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Avec “Only the River Flows”, Wei Shujun réussit un polar à la complexité inattendue

Ce qui commence comme une enquête a priori classique se mue en radiographie très fine de la société chinoise des années 1990.

Avec ce troisième long métrage, le réalisateur chinois de 33 ans raconte l’histoire de Ma Zhe, chef de police taciturne enquêtant dans la petite ville de Banpo sur une série de meurtres. Si, de prime abord, le film semble être un nouveau polar légèrement (trop) inspiré de Memories of Murder (Bong Joon-ho, 2003), il surprend toutefois dans sa seconde partie, délaissant complètement son enquête au profit d’une réflexion inattendue sur l’intolérance de la société chinoise des années 1990.

Tenaillé par sa morale, le personnage principal finit par tomber dans les rouages d’un pouvoir gouvernemental prêt à écraser la moindre différence : il y a cette femme trans, incarcérée pour “atteinte à la pudeur”, qui se suicide sous ses yeux à sa sortie de prison, puis ce garçon handicapé, coupable idéal, qu’il finira par abattre avant d’être décoré publiquement pour bravoure…

Pour souligner cette idée, le cinéaste parsème son film de balles de ping-pong, qui envahissent le bureau de police pendant les pauses et poursuivent l’inspecteur dans ses rêves, en écho à l’obsession pour l’uniformisation d’une société qui transforme les naissances en loterie, séparant celles et ceux qui auront le privilège d’être conformes, et les autres. On retrouve aussi sur pellicule une province chinoise hivernale des 90’s, sublimée par un grain argentique depuis plusieurs décennies supplanté par l’image numérique.

Wei Shujun magnifie avec une certaine fascination les méthodes artisanales de la petite police locale, qui utilise un rétroprojecteur, fait développer ses photos… On pense aussi à cette caméra Mitchell en feu, que le héros précipite dans la rivière durant un passage onirique très réussi. Only the River Flows rend hommage de multiples façons à cette matière filmique qui, bien qu’en vogue, trouve ici tout son sens en capturant la texture de cette époque.

Only the River Flows de Wei Shujun, avec Zhu Yilong, Chloe Maayan, Hou Tianlai (Chi., 2024, 1h42). En salle le 10 juillet.

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