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Shigeru Ban notre contemporain: un architecte inventeur de formes

Un beau livre est publié consacré à l’architecte star japonais, dessinateur chez nous du Centre-Pompidou Metz (57)  et de La Seine Musicale (92)…


Si la valeur n’attend point le nombre des kilos, le poids du volume XXL lancé par la maison Taschen donne néanmoins la pleine mesure de l’architecte dont l’impressionnant table book intitulé Shigeru Ban, Complete Works 1985- Today vient à bon escient célébrer l’œuvre considérable. Trilingue, comme toujours, chez l’éditeur d’outre-Rhin, signé de l’émérite auteur-maison et grand spécialiste Philip Jodidio, l’épais album à couverture cartonnée, illustrée de superbes photos pleine page et de plans, agrémenté de données précises (superficie, emplacement, datation) et nourri d’opulentes notices, projet par projet, recense les réalisations du maître nippon, des États-Unis au Japon, de la Suisse à l’Inde ou à la Turquie : elles se comptent par centaines.  

Science-fiction

En France, Shiberu Ban est essentiellement connu aujourd’hui du public non spécialisé par le fameux Centre-Pompidou Metz, dont la construction entamée en 2004 s’est achevée en 2010, se signale à présent par cet « « étonnant toit tressé de forme hexagonale », emblème contemporain de la vieille cité lorraine. Grand admirateur du bâtiment construit par Piano et Rogers à Paris, l’architecte japonais avait même, on s’en souvient, pour mener à bien son projet, installé une agence éphémère au sommet du Centre Pompidou, « structure en tubes de carton à pièce d’assemblage en bois et câble d’acier » qui avait l’air de sortir d’un film de science-fiction. De l’extérieur, le public avait vue sur les équipes au travail dans cet espace à la beauté insolite. Une forte filiation relie d’ailleurs Shigeru Ban à cet édifice de « Beaubourg » dont on sait qu’il va fermer dès 2025, pour cinq années de transformation radicale : l’agence franco-japonaise de Nicolas Moreau et Hiroko Kusumoki qui vient de remporter à l’unanimité le concours pour cette métamorphose ont été formés, le premier chez Kengo Kuma, et le second, précisément chez Shigeru Ban.


L’autre bâtiment-phare du japonais dans l’Hexagone, c’est évidemment La Seine Musicale, édifiée sur l’île Seguin de Boulogne-Billancourt, en bordure de Paris, entre 2014 et 2017, sur l’ancien site des usines Renault, bâtiment imposant (près de 37 000 m2) inséré dans un plan directeur conçu par Jean Nouvel. Saisissant contraste entre la géométrie rectiligne des accès et la forme arrondie des salles de concert, enchâssées sous cette soucoupe de verre et d’acier aux chromatismes changeants, qui de loin s’aperçoit dans l’horizon urbain.

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On doit à Shigeru Ban quelques autres réalisations de moindre ampleur en France : le Centre d’Interprétation du Canal de Bourgogne, à Pouilly-en-Auxois (21) ; de l’habitat social à Mulhouse (68)… Mais deux arbres ne disent rien de la forêt ! Natif de Tokyo en 1957, Shigeru Ban avait voulu être charpentier, d’ailleurs.  Après avoir créé sa propre structure dans la capitale de l’archipel, il était parti étudier aux États-Unis. À distance du post-modernisme alors en vogue, il infléchit son travail à dater de la mise en scène d’une exposition Alvar Aalto, cet architecte de génie dont, à peine diplômé de la Cooper Union il venait de découvrir l’œuvre en Finlande.

Prix Pritzker 2014

Détenteur du Pritzker en 2014, le plus prestigieux des prix internationaux d’architecture, Shigeru Ban ne s’est jamais départi d’approches constructives tendant toujours à trouver des solutions essentiellement liées au contexte – d’où ses architectures de l’urgence dans lesquelles (toujours bénévolement)  il s’est impliqué à la suite de plusieurs catastrophes naturelles dans le monde :  par exemple les bâtiments scolaires, dans la province chinoise du Sichuan, imaginés à la suite du tremblement de terre du 12 mai 2008… Comme l’observe Jodidio : « son architecture n’est pas guidée par l’esthétique, mais par la résolution des problèmes. (…) Il le dit lui-même, il n’est pas un architecte qui crée des formes, mais un architecte qui trouve des formes ».

Une grande pureté de ligne ne s’en dégage pas moins, bien souvent. Il n’est que de voir cette étonnante cathédrale « provisoire » Christchurch, en Nouvelle-Zélande, faite tout simplement de tubes de carton ; ou encore l’extraordinaire Pavillon Hermès réalisé en collaboration avec Jean de Gastines, et monté en 2011 à Tokyo et à Milan ; ou le pavillon de l’IE University Business School de Madrid.

Ces architectures légères n’entrent nullement en contradiction, sur le plan visuel, avec des projets plus spectaculaires, tels le Club de golf de Skolkovo, à Moscou, avec sa façade de 72 mètres de long, en bois, qui domine le parcours ; ou cet autre « club-house » de golf implanté sur 20 000m2 à Gyeonggi, en Corée du Sud… Ou ce magnifique Musée d’art de la préfecture d’Oita, au Japon, qui abrite des collections d’art japonais et occidental : « J’ai créé une forme oblongue qui flotte sur le site et devient une extension du paysage urbain », commente l’architecte.

700 pages

Ce rapport de l’édifice à l’environnement extérieur, cette ambiguïté des limites entre le dedans et le dehors ne sont jamais mieux exploités que dans les remarquables (et parfois fort luxueuses) commandes privées : comme cette villa circulaire située dans un quartier résidentiel d’Hakatone, au Japon ; ou cet hôtel construit en longueur dans une région rizicole, au Japon, tout en légèreté, dans une alternance de bois clair, de béton et de verre…. Ou par exemple encore, deuxième projet résidentiel de Shigeru Ban à New-York (après la Metal Shutter House en 2008), cette Cast Iron House (Maison de fonte) qui, à Broadway, abrite 13 lofts en duplex implantés au sommet s’un superbe édifice classé, millésimé 1881 : appartements de grand style, dont la minéralité immaculée contraste avec le raffinement richement ornementé de l’immeuble qui en est le socle.

Ainsi que l’écrit avec justesse Philip Jodidio : « La force de Ban repose sur sa capacité à interpréter des idées, ou à rechercher l’essence de sa propre tradition culturelle, y compris dans celle qui a évolué autour de l’architecture moderne, par exemple ». À feuilleter les près de 700 pages grand format de cette monographie, recension in extenso de son travail, on découvre ce qu’est un authentique inventeur de formes – à l’infini.

Le siège de Swatch, à Bienne, en Suisse, une des plus grosses architectures en bois au monde © Tashen

Shigeru Ban, Complete Works, 1985/ Today. Par Shigeru Ban et Philip Jodidio, 696p. Format XXL, trilingue allemand, anglais, français.  

+ une Edition d’art numérotée de 1 à 2000 avec un tirage signé de l’architecte et une couverture en 3D en bois découpé au laser.

Dédicace ce 10 juillet de 18h30 à 19h30 : Boutique Tashen, 2 rue de Buci 75006 Paris.

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