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Nouveau Front populaire : de l’improbable victoire aux lendemains piégés

Gare aux propos qui vieillissent mal. C’était jeudi 1er juillet, au lendemain du premier tour des élections législatives. Invité du 20 Heures de TF1, Raphaël Glucksmann, le troisième homme du récent scrutin européen, affirmait avec la foi du charbonnier : "Soyons directs, soyons sincères : il n’y aura pas de majorité de gauche à l’Assemblée nationale." La seule question qui prévalait alors était la suivante : "Voulez-vous, oui ou non, de l’extrême droite au pouvoir en France ?". Comment le lui reprocher ? Après les résultats du 30 juin, ils étaient nombreux, à gauche, à appréhender le second tour de ce scrutin comme un simple barrage à une éventuelle majorité absolue du Rassemblement national. À balayer, à demi-mot, l’espoir d’une accession du Nouveau Front populaire aux responsabilités. Et pourtant. Dimanche 7 juillet, le "front républicain", dont la gauche a pris ardemment la défense en réclamant des désistements systématiques, s’est avéré diablement efficace. Voilà le Rassemblement national relégué à la troisième place derrière la coalition présidentielle. Et derrière, l’alliance des gauches qui, elle, a remporté ces élections.

Le Nouveau Front populaire obtient autour de 190 sièges. Pas assez pour convertir la victoire en une majorité absolue (289 députés), mais suffisant pour réclamer de former un gouvernement. "Le président a le devoir d’appeler le Nouveau Front populaire à gouverner", a revendiqué Jean-Luc Mélenchon, premier à s’exprimer après les premiers résultats. Et d’ajouter : "Aucun subterfuge, arrangement ou combinaison ne serait acceptable. En effet, les leçons du vote sont sans appel. La défaite du président et de sa coalition est clairement confirmée. Le président doit s’incliner." Olivier Faure, de son côté, plussoie : "Le Nouveau Front populaire doit prendre en main cette nouvelle page de notre histoire", promettant de ne jamais se prêter à des "coalitions des contraires". Marine Tondelier, patronne des écologistes, se félicite également : "Ce soir, la justice sociale a gagné. Ce soir, la justice environnementale a gagné. Ce soir, le peuple a gagné." Et de prévenir : "Ce soir, ce n’est pas le moment des postures, des oukases ni des courses de petits chevaux […] Ce n’est pas non plus le moment de proposer un ou une Première ministre."

Moment de vérité

Mais lundi ? C’est le jour qu’a choisi Gabriel Attal pour remettre sa démission au président de la République. Alors que la question de l’éventuel Premier ministre de la coalition de gauche, Jean-Luc Mélenchon érigé en épouvantail, a enkysté l’intégralité de cette campagne éclair, le Nouveau Front populaire affrontera son premier moment de vérité. En déclarant très vite que le NFP ne gouvernera que pour appliquer l’intégralité de son programme, Jean-Luc Mélenchon a posé un préalable empêchant toute alliance et, peut-être, toute nomination d’un candidat issu de la gauche.

Et même si ses alliés passent outre la volonté de l'Insoumis, il faudra trancher les modalités de désignation. Pour LFI, c’est du premier groupe d’opposition que doit émerger le nouveau locataire de Matignon. Le reste des partis de gauche n’a pas d’avis aussi net : certains plaident pour une sorte de primaire, quand d’autres préfèrent que le chef du gouvernement soit désigné selon des critères établis par consensus par les différentes composantes de l’alliance. Le tout, à l’aune de rapports de force rééquilibrés entre les partis. Dimanche 7 juillet, La France insoumise a officiellement perdu sa large hégémonie à gauche (entre 75 et 77 sièges), rattrapés par les socialistes (entre 64 et 66 députés), suivi des Verts (33-35 sièges) et des communistes (entre 9 et 11 sièges).

Les composantes de l’union des gauches devront très vite s’adonner à un jeu d’équilibriste. "Ce qui est important, c’est de maintenir l’unité au sein du Nouveau Front populaire, qui ne doit pas être au service des écuries", s’inquiète une huile verte, comme beaucoup dans l’alliance. Trouver une personnalité consensuelle dans une alliance qui, trop souvent, a fait preuve de désunion. Dans ce NFP, d’accord sur si peu, si ce n’est de faire barrage au Rassemblement national. Prendre les échéances les unes après les autres. D’abord profiter d’une improbable victoire. Avant d’affronter des lendemains piégeux.

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