". Reste qu’il serait imprudent d’omettre le poids de la figure du leader populiste Nigel Farage dans la percée du parti anti-immigration.

L’effet Nigel Farage ?

La simple annonce de la candidature de l’ancien trader a provoqué une onde de choc au sein du parti des conservateurs. Eux qui pensaient être débarrassés de cet "incendiaire populiste", selon la formule de nos confrères du Washington Post. D’avantage encore après qu’il a annoncé ne pas se présenter à ces élections. "Il était plus important de soutenir mon allié Donald Trump lors de l’élection présidentielle américaine de novembre", avait alors justifié le candidat malheureux des sept dernières élections générales.

Mais en décidant in fine de se présenter dans la circonscription de Clacton dans le sud-est de l’Angleterre, Nigel Farage ruine les chances des conservateurs de repasser devant les travaillistes qui pointent à 37 % des intentions de vote. "Les perspectives électorales des conservateurs se sont considérablement aggravées avec l’entrée en lice du populiste Nigel Farage à la tête du parti de droite Reform UK", peut-on lire dans les colonnes du Washington Post. Et bien qu’un raz de marée réformiste reste à ce stade peu probable, Reform UK continue de prospérer dans les sondages, "en grande partie aux dépens des conservateurs".

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