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Tour: Girmay-les-Deux-Victoires ou la Flèche noire

Jour de repos, ce lundi, sur le Tour de France. Notre chroniqueur fait le récit de la semaine écoulée, riche en surprises...

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Jour de repos, ce lundi, sur le Tour de France. Notre chroniqueur fait le récit de la semaine écoulée, riche en surprises.


D’emblée, au terme de cette première semaine du Tour, une certitude s’impose : cette 111ème édition restera dans les annales du cyclisme marquée d’une pierre blanche.

Non pas seulement parce que Romain Bardet dont c’est la 11ème et ultime participation, en remportant la première étape à Rimini, a revêtu à 33 ans la tunique jaune pour la première fois de sa belle carrière, le Graal de tout cycliste avec l’arc-en-ciel de champion du monde ; non pas parce qu’un jeune Français de 24 ans, un très prometteur novice (il a fait en outre 5ème dans le contre-la-montre juste derrière les quatre potentiels vainqueurs), Kevin Vauquelin, qui s’aligne pour la première fois dans la Grande boucle, s’est imposé royalement, de main de maître, à Bologne dès seulement le second jour de course.

Non pas davantage parce que le grand favori, Tadej Pogacar, le Flamboyant, a pris la tête du général sur les pentes du col du Galibier, incongru relief entre deux longues séquences d’étapes de plat, où il a pris un maigre avantage de 50 secondes sur son principal rival, Wingegaard, le Modeste, et qui, d’après les chroniqueurs devins, a de fortes probabilités, sauf coup de théâtre, de la conserver jusqu’à l’arrivée finale qui n’aura pas lieu pour la première fois à Paris mais à Nice ; non pas parce que le contre-la-montre, qui est au vélo ce que la mise à mort est à la corrida, n’a donné l’estocade fatale à aucun des favoris qui se tiennent dans un petit mouchoir de poche d’à peine de 1’40’’ entre le 1er et le 4ème.

Une boucle inédite autour de Troyes

Enfin, non pas parce que le Tour a inauguré dimanche, lors de la 9ème étape, une boucle de 199 km au tour de Troyes qui a conduit le peloton à travers le vignoble champenois pour rendre la course plus pétillante, et elle l’a été, « les chemins blancs », des petites routes étroites recouvertes de pernicieux gravillons qui ont vu la troisième victoire d’un Français plus habitué aux places d’honneur qu’à la première marche du podium, Anthony Turgis, 30 ans, de l’équipe Total-énergie. Trois vainqueurs en seulement neuf jours, un tir groupé sans précédent depuis des lustres…

Cette curieuse étape, qui n’a pas rallié une ville à une autre mais ramené les coureurs à celle d’où ils étaient partis, a donné lieu à un sourd affrontement psychologique entre les deux principaux candidats à la victoire finale. Vingegaard a systématiquement contré les attaques de Pogacar, et refusé de prendre les relais quand ils sont retrouvés seuls avec le Belge Remco Evenepoel, autre favori, prenant peut-être un ascendant mental sur ces deux derniers. Le message qu’il leur a adressé est laconique mais clair : pas d’esbrouffe, pas de gesticulation, moi, je vous donne rendez-vous le 13 juillet sur le col du Tourmalet, de la Hourquette d’Ancizan, et à l’arrivée sur le plat d’Adet, un dénivelé total de plus de 5 000m.  

La pierre blanche qui marquera ce Tour, c’est sans conteste la double victoire d’étape de l’Erythréen, Biniam Girmay, 24 ans, le premier Africain noir à franchir une ligne d’arrivée en levant le bras. Et aussi, le maillot vert du classement par points qu’il a de fortes chances de conserver jusqu’à Nice, vu son avance sur son suivant, le Belge Jasper Philipsen, lauréat l’an dernier. Il sera le premier Noir à terminer la Grande boucle revêtu d’un des quatre maillots distinctifs (Jaune, vert, blanc – meilleur jeune – et à pois – grimpeur).  Au jour de repos, lundi, il comptait 224 points contre 128 à ce dernier. Pour le perdre, il faudrait que le Belge gagne deux étapes et fasse une place de second et que Girmay ne marque aucun point. De l’ordre de l’impossible puisqu’il ne reste au départ d’Orléans, ce mardi, que quatre étapes à la portée des sprinteurs. A moins qu’un sorcier ne lui jette un malifice…

Certes, concernant les victoires d’étapes, il a eu deux prédécesseurs africains, Robert Hunter et Daryl Impey, mais c’étaient des Blancs sud-africains, des Afrikaners. Un autre Afrikaner, Louis Meintjes, s’est illustré sur le Tour : 7ème au général en 2022 et 13ème l’année suivante, mais n’a rien gagné. Un de ses compatriotes Erythréen, Daniel Teklehaimanot, s’était distingué sur le Tour de 2015 en étant le premier, et éphémère, Noir à revêtir la tunique à pois. Il en fut dépouillé le lendemain. Il y a le cas particulier de Chris Froome, quadruple vainqueur final. Bien que Britannique, il est né au Kenya et a vécu en Afrique du Sud où il a été formé au cyclisme, et, donc peut être considéré comme Africain…

Girmay-les-deux-Victoires

Si l’histoire ne se répète pas, comme l’aurait prétendu Karl Marx, il lui arrive néanmoins de faire des pieds de nez au passé. Ainsi, Girmay n’a pas décroché ses deux places de premier n’importe où. La première à Turin : or l’Italie a été le pays colonisateur du sien et c’est le fascisme qui y a importé le cyclisme comme instrument à assimiler en vue d’implanter un empire. La deuxième, il l’a conquise à Colombey-les-Deux-Eglises, la ville de de Gaulle, le décolonisateur français. Ce qui pourrait lui valoir le surnom de Girmay-les-deux-Victoires.

Mais plus probablement, la glose vélocipédique n’étant pas ladre en surnoms, il héritera s’il confirme ses dispositions à lever le bras du sobriquet hypocoristique de La Flèche noire[1], voire de La Perle noire. Il y a bien eu l’Aigle de Tolède, l’Ange de la montagne, le Grand fusil, le Colosse de Mannheim, etc… la liste est intarissable… presque infinie, chaque grand crack ayant droit à son petit-nom. Cette seconde victoire a également mis fin à la série d’un nouveau vainqueur à chaque étape, du rarement vu antérieurement. Son premier directeur sportif quand il passe professionnel en 2019, en intégrant la modeste équipe Continentale Nippo-Delko-Marseille-Provence, Frédéric Rostaing, avait dit de lui : « C’est un diamant brut à dépolir. » Bernard Hinault le considère comme un des plus prometteurs, un des plus aptes à s’inscrire « dans la légende des cycles »[2]. Pour le directeur de la Grande boucle, Christian Prudhomme, rapporte le Journal du Dimanche, « Girmay a marqué l’histoire d’un Tour toujours plus ouvert à l’Afrique ».

En attendant un maillot jaune Noir, Grimay sera, sauf mauvais sort, le premier Noir en vert…

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[1] La flèche noire, titre d’un roman de Robert Louis Stevenson, auteur du célèbre et incontournable L’Ile au trésor.

[2] Titre d’une chronique d’Antoine Blondin, chantre du Tour et auteur d’Un Singe en hiver, dont l’adaptation au cinéma a permis à Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo de faire un sacré numéro de grands acteurs.

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