Nati raconte 100 ans : "Je me suis sortie de tout, maintenant, je me dis qu’il faut vivre le présent"
Maria de la Natividad Vitiello (pour l’état civil depuis que ses papiers originaux ont été mal retranscrits après un incendie) est Nati (pour tout le monde) : l’une de ces centenaires qui vous font remballer vos a priori sur la marche du temps.
Après le maire de Gerzat, on venait lui souhaiter le meilleur pour sa nouvelle année, la 101e. On a commencé par la chercher derrière une dame coquette qui posait pour la photo avec une petite canne.
Un bonhomme d’à peine deux ans insistait pour qu’elle prenne sa peluche. Elle invitait à ramasser un domino tombé au sol. Elle surveillait du coin de l’œil la tasse de café sur la table basse, qu’un peu de chahut pouvait renverser.
La centenaire, c’était elle ! Discutant de tout dans un français coloré d’Espagne. Pas une ride sur ses joues à peine poudrées. Toute mignonne dans une simple veste tailleur avec quelques bracelets et de discrètes boucles d’oreille fantaisie.
Dans son appartementLaetitia, sa petite-fille, n’avait pas exagéré sa vitalité. Pour son centième anniversaire, elle admet qu’il a fallu sortir le fauteuil roulant.
La fête organisée par une famille de 4 enfants, 11 petits-enfants et 14 arrière-petits-enfants se tenait ailleurs. Son propre appartement aurait été bien trop petit !
Leur attachement est évident, et leur présence la tient. Sa fille Monique, qui a traversé un cancer avec le soutien moral et logistique de Nati, la remercie ainsi.
« C’est à notre tour d’être là. Pareil pour mon frère dont elle a aussi gardé les trois jeunes enfants quand leur maman est morte ». Nati sourit à ce souvenir terrible et pourtant épique.
J’habitais Clermont, je faisais des grandes marmites pour les repas et j’amenais tout ça à Gerzat.
A plus de 90 ans encore...Il y a quelques années seulement, elle partait encore se balader seule en bus, en train ou à pied, quitte à se perdre pour être partie trop tard et se faire surprendre par la nuit.
Aujourd’hui, dans l’appartement de Gerzat proche de ses enfants, elle a d’ailleurs bien du mal à se résigner. L’arthrose, un cœur fragile et les effets secondaires de médicaments ont eu raison de sa liberté. Mais elle entretient soigneusement son maintien : avec de jolies toilettes, des séances de pédalier assis, « et presque tous les jour de la gym avec ce que m’a dit le kiné ! ». A Gerzat. « Il y a des fois où j’ai envie de pleurer, d’autres où j’ai envie de rire. C’est comme ça la vie. Je me suis sortie de tout. Maintenant, je me dis qu’il faut vivre le présent».
Pour le moral, il y a les petits gâteaux, le kir ou porto à l’apéritif, et aussi chanter des vieux airs espagnols et Luis Mariano, les parties de Uno en famille...
Des jours à rire, d'autres à pleurerLe reste du temps, faute de pouvoir galoper, c’est balcon, magazines et un peu de télé. « J’aime me tenir au courant de ce qui se passe dans le monde, vous savez... ». Mais les guerres l’effrayent, l’attristent au point qu’elle peine à trouver les mots. « Dans la vie, il faut savoir échanger avec tout le monde ! »
La guerre : ce n’est pas normal que l’on ne sache pas faire autrement... Je voudrai leur dire de rester tranquilles... vivre...
Née le 13 mai 1924 à Ronda, non loin de cet impressionnant Ponte Nuevo qui se rappelle à elle sur la toile de son salon, Nati a connu la Guerre d’Espagne, la fuite des professeurs qui lui ont fait quitter les bancs de l’école à 12 ans pour devenir couturière.
Du Maroc à ClermontNati est partie à Casablanca comme garde d’enfant à 29 ans. C’est là, au Maroc, qu’elle a déniché l’homme de sa vie - « le seul » -, épousé six mois plus tard. Elle l’a suivi à Clermont. 39 ans à la Muraille de Chine dans une ambiance de village. « C’était bien ».
Un bonheur cette vie clermontoise ! Même après la disparition de son époux. Il y a quelques années, quand elle avait encore son appartement sur le plateau central, elle ne ratait pas une occasion de mettre le nez dehors. « Plusieurs fois par jour, et même le soir ! »
Aller faire des courses et rester manger à la cafétéria même seule. J’aimais bien... Je suis une Andalouse!
Son fils l’aide à préciser ce qu'elle entend par Andalouse : « Vivre ce qu’il y a à vivre sans se faire trop de soucis ».
Elle en a tellement des souvenirs, Nati, que parfois elle se dit qu’elle pourrait écrire un livre ! « Et puis finalement non. Il y a des souvenirs qui me rendent triste. Il y a même des jours où je pleure. Je préfère rester dynamique et vivre chaque jour. »
Son plus grand trésor, sa familleSa fierté, ce qui la tient et la fait avancer chaque jour nouveau, c’est sa famille ! Nati disparaît et revient, lumineuse, avec des coupures de presse où des photographes ont capturé ses magnifiques petit-fils et petite-fille.
Ce qu’elle aurait envie de dire à tous les autres comme elle le dit aux siens, c’est qu’il faut savoir être gentil et rester unis. « La famille, être là les uns pour les autres, c’est le principal.»
Anne Bourgesanne.bourges@centrefrance.com