Que peut-on voir à l'exposition événement "Hans Hartung - une liberté salutaire", de l'Hôtel du Doyenné, à Brioude ?
Un voyage à travers une évolution artistique, une plongée dans l’histoire marquante d’un maître au destin « romanesque », à la découverte ou redécouverte d’Hans Hartung, spécialiste de « l’abstraction lyrique ». Pour les visiteurs qui prendront le temps d’observer chacune des quelque 70 œuvres présentées et de lire les textes disséminés au fil des étages, c’est tout ce que raconte l’exposition Hans Hartung - une liberté salutaire, qui ouvre officiellement ses portes ce vendredi 5 juillet à l’Hôtel du Doyenné, centre d’art moderne et contemporain de Brioude.
Bonheur de vivre et bonheur de peindreUn cheminement depuis sa jeunesse figurative, imprégnée d’expressionnisme allemand, jusqu’à ses expérimentations énergiques, totalement libres et abstraites, avec des techniques lui permettant de vaincre le handicap et d’exprimer « son bonheur de vivre et son bonheur de peindre. »
Il s’agit du sixième rendez-vous avec un artiste majeur imaginé par le commissaire d’exposition, Jean-Louis Prat. Un rendez-vous avec du rare et de l’inédit. Tout d’abord parce qu’il balaie, une fois n’est pas coutume, la carrière complète de l’artiste à l’honneur. Pour cette exposition rétrospective sur Hartung, « la première depuis 2019 », Jean-Louis Prat a travaillé exclusivement avec la Fondation Hartung-Bergman d’Antibes, dirigée par Thomas Schlesser.Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung-Bergman, devant des œuvres de l'exposition "Hans Hartung - une liberté salutaire" à l'Hôtel du Doyenné, du 5 juillet au 13 octobre 2024. L'exposition a été conçue par Jean-Louis Prat en lien avec la Fondation. Copyright ADAGP, Paris, 2024
Ce dernier, par ailleurs écrivain et historien de l’art, était présent cette semaine à Brioude, pour l’inauguration de l’exposition. « Le parti pris de Jean-Louis, auquel la fondation a adhéré, c’est de montrer des choses peu communes. Il y a une dizaine d’œuvres totalement inédites, que le public n’a jamais pu voir », insistait-il. Et le directeur de la fondation de se diriger vers quelques dessins au crayon datant de 1921.
Au début, Hans Hartung expérimente entre l’expressionnisme et l’abstrait. Là, il y a des dessins au crayon, très vifs, très classiques, on sent déjà la nervosité du trait.
La première salle évoque la jeunesse d’Hartung en la confrontant à un trio de tableaux de 1989, année de sa mort. « On a une nature morte imprégnée de Cézanne, des paysages, des aquarelles figuratives… s’il ne montrait pas ces pièces de son vivant, c’est qu’il voulait insister sur sa partie expérimentale », explique Thomas Schlesser.
Un peu plus loin, une aquarelle, Carré bleu, agencement de taches de couleurs, datant de 1922, évoque un moment clef, quand Hartung teste une « abstraction complètement libre, expérimentale, à 17 ans. » Ses « taches » qu’il va ensuite utiliser de plus en plus pour évoquer « sa réalité ». Thomas Schlesser détaille, en se penchant vers une encre sur papier en vitrine, D’après de le 3 mai de Goya II : « Si on prend les autres pièces de la série, on voit la dilution de la réalité d’Hartung. Cette encre est une évocation de l’œuvre de Goya. Les personnages y sont évoqués par un système de négatif. Puis il y a une atomisation, une dilution, jusqu’à en avoir une vision purement abstraite. »
Une importante séquence sur les années trenteMajestueuses sur un pan de mur de cette première pièce, trois œuvres abstraites aux éclairs de couleur saisissants, datant de 1989, répondent à cette quête artistique et évoquent la prime jeunesse d’Hartung, quand il tentait de saisir les éclairs sur ses cahiers de dessin… « On retrouve cette liberté, cette effusion, cette jubilation chromatique des aquarelles de 1922. On comprend immédiatement ce qu’a été son ambition », explique le directeur de la fondation. « Sur ce trio, Hartung ne touchait pas la toile, ajoute Jean-Louis Prat. Il projetait de la peinture. Il a trouvé un nouveau langage, une technique nouvelle. »
Ce sont des œuvres dans la continuité, qui permettent de dire qu’il prend des risques considérables jusqu’au bout…
Cette première salle explicative passée, le visiteur plonge alors, avec la deuxième, vers une époque clef. Quand les œuvres commencent à être nommées uniquement par leur année et un numéro (T1936-11). Celle du premier mariage avec Anna-Eva Bergman, du divorce, de la fuite de l’Allemagne, du mariage avec Roberta González… « Cela fait très longtemps que l’on n’a pas eu une séquence consacrée aux années 1930 aussi importante. C’est une période d’épanouissement artistique. Je suis extrêmement heureux qu’on ait un accrochage sur cette période », s’émerveille Thomas Schlesser.Jean-Louis Prat, commissaire d'exposition de l'Hôtel du Doyenné, centre d'art moderne et contemporain de Brioude, devant un autoportrait d'Hans Hartung. Dans le cadre de l'exposition "Hans Hartung - une liberté salutaire", visible du 5 juillet au 13 octobre 2024. Copyright ADAGP, Paris, 2024
À l’époque, « 70 à 80 % du temps, Hans Hartung réalise une œuvre complètement spontanée, à l’encre. Quand il en est satisfait, il en fait un agrandissement, une sorte de mise au carreau. C’est à la fois un artiste de la gestualité, de la spontanéité et un artiste de la maîtrise… », poursuit-il. « Il abandonnera cette méthode de travail dans les années 60 avec la découverte des peintures acrylique et vinylique… explique Jean-Louis Prat. « Il n’est pas prisonnier d’une méthode. »
« L’art me paraît un moyen de vaincre la mort »La chapelle du Doyenné se concentre, elle, sur les années 1940 et notamment sur les « têtes » peintes à la manière de Julio González ou de Picasso. Ses derniers travaux figuratifs. Des séries d’œuvres faites pendant la guerre, quand Hartung a choisi de s’engager contre son Allemagne natale au sein de la Légion étrangère française. Qu’il a fui le nazisme puis le franquisme. Une période durant laquelle sa quête de liberté le marquera jusque dans sa chair, avec la perte d’une jambe… « C’est un artiste gestuel. Avec lui, tout ce qui a trait au corps est à rappeler », insiste Thomas Schlesser.
Au deuxième étage, les habitués d’Hans Hartung retrouveront les années cinquante et soixante et leurs pièces représentatives de ce moment d’explosion de sa notoriété. Des œuvres à la peinture projetée et grattée. « Avec un jeu de grattage, il obtient un effet d’explosion, de striure, mimétique d’un flash dans le ciel », confie Thomas Schlesser.
La visite s’achève sur la phase finale de la vie de l’artiste. Quand il multiplie les expérimentations, dont la création céramique, marquée par l’usage du marteau. Qu’il crée des pinceaux avec des végétaux… T1973-R32, « souvent associée à la scène finale de 2001 l’Odyssée de l’espace », laisse entrevoir la passion qu’avait Hartung, depuis sa jeunesse, pour l’astronomie… Et enfin, T1989 K12 vient clore cette balade. L’un de ses derniers tableaux, où un éclair de lumière, à l’allure de phénix, fait écho à l’une des citations de l’artiste, tirée du livre Autoportrait : « L’art me paraît un moyen de vaincre la mort »…
ledoyenne-brioude.fr.
Tarifs L’entrée tarif plein reste à 8 euros. Pourront bénéficier de tarifs réduits les membres de la Communauté de communes Brioude sud Auvergne, les festivaliers de la Chaise-Dieu et les groupes de 10 personnes, pour qui l’entrée sera à 6 euros par personne, ainsi que les moins de 18 ans, les personnes handicapées et les demandeurs d’emploi pour qui elle sera à 4 euros. La visite sera gratuite pour les enfants de moins de 10 ans et les groupes scolaires. Enfin, si vous souhaitez réserver une visite guidée, il vous faudra payer un supplément de 5 euros.
Pierre Hébrard