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Rio Loco 2024 : une ode flamboyante à la Méditerranée

Traversant une grande variété de styles entre sonorités traditionnelles et actuelles, avec un goût prononcé pour l’hybridation, le festival toulousain a exploré en profondeur durant cinq jours le riche vivier musical du bassin méditerranéen.

Rendez-vous éminent de la vie culturelle à Toulouse, extrêmement populaire, Rio Loco – qui est apparu dans le paysage local en 1995, d’abord sous le nom “Garonne, le festival” – s’attache à faire découvrir des musiques d’horizons multiples en suivant chaque année un axe géographique ou thématique.

Un festival intergénérationnel

Intitulée Odyssea, l’édition 2024 a été structurée comme un voyage à travers les musiques du bassin méditerranéen, d’une rive à l’autre, de l’Europe du Sud au Maghreb et au Moyen-Orient. Sous la conduite du chef d’équipage Fabien Lhérisson (directeur du festival et de la salle de concert Le Metronum), la programmation – concoctée par Elvire Delagrange et Vincent Lasserre – s’est déployée pendant cinq jours sur la Prairie des Filtres, illustre espace vert de la ville rose dont les six hectares s’étendent tout au bord du fleuve.

Bénéficiant d’une météo favorable, hormis un peu de pluie le vendredi soir, cette odyssée musicale en plein air a drainé dans son sillage un large public, d’âges très variés – une dimension intergénérationnelle qui fait partie de l’ADN de l’événement, hautement convivial et ouvert à tous·tes, avec une politique tarifaire résolument abordable (le pass intégral coûtant seulement 35€).

Sous le nom Barrio Loco, un ensemble de concerts gratuits – proposés dès la mi-mai dans divers lieux, intérieurs ou extérieurs, de Toulouse et de sa périphérie – a complété l’offre principale du festival et ajouté encore à son rayonnement dans la ville.

Une traversée de la Méditerranée

Toujours en expansion, Rio Loco a vu cette année l’introduction d’une quatrième scène sur le site de la Prairie des Filtres, baptisée Scène Garonne et dévolue à des artistes de la région. On a pu y entendre By The Sket, duo – Alima Hamel (chant), Vincent Ferrand (contrebasse) – délivrant un jazz minimaliste aux confins du silence tout en ferveur contenue, et Terestesa, quatuor franco-italien (basé à Toulouse) propulsant un rock indé anguleux et nerveux encore plus accrocheur sur scène que sur disque – sorti en avril, leur mini album Bella Faccia est néanmoins fortement recommandé.

Toute proche de la Scène Garonne, la Scène Prairie (la deuxième en termes de taille) s’est avérée très fertile. On a ainsi pu se faire emporter par Cocanha, duo féminin interprétant des chants polyphoniques occitans avec une ferveur inventive très communicative, et Davide Ambrogio, chanteur et multi-instrumentiste italien semblant faire jaillir sa musique puissante des profondeurs de la Terre. Formé par la chanteuse d’origine syrienne Lynn Adib (à la voix magnifique) et le musicien d’origine libanaise Zeid Hamdan, qui vivent aujourd’hui en France, le duo Bedouin Burger a, quant à lui, mis le public en douce lévitation avec son répertoire inclassable naviguant librement entre jazz, pop, musiques traditionnelles arabes et électro – on peut aussi le savourer sur disque via leur premier album, Ma Li Beit, fraîchement paru.

Dédiée à l’électro, la Scène Onda Mix a ondulé tout au long du festival sur des rythmes bariolés. Citons par exemple la prestation de la DJ polonaise Kornelia Binicewicz, grande passeuse de raretés turques psychédéliques, ainsi que celle du DJ et producteur tunisien Ammar 808, expert dans l’alliage entre électronique et sonorités traditionnelles (d’origines diverses).

Un brassage musical sans frontière

Champions incontestés de la transe électronique à l’orientale, les gars d’Acid Arab ont embrasé le public de la Scène Pont Neuf (la plus grande du festival) avec leur panache habituel dans la soirée du vendredi, malgré l’apparition de la pluie. Au trio central du projet – Guido Minisky (machines), Hervé Carvalho (machines), Kenzi Bourras (claviers) – se sont joints ici trois invités – Ghizlane Meli (chant), Sofiane Saidi (chant), Cem Yildiz (saz, électro, voix) –, déjà présents sur l’excellent album ٣ (Trois) , paru début 2023.

Dans l’après-midi du dimanche, Aïta Mon Amour a apporté – sur la Scène Prairie – un autre exemple de rencontre fructueuse entre musique électronique et tradition arabe. Unissant la chanteuse/rappeuse marocaine Widad Mjama avec le compositeur et multi-instrumentiste tunisien Khalil Epi, ce projet – récemment impulsé – propose une traduction contemporaine de la Aïta, une forme d’expression orale ancestrale de la culture marocaine qui se manifeste contre l’injustice et l’oppression. Scandés par des rythmes profonds et portés par la voix intensément vibrante de Widad Mjama, les morceaux du duo révèlent une grande force de remuement.

Le concert d’Aïta Mon Amour faisait partie des cinq créations au programme du dimanche – un vrai bonus pour le dernier jour du festival. Parmi les autres créations, mentionnons La Cité des Pitchouns, projet pédagogico-musical qui a conduit le groupe marseillais de rock arabisant Temenik Electric à œuvrer avec de jeunes élèves d’écoles élémentaires toulousaines à partir d’un répertoire de chansons de chanteurs et chanteuses ayant quitté l’Algérie pour venir vivre en France (Cheikha Rimitti et Rachid Taha, notamment). Une trentaine sur scène, les enfants forment une chorale bigarrée et mêlent leurs voix à celle de Mehdi Haddjeri, chanteur du groupe, tandis que les musiciens jouent les compositions choisies et réarrangées pour le projet. Un beau moment, touchant, qui trouve un écho particulier dans la France ô combien troublée de juin 2024…

À peine remise de ses émotions, l’équipe de Rio Loco nous donne d’ores et déjà rendez-vous en 2025 pour la 30e édition. Intitulée Supernova, elle devrait rassembler des figures emblématiques de l’histoire du festival et des artistes en devenir dans un grand brassage musical sans frontière.

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