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Macron et le RN : l'histoire d'un rempart devenu simple spectateur

Le macronisme est né dans la victoire. Sa tentation hégémonique guide ses choix stratégiques depuis le 16 novembre 2016, lorsque Emmanuel Macron annonçait sa candidature à l’élection présidentielle. Les partis de l’arc républicain ? Des concurrents à vassaliser, parfois. A écraser, souvent. La "raison" ? Il s’en est arrogé le monopole, reléguant ses adversaires dans les limbes de l’extrémisme. Même la majorité relative à l’Assemblée nationale, avertissement adressé par les Français en juin 2022, n’a pas entamé ses certitudes.

Le camp présidentiel bascule ce dimanche 30 juin dans un autre monde. Avec 21 % des suffrages, la coalition Ensemble et ses alliés sont nettement devancés par le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire (NFP) au terme du premier tour des élections législatives anticipées. L’Elysée espérait en secret un taux de participation de 70 %, signe supposé d’un réveil de l’électorat macroniste. Comme si le peuple était par essence acquis à son discours de modération. Les urnes ont balayé ce fantasme, malgré un léger sursaut de mobilisation du socle macroniste. Adieu le rêve de majorité absolue, qu’espérait encore en privé Emmanuel Macron il y a quelques jours. Même cette coalition des modérés, bouffée d’oxygène du camp présidentiel, a tout d’une chimère.

Appel à battre le RN

Voilà la Macronie réduite au rôle d’arbitre entre la gauche et le RN. Sommée de choisir entre ces camps qu’elle n’a cessé d’éreinter durant la campagne. "Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour", a réagi Emmanuel Macron dans une déclaration après l’annonce des résultats. Voilà l’extrême droite une nouvelle fois érigée en adversaire ultime, sept ans après le début d’un tango. A ceux qui lui reprochent l’ascension du RN, le chef de l’Etat rétorque qu’il l’a battu deux fois lors de l’élection présidentielle. Il ne peut cette fois qu’appeler à le vaincre.

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Au soir de ce premier tour des élections législatives anticipées, on peut le dire, la Macronie a perdu sa boussole. electionslegislatives2024 politique france sinformersurtiktok apprendreavectiktok

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Les contours exacts du "rassemblement" prôné par Emmanuel Macron sont flous, alors qu’entre 285 et 315 triangulaires sont annoncés pour le scrutin du 7 juillet. Les candidats de la majorité arrivés en troisième position se retireront-ils au profit d’un prétendant LFI, agité en épouvantail depuis trois semaines ? Faut-il appeler à voter pour la formation de Jean-Luc Mélenchon dans un duel face au RN ? La majorité dessine plusieurs nuances de front républicain.

Polyphonie stratégique

Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé le "désistement" des candidats "dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député Rassemblement national face à un autre candidat qui défend comme nous les valeurs de la République", laissant présager un traitement au cas par cas des prétendants LFI. Edouard Philippe a estimé, lui, qu'"aucune voix" ne devait "se porter sur les candidats du Rassemblement national, ni sur ceux" du parti de Jean-Luc Mélenchon. A l’inverse, des marcheurs prônent un barrage total à l’extrême droite. "Le vrai danger est aujourd’hui une majorité absolue Rassemblement national", écrit sur X le ministre de l’Industrie Roland Lescure.

Cette polyphonie est inhérente au macronisme, courant aux diverses racines. Elle est aussi le produit d’une stratégie enclenchée le 9 juin au soir des élections européennes. Sitôt la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée, Emmanuel Macron engage une campagne aussi offensive dans sa rhétorique que défensive sur le fond. Du projet présidentiel, il n’est guère question dans cette guerre éclair. La Macronie se contente de renvoyer dos à dos la gauche et le RN, affublés de l’étiquette "d’extrémistes". Elle se pose en rempart des deux mouvements et tente d’incarner un "vote utile" en vue du 30 juin. "Rarement un premier tour n’a été aussi important", confiait récemment un pilier du gouvernement. Le pouvoir distille la peur afin de limiter la casse et sauver sa majorité relative.

En vain. Habitué à prendre en étau ses adversaires, l’exécutif est privé d’oxygène politique. L’acteur se mue en simple commentateur de l’accord noué par le RN et Eric Ciotti et de l’alliance des gauches. A rebours de sa raison d’être, le bloc central est relégué en seconde division de la vie politique. "Les médias nous appelaient pour commenter les propos des autres", confiait en fin de campagne un député sortant.

Rupture et émancipation

Cette défaite ne s’est pas écrite au cours des trois dernières semaines. Elle a été scellée le 9 juin par le chef de l’Etat lui-même. Jamais les Français n’ont compris le sens de la dissolution de l’Assemblée nationale, contestée jusque dans les rangs de la majorité. Cette campagne éclair a signé une rupture et une émancipation. Une rupture entre un peuple et son président, qui n’a jamais pris la mesure de son impopularité. "C’est la première fois qu’il prendra une tôle après son échec à Normal Sup", confiait un interlocuteur du président avant les européennes. Ce choc n’a pas tari sa soif d’expression publique. Mais aussi l’émancipation d’un camp envers son mentor. Les présidentiables prennent leurs distances avec Emmanuel Macron, tout comme promettent de le faire les députés qui survivront aux législatives anticipées.

Ce coup de poker devrait, sauf immense surprise, plonger le macronisme dans l’opposition le 8 juillet. Son créateur a une semaine pour éviter l’entrée à Matignon de Jordan Bardella. Et pour que cette image n’écrase pas le bilan de celui qui s’est engagé, un soir de mai 2017, à toute faire pour que les Français n’aient plus "aucune raison de voter" pour les extrêmes.

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