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Dominique Voynet à l’Assemblée, le retour qui hérisse les défenseurs du nucléaire

Dominique Voynet à l’Assemblée, le retour qui hérisse les défenseurs du nucléaire

Pour un retour discret à l’Assemblée, c’est raté. Dès le premier tour des législatives, le bon score de Dominique Voynet dans le Doubs avait déjà créé des réactions épidermiques sur les réseaux sociaux. Depuis le second, qui consacre son élection en tant que députée, les critiques pleuvent. "Elle devrait être jugée pour trahison", s’écrient les uns. "On prend les fossoyeurs du nucléaire et on recommence", s’épanchent d’autres. Certains tentent bien de relativiser : "C’était ça ou le RN". Il n’empêche, le retour de Dominique Voynet fait ressurgir l’une des pages les plus douloureuses de l’histoire du nucléaire français : la fermeture de Superphénix.

"Ni oubli, ni pardon", résument nombre d’internautes dont certains affirment être désormais bloqués sur X par l’ancienne ministre. L’histoire est connue : mis en service en 1985, le réacteur Superphénix devait fournir une avance considérable à la France en lui permettant de produire de l’énergie tout en consommant une partie de ses déchets nucléaires. Las, en 1997 au moment même où il commençait à fonctionner de façon tout à fait satisfaisante, Superphénix est définitivement arrêté par le Premier ministre Lionel Jospin, en application d’un accord passé avec les Verts quelques mois plus tôt.

"Quand nous avons décidé de passer un accord avec le PS, nous avons discuté des choix énergétiques de la France et nous nous sommes entendus sur des orientations, qui comprenaient notamment l’arrêt de Superphénix", déclarera plus tard Dominique Voynet. Et même si d’autres personnalités - comme Ségolène Royal ou Corinne Lepage - ont contribué elles aussi à l’affaiblissement du nucléaire, l’ancienne patronne des Verts conserve, depuis, une réputation de "démolisseuse" de la filière. D’autant qu’elle en est restée, jusqu’au bout de ses divers mandats, une farouche adversaire.

"Il y a de quoi être écœuré"

Dans un documentaire tourné en 2004, qui refait surface aujourd’hui, l’ancienne ministre raconte fièrement comment elle a privé le nucléaire français d’un soutien financier européen tout en bluffant avec Matignon : "Je suis rentrée à Paris très contente que le nucléaire ne [puisse] pas faire partie des technologies retenues au titre des mécanismes de développement propre", explique-t-elle à l’écran. Et d’ajouter : "Je n’ai pas pu m’en vanter en rentrant, il fallait que j’aie l’air désolée".

"Quand on voit qu’elle a fait le contraire de ce que lui avait demandé Jospin, qui était son Premier ministre, et que lorsqu’elle va à Bruxelles, au lieu de défendre le nucléaire français, elle fait l’inverse et s’en flatte, il y a de quoi être écœuré", souligne un expert de l’énergie. "Je ne comprends pas qu’elle puisse reprendre du service", indique Fabien Bouglé, auteur de Nucléaire, les vérités cachées (Editions du Rocher, 2021).

Bien sûr, en tant que simple députée, l’élue du Doubs ne décidera pas à elle seule de la politique nucléaire française. A l’issue des législatives, la plupart des membres du camp présidentiel investis sur les sujets énergétiques ont d’ailleurs été reconduits. Il faudra aussi composer avec les nouveaux et attendre la répartition des députés dans les commissions thématiques pour réellement voir qui s’emparera du sujet.

"Dans la configuration politique actuelle, les dossiers techniques - comme le nucléaire - peuvent encore trouver un petit espace et avancer à l’Assemblée avec plusieurs groupes de sensibilités très différentes", confiait récemment un expert à L’Express. Le risque, c’est que des positions caricaturales prennent le pas sur les débats de fond. "Malheureusement, depuis longtemps en France, les choix énergétiques se heurtent à des considérations de court terme et de politique politicienne. Cet effet "TikTok" nous empêche de nous projeter à 50 ou 100 ans comme il le faudrait", déplore Fabien Bouglé. Or, qu’il s’agisse du nombre d’EPR ou de l’approvisionnement futur en uranium, il faudra bien que le pays prenne des décisions rapidement.

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