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“Typhoon Club” : Shinji Sômai se plonge dans l’abîme de la jeunesse japonaise

Quelques mois après la ressortie en version restaurée de “Déménagement”, c'est au tour de “Typhoon Club” de trouver les écrans français, près de quarante ans après sa réalisation.

Intégrant une bande d’une petite dizaine de cinéastes (avec notamment Kiyoshi Kurosawa ou Sōgo Ishii), Shinji Sômai participe à la fondation en 1982 de la Director’s Company, un groupe de production indépendant pionnier qui avait pour objectif de former de jeunes cinéastes japonais en dehors des contraintes des grands studios déjà implantés.

Trois ans plus tard, son Typhoon Club, un des films emblématiques de ce mouvement, est distribué au Japon, tandis que, de l’autre côté du Pacifique, réalisé par un cinéaste qui n’a lui non plus pas tout à fait 40 ans, le Breakfast Club de John Hugues sort sur les écrans aux États-Unis. Au-delà de cette parenté éponyme, les deux films semblent former les deux faces d’une même pièce, celle d’une parenthèse adolescente en quasi-huis clos et ramassée en 24 heures.

Ce n’est pas une journée de colle qui va réunir la jeunesse de Shinji Sômai, mais l’arrivée imminente d’un typhon. Les collégien·nes vont ainsi se retrouver coincé·es à l’intérieur de leur école, théâtre improvisé de divagations et de rêveries, mais aussi de brutalité et de profondes afflictions.

Une suite de blocs crépusculaires

Très vite, le groupe d’ados sera abandonné par les adultes, à l’image de cette unique figure professorale (un enseignant en mathématiques), complètement dépassée et moquée, tour à tour démissionnaire et ivre mort, d’aucune rescousse possible pour une jeunesse tiraillée entre effusions de joie et désarroi. La première partie du film, relativement sage, se fait engloutir en même temps que le typhon, par un second segment plus trouble, fait de longs plans-séquences qui viennent morceler l’ensemble, comme une suite de blocs crépusculaires.

L’irruption de la violence, même si elle est souvent avortée, se fait alors menace sauvage et imprévisible : une interminable tentative de viol (traque cadencée par une centaine de coups de pied, un métronome purement horrifique), la noyade d’un élève par ses camarades (qui n’aboutira pas), une agression par un jet d’acide dans le dos (geste immédiatement regretté mais irréversible), la théâtralité solennelle et cartoonesque d’un suicide.

Le typhon opère sa mue

En réponse à ces démons qui s’éveillent, dans cette nuit d’été ruisselante, les collégiens se mettent alors à chanter et à danser, dans un mélange de reggae et de comptines pour enfants, entre piscine, salle de classe et gymnase. Ils retirent régulièrement leurs vêtements, comme des peaux jetées en lambeau, jusqu’à se dénuder intégralement dans un grand torrent d’eau, devant le bâtiment scolaire, devenues de minuscules silhouettes mangées par la pluie. Le typhon opère sa grande mue.

Lors d’une fugue vers Tokyo, une des adolescentes traverse une galerie marchande déserte baignée dans l’aube bleue, avant de buter sur un duo de joueurs d’ocarina, dos à dos, assis sur ce qu’on imagine être un rail pris dans un mouvement régulier de balancier. L’image est superbe, elle agit comme un résidu de la tempête, un effet quasi-mystique de la pluie sur le monde. La grande douche aura creusé jusqu’au plus profond l’abîme d’une jeunesse japonaise au bord du désastre.

Typhoon Club, de Shinji Sômai avec Yuichi Mikami, Yūki Kudō, Tomokazu Miura… En salles le 3 juillet.

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