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Neveu de l'un des auteurs des crimes de Bourg-Lastic en 1944, Roland Laich évoque ses fantômes familiaux

Neveu de l'un des auteurs des crimes de Bourg-Lastic en 1944, Roland Laich évoque ses fantômes familiaux

À l’occasion du 80e anniversaire de la répression sanglante des 14 et 15 juillet 1944, à Bourg-Lastic, le neveu de l’un des soldats allemands impliqués dans ces faits est venu témoigner de ses fantômes familiaux.

Terminant son intervention à la tribune du colloque de Bourg-Lastic, lundi après-midi, Roland Laich a été très chaleureusement applaudi. Neveu d’un soldat allemand ayant sévi à Bourg-Lastic et dans la région pendant la Seconde Guerre mondiale, il est venu parler du nécessaire travail d’histoire qui commence, en Allemagne, au sein même des familles.

Nazi convaincu, son oncle Walter a participé à la répression de la résistance dans le Massif Central et aux événements de Bourg-Lastic, en juillet 1944. Il n’a pas survécu à la guerre. Cette histoire a fait l’objet d’une omerta familiale. Jusqu’à ce qu’il découvre les lettres de Walter, et toute l’horreur dont elles témoignaient. Depuis lors, Roland Laich et Katrin Raabe, sa compagne, œuvrent pour que les Allemands affrontent leurs fantômes familiaux.

Est-ce la première fois que vous venez à Bourg-Lastic ? Roland Laich. « Non. Nous sommes déjà venus une fois, mais incognito. Nous avons visité quelques endroits, mais nous n’avions parlé avec personne. »

À Bourg-Lastic, certains ne souhaitaient pas la présence d’Allemands pour les commémorations. Aviez-vous des appréhensions en venant ? Roland. « La première fois, en 2012, quand nous sommes allés au Luxembourg pour des recherches concernant Katrin, nous avions peur de la réaction des gens. Mais ça s’était extrêmement bien passé. Et ça s’est reproduit à chaque fois de la même manière. Désormais, nous n’avons plus peur. L’accueil ouvert et chaleureux qui nous est fait est un grand honneur. Nous avons confiance. Nous allons sur ces endroits, nous disons : “Ok, voici ce que nos aïeux ont fait. Nous avons des documents. Voulez vous les voir ?” Et nous avons des échanges très intenses qui débouchent parfois sur de belles amitiés. »

Katrin Raabe. « Si pour une date précise nous n’étions pas souhaités, bien sûr nous l’accepterions. C’est tout à fait compréhensible que certains ne veuillent pas la présence d’Allemands. Ce qui s’est passé est tellement terrible qu’il n’y a rien que l’on puisse faire pour se faire pardonner. Aujourd’hui, un homme est venu me voir. Il m’a dit que son père comptait parmi les victimes de l’exécution. Et qu’il était très content de nous voir. Ça m’a beaucoup touché. »

Pourquoi est-ce important pour vous de savoir ce que votre oncle a fait il y a 80 ans ? Roland. « J’ai eu une enfance abominable. Le climat familial était horrible. J’étais un peu perdu dans le monde. Plus je découvre l’histoire familiale, mieux je comprends la situation dans ma famille et plus je gagne en confiance. Pour moi, c’est comme une thérapie. Ma mère ne veut pas en entendre parler. Ce que je respecte. Mais il y a beaucoup d’autres personnes avec lesquelles je peux échanger sur ce sujet. C’est aussi important pour comprendre pourquoi la société allemande est malade. »

L'intervention de Roland Laich au colloque de Bourg-Lastic a été un moment très chargé en émotion, qui s'est conclu par de longs applaudissements.

Quand vous étiez enfant, que saviez-vous de ce que votre oncle Walter a fait pendant la guerre ? « On nous avait dit qu’il était géomètre, et qu’il avait été soldat en France. C’est tout. »

Votre père était anti-américain, anti-britanique et antisémite. Compreniez-vous les raisons pour lesquelles votre père était si haineux ? « Pour lui, son frère Walter était un exemple, comme un dieu. Walter était un nazi fanatique. Et il a été tué. Mon père en a tiré une grande haine pour tous ceux qu’il tenait pour responsable de cette mort. Ça a imprégné toute la famille. Mon père avait beaucoup de photos de son frère. Il était omniprésent. Mais nous n’en avons jamais parlé. »

Quand avez-vous commencé vos recherches ? « Quand mon père est entré en maison de retraite – il a encore vécu deux ans – nous avons trouvé des lettres. Par-dessus, il y avait une note écrite pas mon père : “Ne pas ouvrir”. Alors bien sûr, nous les avons regardées. »

Quel est l’objectif de NS familien Geschichte, l’association que vous avez fondée ? Roland. « Régulièrement, nous sommes contactés par les familles des victimes. Notre association propose des conseils pour faire des recherches sur l’histoire de la famille. Mais nous disons aux gens : “Ne vous cantonnez pas aux archives allemandes. Allez là-bas. Vous allez découvrir des choses que vous ne découvririez jamais autrement.” C’est très important et salutaire pour les deux parties. Très salutaire. »

Katrin. « Nous avons fondé cette association en janvier 2015. L’objectif est de proposer des formations, d’aller dans les écoles… C’est pour cela que nous sommes d’intérêt général. »

Vous sentez-vous coupable de ce qu’a fait votre oncle pendant la Seconde Guerre mondiale ? Roland. « Non, pas du tout. C’était sa violence, pas la mienne. Et je suis totalement différent. Mais je me sentirais coupable si je faisais comme de nombreux autres en disant : “Bah, c’était il y a longtemps, n’en parlons plus…” »

Jean-Baptiste Ledys

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