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Législatives : la "coalition", bouée de sauvetage d'Emmanuel Macron

Législatives : la

Les sondages l’acculent. Ses troupes le lâchent, son visage s’effaçant des affiches de campagne. Emmanuel Macron n’en a cure : le chef de l’Etat reste sourd aux appels au silence de son camp et multiplie les prises de parole en vue des législatives. Ici, un podcast pour justifier sa dissolution de l’Assemblée nationale et étriller ses rivaux. Là, une lettre aux Français.

Dans cette missive, Emmanuel Macron dessine son futur gouvernement idéal. Celui-ci rassemblerait "les républicains de sensibilités diverses qui auront su par leur courage s’opposer aux extrêmes". Qu’importent les sondages promettant au Rassemblement national de tutoyer la majorité absolue le 7 juillet : le président de la République guette un trou de souris pour reprendre la main. "Ce retour au peuple peut conduire à cette coalition, voire la contraindre", espère un proche. Elle est la planche de salut des macronistes. "Si on revient à 150, que 50 LR traînent avec 80 socialistes, pourquoi ne pas se mettre d’accord sur quelques grands trucs ?", confiait récemment un candidat Renaissance. Et préserver le pays d’un blocage mortifère.

Rhétorique ultra-offensive

Malgré quelques consultations d’usage, le chef de l’Etat n’a jamais tenté de mettre sur pied cette coalition après les élections législatives de 2022. Aucune offre d’alliance n’a été soumise à la droite - partenaire peu fiable et turbulent - pour arracher la quarantaine de sièges manquants à l’Assemblée nationale. Il s’y essaie deux ans plus tard. Mais c’est un président démonétisé qui lance un appel aux "responsables politiques des forces de l’arc républicain". Son invitation est parsemée d’ambiguïtés stratégiques, tant le président dévoile des visages contradictoires. Côté pile : l’apôtre du rassemblement. Côté face : le chef de meute, adepte d’une rhétorique ultra-offensive. Emmanuel Macron a tancé lundi les programmes des "deux extrêmes", suspects de conduire la France à la "guerre civile". Renvoyant ainsi dos à dos Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire (NFP).

Alors, avec qui s'allier ? Les Républicains (LR) sont affaiblis par l'accord noué entre Eric Ciotti et le RN. L’exécutif nourrit une relation ambivalente avec les socialistes et écologistes, composantes modérées du NFP. Dans cette campagne, il les cache derrière l'épouvantail LFI afin d’effrayer l’électorat de centre-gauche. "Ceux qui disent ’Ne vous inquiétez pas, après ces élections législatives, la gauche se redivisera et les sociaux-démocrates se sépareront des insoumis', ont fait le même coup aux Français au moment des européennes, raillait lundi Gabriel Attal sur France 5. Ils n’ont pas attendu 24 heures pour recréer la Nupes et se remettre derrière Jean-Luc Mélenchon."

Cette stratégie prendra fin le 7 juillet. Le camp présidentiel sortira alors ces élus de l'anonymat, guettant une scission. "Que feront les élus du NFP ?, s’interroge une ministre. Il y a un sujet socialiste majeur." "Les sociaux-démocrates ont rejoint une alliance électorale, ajoute un fidèle d’Emmanuel Macron. Je ne pense pas que François Hollande, qui a fait le CICE [NDLR : le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi], soit d’accord avec un programme à 290 milliards d’euros de dépenses." Infréquentable avant l’élection, allié potentiel après : la Macronie invente la gauche protéiforme. Le cas de l’ancien président de la République résume cette schizophrénie politique. Il est cité en exemple d’une gauche raisonnable, mais Gabriel Attal soutient son adversaire LR Francis Dubois en Corrèze pour lui faire payer son rattachement au Nouveau Front populaire.

"Macron, on l'aide ?"

Une telle coalition est pour l’heure hypothétique. Une majorité absolue en faveur du Rassemblement national la tuerait dans l’œuf. Les projections des sondeurs ne dessinent pas une Assemblée aux mains du camp présidentiel, de la droite républicaine et de la gauche modérée. Si un tel scénario se produisait, il faudrait convaincre 289 élus aux convictions orthogonales de nouer une alliance inédite. De s’allier après une campagne où la diabolisation de l’adversaire sert d’argument principal. Une gageure, tant la culture de la coalition est inexistante en France, freinée par le scrutin majoritaire. Le rapport de force domine. Déjà, la gauche montre les muscles. "Que fait-on si Macron ne veut pas d’un Premier ministre RN ? On l’aide ? Il faudra lui imposer un Premier ministre et une cohabitation", assume un hiérarque socialiste. "On n’ira pas dans un gouvernement d’union nationale, sauf si on le dirige, ajoute un autre. Jusqu’où ? C’est la question."

Faut-il rester à distance d’un pouvoir à l’agonie ? Rejoindre une alliance au risque d’ériger l’extrême droite en seule alternative ? Peut-on se rendre coupable d’un blocage institutionnel ? Ces interrogations illustrent le dilemme soumis aux forces politiques. L’élection présidentielle est la clé de voûte de notre vie électorale. A bas bruit, elle a déjà commencé. Personne ne souhaite pactiser avec un président en fin de règne accéléré, à l’impopularité contagieuse. La gauche voit déjà venir le procès en trahison de ses "amis" insoumis. A droite, Laurent Wauquiez ne veut pas être comptable du bilan d’Emmanuel Macron. Il juge bénéficier d’un avantage comparatif envers ses rivaux Edouard Philippe et Bruno Le Maire, héritiers du chef de l’Etat. Alors, pourquoi monter à bord du Titanic ?

Philippe veut sortir Macron de l’équation

"Contraindre." L’Elysée nourrit en revanche l’espoir d’une coalition imposée par les Français. Qu’on se le dise : elle ne sera pas l’œuvre de Jupiter mais celle du peuple souverain. S’y opposer irait contre sa volonté. Personne n’a intérêt à se voir accusé de ligoter le Parlement au nom de ses ambitions personnelles. "Ceux qui poseront des actes pour rendre le Parlement impuissant n’auront pas beaucoup de chances de prospérer aux futures élections", prévient un dirigeant de Horizons. Un député LR sortant s’essaie à la synthèse : "Il faudra que les gens responsables se retrouvent mais la négociation se tiendra à l’Assemblée, pas à l’Elysée. Sans Macron."

Edouard Philippe souhaite aussi sortir le chef de l’Etat de l’équation politique. L’ancien Premier ministre assure vouloir créer une "nouvelle majorité parlementaire ", au fonctionnement différent de "l’ancienne majorité présidentielle". Plus libre, et moins hégémonique. Le maire du Havre proclame depuis des mois son souhait de réunir la "gauche mitterrandienne" et la droite "conservatrice" en vue de 2027. Ces législatives anticipées lui permettent de mettre en pratique cette ambition. Un test grandeur nature. Derrière l’Assemblée, l’Elysée n’est jamais très loin.

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