Conférence « Israël-Palestine le jour d’après ? »
Le conflit israélo-palestinien s’est immiscé dans la campagne électorale française, dans laquelle il fait apparaître un clivage de plus. C’est dans ce contexte que j’ai assisté le 24 juin à une conférence instructive de Denis Charbit (invité par l’association Géostratégies) que je vais vous résumer ci-après.
Qui est Denis Charbit ?
Denis Charbit est professeur de science politique à l’Open University of Israël (Ra’anana) et il est venu donner durant 3 mois des cours à Sciences-Po, dont je suis à la fois un alumni (promo 1966) et un ancien maître de conférences (1968-1982).
Denis Charbit se considère comme de gauche en Israël et m’a semblé avoir une vue lucide et équilibrée de la situation actuelle.
Voici donc les grandes lignes de sa conférence sur « Israël-Palestine le jour d’après ? », le 24 juin 2024, pour l’Association Géostratégies à Paris.
Pourquoi Nétanyahou reste difficile à remplacer
Denis Charbit pense d’abord que l’actuel Premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou, s’il est impopulaire, est néanmoins difficilement remplaçable.
En effet, il se présente aujourd’hui comme le seul rempart face à la pression internationale pour la création et la reconnaissance d’un État palestinien.
Or, cet éventuel État est plus inacceptable que jamais pour l’opinion israélienne qui reste traumatisée par des événements du 7 octobre 2023 : « Gaza était un État palestinien de fait, et nous avons vu le résultat ».
Cette réaction bloque l’évolution vers deux États : « même si 90 % des Palestiniens étaient pacifiques, les 10 % restants feraient des dégâts considérables. »
La contestation reste forte contre Nétanyahou
Pourtant, les reproches faits à Nétanyahou sont immenses, tant directement que symboliquement, en tant que responsable suprême.
Le pouvoir a en effet ignoré les signaux prévoyant l’attaque du 7 octobre 2023 et l’armée, qui avait été appelée au secours, a mis jusqu’à 72 heures pour se déployer dans toute la zone massacrée par le Hamas.
Concernant le futur, le pouvoir actuel semble incapable d’imaginer comment terminer la guerre actuelle, puisque le Hamas n’est toujours pas anéanti, et qu’on ne voit pas très bien comment il pourrait l’être complètement sans d’énormes massacres supplémentaires.
On reproche aussi à Nétanyahou d’avoir fait passer au second plan la libération des 130 otages restants, alors que la libération partielle qui a eu lieu en novembre 2023 montre que c’était possible.
Mais son intérêt actuel est de faire durer la guerre, à la fois pour des raisons personnelles – les procès le visant sont suspendus du fait de son immunité de Premier ministre – et parce qu’il est prisonnier de sa mission de destruction du Hamas… Et probablement aussi parce qu’il n’a aucune idée claire de ce qui devrait suivre un cessez-le-feu.
La lenteur de la réaction de l’armée a particulièrement traumatisé les Israéliens, parce que le roman national depuis la Guerre des 6 jours, c’est : « au moins vous êtes en sécurité en Israël, alors qu’en France ou ailleurs… ».
Depuis le 7 octobre, c’est toute une crédibilité nationale qui s’effondre !
La position des voisins géographiques
Sur le plan régional, Denis Charbit constate que les grands États arabes traditionnels – Égypte, Syrie et Irak – sont trop occupés par leurs propres problèmes pour agir.
De ce fait, comme pays pouvant éventuellement intervenir, il ne reste que les États du Golfe et l’Arabie et, plus loin, le Maroc. Ils sont d’abord intéressés par les questions économiques, et le problème palestinien ne les passionne pas.
On a souvent opposé les gouvernants arabes, assez indifférents aux Palestiniens, et leur opinion publique, « la rue arabe», au contraire passionnée par le problème. Mais cette rue n’existe pas dans la péninsule arabique, puisque une très grande majorité de la population de ces pays est composée d’immigrés, en général ignorant tout de la Palestine, et de toute façon très surveillés et à la merci d’une expulsion.
Reste l’Iran… qui arme et soutient aussi bien le Hamas que les chiites libanais du Hebzbollah, et qui menace Israël aujourd’hui sur sa frontière nord.
Une solution à « un État » ?
À la fin de cette conférence, j’ai demandé à Denis Charbit pourquoi il n’avait pas parlé de la solution à « un État ». Nous avons eu d’abord un bref échange démographique sur le nombre de Palestiniens, le droit au retour etc. mais il pense que la principale raison est l’accumulation de haine des deux côtés, ce qui ne le rend pas pensable.
Il faudrait que les deux États cohabitent harmonieusement pendant une vingtaine d’années pour se rendre compte progressivement que l’unité serait un grand progrès.
Cette conférence a donc été une illustration de plus du blocage actuel … qui ne date pas d’hier !
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