Pierre Lemeunier voit la "vie en jaune" depuis le passage du Tour de France en Creuse en 1951
Si les Anglais ont inventé le football et le rugby, le vélo a conquis ses lettres de noblesse et atteint ses sommets en France, même si les premiers vélocipèdes, que Pierre Michaux avait mis au point en 1861, ne ressemblent en rien aux machines du XXIe siècle profilées pour gagner des centièmes de seconde. L’air de liberté que la bicyclette a fait respirer aux Français sur les routes des premiers congés payés de 1936 a créé une dynamique qui s’est accélérée à la chaîne.
Les vélos de la libertéEn 1953, les bicyclettes se transmettent encore de génération en génération. Pierre Lemeunier ne se souvient plus de la marque de son premier engin à l’allure déjà fatiguée. Les couleurs à la mode de cette période étaient le rouge, le jonquille, le bleu et le vert. C’est cette dernière peinture un peu délavée qui habillait le cadre de ce petit vélo où la selle avait été réglée au plus bas : « C’est ce qui m’a, sans doute, amené plus tard à éprouver une tendresse particulière pour les vélos de cette couleur, comme le Terrot de Robic ou l’Hélyett d’Anquetil ».
Motivé par la première victoire de Louison Bobet dans le Tour de France, Pierre brûle les étapes et apprend rapidement à trouver l’équilibre sur les pédales en suivant les conseils de son grand frère Yves. Il foncera ensuite bille en tête, sur les bicyclettes de ses frères et de son père avant qu’adulte, il roule enfin sur un vélo de course.
Les souvenirs s’enchaînent sur un plateauLa passion pour le vélo de Pierre Lemeunier est née le 13 juillet 1951 au bord de la route creusoise qui menait les coureurs du Tour de France de Limoges à Clermont-Ferrand. Habitué aux journaux sportifs en noir et blanc, le jeune Creusois est émerveillé par un spectacle tout en mouvement : « Les véhicules de la caravane, la musique, les petits cadeaux publicitaires… Et puis les coureurs et la vision, en queue de peloton, du maillot bleu de Jean Robic et de son drôle de casque à lanières, vainqueur de la Grande Boucle de 1947, dont j’ai particulièrement suivi la carrière ».
Pierre Lemeunier, professeur d’histoire-géographie, a souvent été sur le bord de la route du Tour et aux départs d’étapes plus ou moins lointaines. Il a rencontré Géminiani, Zoetemelk, Roche, Altig, Groussard, Anglade, Déjouhammet, Bergaud, Walkoviak. Des coureurs qui, chacun dans leur registre, ont marqué la légende de l’épreuve sportive la plus populaire au monde.
Des malchanceux qui n’ont pas toujours eu pignon sur rueLe passionné de sports a une tendresse toute particulière pour les malchanceux et, tout particulièrement pour Eugène Christophe. En 1913, « Le vieux gaulois », qui endossa le premier maillot jaune, est célèbre pour avoir cassé sa fourche dans le Tourmalet et pour l’avoir ressoudée lui-même dans la forge du village de Sainte-Marie-de-Campan.
Jean Robic dit Biquet n’a pas toujours été verni. Pas chanceux non plus, le très populaire Raymond Poulidor, toujours vaillant, jamais découragé et taxé d’éternel second, alors qu’il a remporté de nombreuses et brillantes victoires.Pierre Lemeunier, qui roule désormais en VTT, pourrait bien venir effectuer, le 10 juillet prochain, un tour du côté de Dontreix, pour voir défiler la petite reine et remporter l’étape de 73 ans d’une passion qui lui fera rêver une nouvelle fois « la vie en jaune ».