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Pourquoi ce projet d'élevage porcin hors-sol fait-il débat en Creuse ?

Pourquoi ce projet d'élevage porcin hors-sol fait-il débat en Creuse ?

Une réunion publique a réuni plus de trois cents personnes, jeudi 4 juillet 2024, pour débattre d’un projet porcin controversé, à Royère-de-Vassivière.

L’affluence lors de l’événement a témoigné de l’intérêt que suscite le sujet auprès de la population. Plus de trois cents personnes se sont retrouvées, ce jeudi 4 juillet, au soir, dans la salle polyvalente de Royère-de-Vassivière, pour débattre d’un projet porcin controversé.

Porté par deux associés installés en Gaec dans le village du Villard, cet élevage hors-sol pourrait accueillir 800 porcs “charcutiers” et 400 porcelets, dans un bâtiment fermé de 1.000 m2. Et ce, « dans le meilleur des cas dès le printemps 2025 (*) », informe Fanny Dumet, responsable qualité et communication au sein de la coopérative Cirhyo, structure qui accompagne les éleveurs dans cette initiative. L’initiative a pour but de diversifier les revenus des agriculteurs, qui disposent déjà d’un cheptel bovin. Mais soulève aussi des interrogations, concernant d’éventuelles atteintes à l’environnement et de possibles nuisances olfactives.

Bien-être animal

Le rassemblement du 4 juillet a pu en témoigner. Organisé par un collectif de riverains, il a réuni une grande diversité d’individus, aux intérêts parfois divergents : élus, simples citoyens, militants écologistes et/ou de la cause animale, syndicalistes agricoles, professionnels du tourisme et représentants de la société Cirhyo.

Assis sur des chaises disposées en cercle, les participants ont d’abord été invités à commenter les arguments des porteurs du projet, lu par un membre de l’assistance. Un temps d’expression libre a suivi. Plusieurs questions ont porté sur le bien-être animal. D’aucuns s’interrogeant sur la santé des cochons, en se demandant s’il ne serait pas préférable de soutenir des projets d’élevages de porcs plein air.

Pourtant présents dans la salle, les membres du Gaec du Villard n’ont pas souhaité prendre la parole, laissant répondre les représentants de Cirhyo. « Les porcs sont des laboureurs. Lorsqu’ils sont en plein air, l’été, c’est sympa. Mais beaucoup moins l’hiver lorsqu’il pleut beaucoup, a argumenté Fanny Dumet. Par ailleurs, le porc craint les variations extérieures et les élever en bâtiment permet de les protéger des pathogènes. De plus, le porc plein air est un marché de niche en France où 95 % des élevages du pays sont de type “caillebotis”. »

Une représentante de Futur Asso, organisation militant pour la protection des animaux a, à son tour, interpellé Cirhyo :

Votre coopérative a été accusée par le collectif L214 de maltraitance animale aggravée, dans un élevage de la Meuse, en 2023 : mise à mort par percussion de la boîte crânienne, castration et coupe de la queue à vif. Ce sont des pratiques illégales.  

Des allégations auxquelles a répondu Philippe Chanteloube, directeur du groupement dont le siège social se trouve à Montluçon : 

Ce cas-là n’est pas encore jugé. Un cas précédent l’a été dans l’Allier, mais l’éleveur a gagné son procès à la cour d’appel de Riom, en mars 2023, contre L214 […] sur les griefs que vous avez exposés.

Traitements des animaux aux antibiotiques, nourrissage des bêtes en partie avec des OGM (une possibilité que ne peut exclure Cirhyo) ont également été abordés durant les débats. Mais aussi, et surtout, les possibles impacts de l’élevage porcin sur la qualité de l’eau.

Importation du “modèle” breton ?

« Des teneurs en phosphore déjà trop élevées », ont été détectées dans le lac de Vassivière, a ainsi assuré un membre de l’assemblée. « Or le projet via les zones d’épandage de lisier va apporter dix kilos de phosphore pur par hectares par an. Ce qui risque d’augmenter la présence de cyanobactérie dans le lac », a-t-il poursuivi.

Là encore, Cirhyo s’est voulu rassurant, alors que l’exemple agricole breton et la prolifération des algues vertes ont été cités à plusieurs reprises durant la soirée : les parcelles “sensibles” ne seront pas concernées par le plan d’épandage (zones humides, pentes…) et les variétés de plantes cultivées seront sélectionnées en fonction de leur propension à capter le phosphate, annonce le groupement.

Un discours appuyé par plusieurs représentants d’organisations agricoles : élus à la chambre d’agriculture de la Creuse, membres des Jeunes agriculteurs ou de la FDSEA… « Ce projet, nous le défendons, car c’est l’installation de deux jeunes agriculteurs qui veulent rester au pays et qui veulent faire vivre le pays, a ainsi souligné Pascal Lerousseau, président de la Chambre d’agriculture. Je préfère que le jambon que nous mangeons vienne de Royère plutôt que de Chine, où l’on élève des cochons dans des porcheries de soixante étages. Ici, nous avons affaire à une petite porcherie. Elle a sa place. La Creuse n’est pas la Bretagne ».

Ce qui ne dispense bien sûr pas les différents acteurs du territoire à être vigilants quant aux pratiques agricoles qui pourraient se développer à l’avenir, ici et ailleurs. 

Quid des nuisances olfactives du projet ? Les éventuelles nuisances olfactives associées au projet d’élevage porcin du Villard ont particulièrement occupé les discussions, le 4 juillet 2024, à Royère. Des riverains craignant d’être incommodés par les lisiers qui seraient épandus dans des parcelles situées dans les communes de Royère-de-Vassivière, de Gentioux-Pigerolles et de Faux-la-Montagne. Fanny Dumet, responsable qualité et communication de la coopérative Cirhyo, a tenté de rassurer, en insistant sur le fait que la fosse à lisier de l’exploitation doit être couverte, afin de limiter les odeurs qui pourraient en exhaler. Tout en expliquant que les épandages auraient principalement lieu à l’automne et au printemps. Fanny Dumet précise que le lisier sera épandu à l’aide de « pendillards » , équipement permettant de déposer la matière sur le sol en évitant de la « brasser ». Une partie de cette matière devrait, selon Cihryo, être également enfoui dans le sol. Le tout, dans le but d’éviter au maximum que les mauvaises odeurs ne se diffusent aux alentours. Des arguments qui n’ont qu’à moitié convaincu l’assistance, ce jeudi. Certains habitants du secteur assurant être déjà gênés par les effluves émanant d’élevages porcins en activité. Un cycliste amateur affirmant par, par exemple, respirer des « odeurs très fortes », lorsqu’il circule à vélo à proximité d’une exploitation située près de la chapelle du Rat, à Peyrelevade (Corrèze). Une professionnelle du tourisme a aussi interpellé les porteurs de projet à ce propos. « Vous comptez arrêter l’épandage du 15 juin au 15 septembre, mais nous travaillons à partir d’avril, notre saison dure six mois », a-t-elle lancé. Tout en s’étonnant dans un même temps que l’on puisse autoriser un tel élevage dans un secteur classé « Natura 2000 ».

François Delotte

(*) Le projet d’élevage porcin du Villard est soumis à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et au régime dit “d’enregistrement”. Son dossier a été déposé cette année auprès des services de l’État. Ces derniers doivent réaliser une enquête administrative afin d’évaluer tous risques en matière de santé, de sécurité publique et d’atteinte à l’environnement.

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