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"C'était un seigneur" : Alaphilippe, Cavagna, Thévenet, Mangeas, Hinault... saluent la mémoire de Raphaël Géminiani

L'annonce du décès de Raphaël Géminiani, ce vendredi, à l'âge de 99 ans, a suscité de nombreuses réactions dans le monde du cyclisme. De Julian Alaphilippe à Bernard Hinault en passant par Bernard Thévenet, tous saluent la carrière du Grand Fusil, aussi bien le cycliste que le directeur sportif. Et se souviennent également de sa gentillesse, de sa célèbre gouaille et son côté bon vivant.

Rémi Cavagna (coureur professionnel)

« Raphaël, c’était un personnage. J’ai commencé à m’intéresser au vélo en regardant le Tour de France sur le canapé avec mon grand-père, qui est décédé il y a deux ans. C’était une star pour lui. Il m’avait raconté plusieurs anecdotes. Notamment celle-ci qui m’a marqué : mon grand-père était coureur cycliste amateur. Un jour, sur une course, mon grand-père avait crevé et avait jeté son vélo dans le fossé car il n’y avait personne qui suivait avec des roues. Et Raphaël Géminiani, qui était dans une voiture, s’était arrêté et l’avait dépanné. Il lui avait dit ‘’maintenant, tu repars’’. Et mon grand-père avait gagné. Tout cela m’est toujours resté en tête et puis j’ai eu le plaisir de le rencontrer l’année dernière. J’étais allé le voir à Pérignat-ès-Allier (dans le cadre d’un reportage pour La Montagne). On avait pu échanger notamment sur ce qui se faisait avant, sur ce qui ne se fait plus maintenant. On avait parlé pendant une heure. Je l’avais trouvé en bonne santé et super joyeux. Il était à fond. Il regardait le Tour et connaissait de nombreux résultats. C’était un homme calé, qui suivait le vélo. »

Julian Alaphilippe (coureur professionnel)

« Je suis triste de lire cette nouvelle. Je ne sais pas trop quoi dire, c’est difficile. J’ai eu quelques échanges avec lui. J’aurais aimé le connaître plus personnellement. Ça m’attriste sincèrement. »

Bernard Thévenet (ancien coureur, double vainqueur du Tour de France)

« Au printemps dernier, j’avais eu le bonheur de déjeuner avec lui à Cournon. Il y avait aussi Antonin Rolland et Jean Forestier (anciens vainqueurs d’étapes sur le Tour de France et porteurs du Maillot jaune, NDLR). Je l’avais trouvé en bonne forme, avec ses réparties, sa gouaille... C’était ‘’Gem’’. On aimait écouter ses histoires. J’ai eu le bonheur de le côtoyer au sein de l’équipe La Redoute. On était tous les deux directeurs sportifs. Avec lui, j’ai énormément appris.

« Il aimait beaucoup le cyclisme, le connaissait très bien. Il connaissait aussi parfaitement les règles pour savoir comment jouer avec, sans les contourner (rire). »

C’est quelqu’un qui était très humain avec ses coureurs. Et cela s’est vu avec Jacques Anquetil. Quand il était directeur sportif, il était resté coureur cycliste. Il comprenait très bien la démarche voire la détresse d’un coureur. Je l’ai rarement vu enfoncer un coureur, à part s’il avait fait une grosse bêtise. »

Jean-Paul Ollivier (ancien journaliste)

« C’était un personnage qui était tout d’une pièce. Il parlait, se manifestait, il délivrait des données profondes. Il y avait du métier. Il était plaisant, il était agréable, il avait toujours la plaisanterie qui fleurait aux lèvres.

« C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié, comme coureur certes. Mais il a aussi commenté avec nous sur Antenne 2 comme consultant. Je dois dire que pendant le Tour de France, ça nous est arrivé de faire chambre commune et je n’ai pas beaucoup dormi. »

Raphaël a été un bon coureur. Il aurait pu gagner le Tour de France. Mais je retiens aussi le directeur sportif. Il a été excellent dans ce rôle. Il était très engageant auprès de ses coureurs. Il savait trouver les mots pour leur donner le moral. Il influait beaucoup sur eux, en particulier sur Jacques Anquetil notamment lorsqu’il lui a fait faire le doublé Dauphiné Libéré et Bordeaux-Paris. Si je devais retenir une chose de lui, ce serait sa qualité de champion et son enthousiasme. »

Daniel Mangeas (ancien speaker du Tour de France)

« Raphaël faisait partie des idoles de mon enfance. En 1958, quand il fait troisième du Tour, j’avais 9 ans et je commençais à m’intéresser au cyclisme. Ensuite, je l’ai connu comme directeur sportif de Jacques Anquetil et autres. Et surtout, je l’ai côtoyé après. Ça fait toujours bizarre quand on devient proche d’un champion qui a marqué notre enfance. C’était un personnage charismatique. C’était un narrateur hors pair. Quand il vous racontait une étape du Tour, vous aviez l’impression d’être sur le vélo en train de l’accompagner. Il aurait pu être acteur. Au-delà de sa classe, il avait un charisme exceptionnel.

«On avait tellement envie d’être copain avec lui car c’était quelqu’un d’exceptionnel. Comme on dit dans le milieu du vélo : c’était un seigneur. Il n’a jamais gagné le Tour, il a fait deuxième et troisième, il a été champion de France, meilleur grimpeur du Tour. Pour moi, il fait partie des plus grands du XXe siècle au niveau du cyclisme. »

J’ai fait chambre commune avec lui sur le Tour de Corse. Ce n’était pas les nuits les plus tranquilles que j’ai passées. Quand on s’endormait, il était presque l’heure de se lever. C’est quelqu’un qui vivait pleinement la vie. Je me souviens d’une anecdote : on était sur le Tour Méditerranéen et Raphaël buvait un petit peu trop. Janine Anquetil lui a alors dit : ‘’Écoute Raphaël, arrête de boire. Tu écourtes ta vie.’’ Raphaël l’a alors regardée et lui a répondu : ‘’Janine, regarde-moi, je serai centenaire.’’ Il a failli l’être. Et ce qui est surprenant, c'est qu’ils sont partis l’un et l’autre à quelques semaines d’écart (elle est décédée le 3 mars dernier, NDLR). »

Bernard Hinault (ancien coureur, vainqueur à cinq reprises du Tour de France)

« Je ressens beaucoup de tristesse. C’est un compagnon de notre corporation qui s’est éteint. C’est quelqu’un qui a été coureur cycliste, qui a organisé des courses, qui s’est occupé de Jacques Anquetil, de Herrera (coureur colombien) aussi quand il est arrivé. C’est un vrai personnage, haut en couleurs. »

Propos recueillis par Manuel Caillaud

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