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Nucléaire : cette divergence que le Nouveau Front populaire tente (pour l’instant) d’occulter

Nucléaire : cette divergence que le Nouveau Front populaire tente (pour l’instant) d’occulter

Ce qui est écrit compte. Ce qui ne l’est pas est tout aussi révélateur. Les composantes du Nouveau Front populaire, au terme d’intenses tractations pour les élections législatives anticipées, ont bouclé en fin de semaine dernière un programme commun et "de rupture" avec la politique d’Emmanuel Macron. L’urgence climatique et la transition énergétique infusent dans de nombreux aspects couchés noir sur blanc par les négociateurs insoumis, socialistes et écologistes. Ils souhaitent, en chœur, un moratoire sur les grands projets autoroutiers et sur les mégabassines, le vote d’une loi énergie-climat, un plan traçant le chemin jusqu’à la neutralité carbone en 2050, s’opposer à la privatisation des barrages hydroélectriques et transformer la France en "leader européen des énergies marines".

La mention des énergies renouvelables, qui font l’objet d’un consensus, cache à peine l’absence de paramètres concrets sur la composition future du mix énergétique français. Elle contraste surtout avec le passage sous silence de l’éléphant dans la pièce : le nucléaire.

"Nous ne sommes pas d’accord, on ne va pas faire comme si on l’était", a justifié Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise. Alors dans une optique d’union et de campagne express, les questions qui fâchent, dont l’épineuse question de l’atome, ont été volontairement remises à plus tard. "Le calendrier est certes très restreint, mais ce n’est pas à la hauteur des enjeux", regrette Benoît Calatayud, directeur de la transition énergétique chez Capgemini Invent et expert associé à la Fondation Jean-Jaurès.

"Le nucléaire est l’une des nombreuses lignes de fracture politique au sein de cette alliance, confirme Pierre Germain, directeur associé et fondateur du cabinet de conseils E-CUBE. Ce débat a été évacué, et je ne peux que le regretter, car il y a un besoin de pédagogie. En restant en surface, on perd la vision profonde de ce que doit être le mix énergétique du futur." La même stratégie d’évitement avait été utilisée en 2022 pour le programme de la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale), l’ancêtre du Nouveau Front populaire. Actant leurs différences, les partis avaient convenu, en cas de victoire aux législatives, de trancher ensuite la question à l’Assemblée nationale. Rebelote, donc, en 2024.

"Ecologistes du passé"

La récente - mais déjà quasi-oubliée - campagne des élections européennes a pourtant de nouveau éclairé les divergences de fond entre les formations. Le Parti socialiste considère l’atome comme une "énergie de transition" et juge qu’il est nécessaire de s’appuyer sur les installations existantes pour tendre vers du 100 % renouvelable. Les communistes (PCF) affichent, eux, clairement leur profil pro-nucléaire et militent pour la construction d’au moins six EPR supplémentaires – soit le chantier déjà lancé par Emmanuel Macron, qui s’est même prononcé pour huit de plus. Une posture à l’antithèse de La France insoumise et des Ecologistes, dont les têtes de listes aux Européennes ont été qualifiées "d’écologistes du passé" par celle du PCF lors d’un débat télévisé. Les deux formations veulent en effet se passer complètement de l’atome, même si cette position devient de plus en plus contestée par une frange de jeunes militants, notamment chez les verts.

Cette opposition était tout aussi visible en mai 2023 lors du vote de la loi de relance du nucléaire. Les députés communistes ont voté pour ; les insoumis et écologistes contre. Au centre, les socialistes, qui se sont abstenus. Seul consensus clair dans le programme du Nouveau Front populaire : le retour sur la douloureuse fusion de l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN).

En cas de victoire le 7 juillet, les sujets sensibles devront pourtant être rapidement tranchés. "Les politiques climatiques sont très coûteuses, parce qu’elles déstabilisent beaucoup d’habitudes, des groupes professionnels, au-delà même des intérêts des puissants. Donc pour gagner, il faut les laisser de côté. Mais pour gouverner, cela ne sera pas possible", analyse, sur X, le philosophe de l’écologie Pierre Charbonnier.

Avant une dissolution qui a mis de nombreux dossiers à l’arrêt, la planification écologique souffrait déjà d’un retard chronique. La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en est l’exemple le plus frappant. "On a perdu beaucoup de temps ces dernières années avec la crise des institutions, regrette Pierre Germain. C’est dramatique pour notre avenir énergétique, mais aussi social. Il ne faut pas de nouvelles tergiversations." Benoît Calatayud approuve : "Il y a un vrai besoin de planification, de décarboner notre société avec la bonne offre énergétique - qui est multiple. Il faut raconter un nouveau récit de la transition."

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