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Abroger la réforme des retraites par décret ? Les obstacles sur la route du NFP

Abroger la réforme des retraites par décret ? Les obstacles sur la route du NFP

À peine la victoire du Nouveau Front populaire aux législatives anticipées proclamée, les premiers masques tombent. Interrogé sur l’abrogation de la réforme des retraites, l’une des mesures phares de leur programme, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a déclaré lundi 8 juillet sur Franceinfo : "Ce qui s’est fait par 49-3 peut se défaire par 49-3". En mars 2023, Elisabeth Borne avait activé cet article de la Constitution pour faire adopter le texte, qui relevait de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, sans passer par l’accord du Parlement. Le patron des socialistes estime qu'"en l’occurrence, il s’agirait d’un parallélisme des formes".

Ce retour en arrière législatif est en tout cas inscrit noir sur blanc dans le programme de l’alliance des partis de gauche, avec une application dans les 15 jours suivant l’élection. Jean-Luc Mélenchon a, lui, déjà donné la marche à suivre lors de son discours post-scrutin - le premier prononcé par une personnalité politique dimanche soir. Le chef de file de La France insoumise a affirmé que le Premier ministre qui serait désigné par le NFP pourrait gouverner "par décret sans vote". Parmi les premières actions : augmenter le Smic à 1 600 euros net et… abroger la réforme des retraites.

Le décret ne doit pas dénaturer la loi

Mais qu’en est-il vraiment ? "Le noyau dur de la réforme ne peut être remis en cause que par la voie législative", rappelle Alexandre Viala, professeur de droit public à l’Université de Montpellier. Autrement dit, le futur locataire de Matignon ne pourrait pas abroger ou modifier les différents décrets d’application de la réforme des retraites pris en 2023 comme il le souhaite. "Les décrets d’application doivent être en cohérence avec la loi votée au Parlement. Si nouvelle loi il y a, il faudra de nouveaux décrets sur le plan du contenu", assure le politologue Michel Verpeaux. La réforme des retraites est entrée en application le 1er septembre dernier. Depuis cette date, l’âge de départ à la retraite est progressivement relevé, à raison de trois mois par génération, pour atteindre 64 ans en 2030. La génération 1968 sera la première à partir à 64 ans.

Juridiquement, il est tout à fait possible d’abroger une loi. "Le législateur peut la défaire en vertu du parallélisme", confirme Alexandre Viala. Il faudra néanmoins présenter un nouveau texte et passer les étapes classiques des navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Un parcours qui s’annonce pour le moins tumultueux. Avant les déclarations d’Olivier Faure, il aurait été difficile d’imaginer que la gauche ait recours au 49-3, après l’avoir tant décrié dans les rangs de l’Assemblée depuis 2022. Sans cette arme, il faudrait obtenir la majorité de 289 députés pour faire adopter la loi. "En termes politiques, l’opération me paraît assez compliquée. Elle nécessiterait une alliance objective, pour ne pas dire baroque, entre les députés du NFP, dont le programme contient cette abrogation, et les députés du RN qui sont les seuls à la réclamer également", pointe Alexandre Viala.

Le caillou dans la chaussure d’une éventuelle coalition

L’autre solution ? Former une coalition qui pourrait rassembler plusieurs sensibilités de la gauche vers la droite. "L’abrogation de la réforme des retraites sera certainement un point de tension dans les discussions. L’adoption de ce texte, bien que réalisé via le 49-3, est un des succès que revendiquent les membres de Renaissance. Je les vois mal accepter de la remettre en cause. Tandis que le RN a vacillé sur la question pendant la campagne", analyse le constitutionnaliste Denis Baranger.

Le 12 juin dernier, Jordan Bardella avait déclaré qu’en cas de cohabitation il faudrait "faire des choix" et que l’abrogation de la réforme des retraites n’était "plus une priorité". La mesure faisait pourtant partie du programme du Rassemblement national avec un abaissement de l’âge de départ légal à 60 ans. Qu’en sera-t-il le 18 juillet prochain, date de la première session de la nouvelle Assemblée nationale ? Jean-Luc Mélenchon avait prévenu : "Si nous gagnons les élections dimanche, ceux qui ont 62 ans partiront tout de suite à la retraite". Une affirmation pour le moins hasardeuse, tant les obstacles législatifs s’avèrent nombreux. D’autant que des dissensions au sein du Nouveau Front populaire ne sont pas à exclure. La Nupes, sa devancière, en est morte.

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