Si le Nouveau Front populaire veut empêcher le RN d’avoir la majorité absolue…
Souvent, Mélenchon varie. Très souvent. Oublié son "pas une voix pour le RN" de l’entre-deux tours de 2017, si ambigu, si polémique. D’aucuns à gauche ont pris peur en voyant Jean-Luc Mélenchon, flanqué d’une Rima Hassan qui arborait un keffieh, avancer vers le pupitre à 20h15. Qu’allait-il dire ? Un discours sur le ton du bruit et la fureur ? Une petite phrase polémique qui fragiliserait le Nouveau Front populaire, encore une fois ? Une saillie contre les sociaux-démocrates ? À vrai dire, le leader insoumis en a étonné plus d’un. Il n’a pas tergiversé. "En cas de triangulaire, si le Rassemblement national (RN) est en tête et que nous sommes troisième, nous retirerons nos candidatures. Notre consigne est simple, directe et claire : pas une voix, pas un siège de plus pour le RN", a-t-il déclaré dimanche soir. Une fois n’est pas coutume, Raphaël Glucksmann, son némésis social-démocrate de Place Publique, lui a emboîté le pas et a appelé tous les partis arrivés en troisième position à se désister face au RN.
Avec 12 millions de Français qui ont voté pour le Rassemblement national au premier tour des élections législatives, la gauche ne veut plus jouer à se chamailler. Dès 18 heures, les chefs à plumes du Nouveau Front populaire se sont réunis une ultime fois pour arrêter une consigne de vote : le retrait quand troisième. L’affaire n’était pas évidente à LFI où se retirer au profit de certains LR ou d’une ancienne ministre, telle Élisabeth Borne - arrivée deuxième - n’est pas mince. C’est Jean-Luc Mélenchon en personne qui a fini de trancher parmi les siens. "Nous allons faire élire Mme Borne ou M. Marleix. Ce n’est pas simple de le dire", a assumé Olivier Faure sur le plateau de France 2.
Front républicain ?
Arrivé deuxième, le bloc de gauche progresse en nombre de voix mais reste encore loin du RN. Il se présente comme le dernier debout face à l’extrême droite, le dernier rempart contre le RN, front contre front. Le leader insoumis prédisait depuis des années la chute du bloc macroniste : "à la fin, ce sera eux ou nous." Encore faudra-t-il que les triangulaires ne pullulent pas, et que les candidats d’Ensemble arrivés troisième se retirent au profit du Nouveau Front populaire. Car le front républicain, hier légion, n’est plus. Même la Macronie a perdu sa boussole : Emmanuel Macron réclame un rassemblement véritablement démocratique sans le définir, Édouard Philippe un "ni LFI ni RN", François Bayrou, lui, veut du cas par cas – Ruffin, c’est oui, mais d’autres, c’est non. Pour qui ? Pourquoi ? Seul Gabriel Attal aura envoyé un signal plus franc, reprenant mot pour mot un certain Jean-Luc Mélenchon en 2017 : "pas une voix pour le Rassemblement national."
Un premier tour comme une leçon pour la gauche, aussi et surtout. La preuve par l’exemple que la "bordélisation" de l’hémicycle depuis 2022, que les polémiques à n’en plus finir et les saillies antisémites de certains Insoumis depuis le 7 octobre ont solidifié un plafond de verre au-dessus d’elle. De fait, cette stratégie aura fait des victimes collatérales : le communiste Fabien Roussel, bien qu’opposant interne à la ligne Mélenchon au sein de la Nupes puis du Nouveau Front populaire, a été éliminé dès le premier tour par le RN. François Ruffin est en ballottage défavorable dans sa circonscription de la Somme. Reste les sociaux-démocrates qui reprennent de la vigueur et comptent leurs troupes à la veille d’un second tour qui fera aussi office de clarification à gauche : le rapport de force, celui en cours depuis 2017, qui donne la part belle à Mélenchon et ses Insoumis, peut-il s’inverser ? D’ici là, aux Insoumis de se corriger pour espérer tirer un avantage du geste effectué ce dimanche soir en direction de la Macronie.