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Comment le Sancy est passé de "bouseux" à précurseur ?

Il y a quelques semaines, des professionnels des Alpes étaient en visite dans la Sancy. Des responsables de grandes stations, comme Val Thorens. Ils ouvrent de grands yeux. « Vous avez dix ans d’avance. On pensait qu’il y avait une montagne d’hiver, mais en fait, il y a des montagnes. »

Penser en dehors de l'hiver, un vrai pari

La basse altitude, le dérèglement climatique, des chiffres d’affaires loin d’être aussi mirobolants que dans les grands massifs. Tous ces facteurs ont poussé les stations auvergnates à anticiper. Diversifier. Réfléchir l’économie de demain. Et aujourd’hui, l’effort est en train de payer. « C’était un vrai pari, il y a trois ou quatre ans, de faire du quatre-saisons, et nous sommes en train de gagner ce pari », résume David Gonzalez, responsable du pôle vente et commercialisation de Super-Besse.

Horizons art nature accueille près de 220.000 personnes chaque année.  

Aujourd’hui, les stations du Sancy vivent aussi l’été. Parlons sous pour bien comprendre. Super-Besse, par exemple, affiche un chiffre d’affaires estival d’environ 5 millions d’euros. Contre 8 à 10 millions pour « un bon hiver » (sous-entendu, pas le dernier). Le Mont-Dore annonce « 30 à 35 % du chiffre d’affaires réalisé l’été ».

Ce qui nous place facilement dans le Top 5 des stations françaises sur la répartition, estime Christophe Boivin, le directeur. On ne fera pas 50/50 sur la décennie, c’est certain. Mais les choses s’équilibrent. 

Comment en est-on arrivé là ? Il y a des facteurs extérieurs que les responsables locaux ne maîtrisent pas. Mais nous y reviendrons plus tard. Voyons d’abord tous les efforts et la stratégie dessinée par les responsables de stations et les élus. Globalement, il a fallu proposer des activités extra-ski face aux hivers moins enneigés. Surtout quand l’immense majorité de votre clientèle est familiale. Avec cette idée en toile de fond : « Ce qui fonctionne pour l’hiver fonctionne pour l’été. On ne pense pas été ou hiver, on pense quatre saisons », explique Luc Stelly, directeur de l’office de tourisme du Sancy.

La via ferrata, l’un des gros succès de la station. 

Corde game, explore game, Xtrem Aventure, Roller coaster...

Super-Besse a été largement précurseur dans le domaine. La tyrolienne, les activités couvertes… Dernier né, le Roller coaster, inauguré pour les vacances de février dernier. « Nous devons être à 2.000 ou 3.000 personnes qui ont déjà testé », estime David Gonzalez. L’Xtrem Aventure, « une sorte de via ferrata », cartonne également. Christophe Boivin ne peut qu’opiner du chef : « Il y a une grosse passion  en ce moment. Des gens font le tour de France pour faire toutes les via ferrata possibles. » Un marché sur lequel le Mont-Dore s’est bien positionné. « Nous sommes les seuls à proposer une corde game. C’est un parcours en forêt, relié à une corde, dans le bois des Capucins. Nous sommes parmi les tout premiers en France à avoir ça. C’est parfait pour les gens qui sont sujets au vertige. » Il y a aussi cet escape game, qui est plutôt « un explore game », qui amène les gens sur des sites magnifiques. 

Même les locaux n’en reviennent pas, parce qu’on a tendance à aller toujours sur les mêmes sites, alors qu’il y a des coins extraordinaires à deux pas. 

Retirer des activités pour revenir à la nature

Étrangement (ou pas d’ailleurs), le Mont-Dore a retiré des activités. Et c’est là qu’il faut parler de stratégie. « On a retiré la Tour infernale et les locations de quads. Nous voulons nous recentrer sur la nature. »Voilà ce à quoi doivent veiller les stations du Sancy : ne pas devenir un énième site touristique, semblable à tous les autres. Et comme dans ce massif, les décisions sont souvent discutées en commun (une solidarité, élus compris, qui effare les stations alpines en visite, pour qui la guerre entre vallées est un jeu atavique), certains ont même prévenu les responsables de Besse de ne pas se transformer « en parc d’attractions ». Message entendu, restons nature.

VTT de descente pour les plus sportifs.?Parce qu’au-delà de la stratégie, il y a la conjoncture. Cet alignement des planètes presque. De la nature, de l’authenticité, des vacances slow, des tarifs raisonnables… Tout ce qui plombait le Sancy il y a quelques années s’est transformé en valeurs à la mode. Ou comme le résume Luc Stelly :

Il y a vingt ans, nous étions des bouseux. Ça a été une chance. On a gardé notre authenticité sous cloche. 

Ici, c’est ce que viennent chercher les visiteurs. « L’an passé, j’ai vu des gens partis en vacances à Saint-Raphaël ou au Pays basque. Il y avait trop de monde. Il faisait trop chaud. Ils ont vu Guillaume Frixon sur TF1 (*) parler du Mont-Dore et ils sont venus », raconte Christophe Boivin.

Qui vient dans le Sancy ?

Ces touristes, ce sont des familles, évidemment, mais aussi beaucoup de seniors. Et deux nouvelles niches qui se dessinent : les GPPE d’abord, pour grands-parents-petits-enfants. « Les gens divorcent plus. Parfois, ils ont du mal à garder les enfants l’été. Ils partent avec les grands-parents. »Et puis, les sportifs. Avec, dans le Sancy, ce que les professionnels du tourisme appellent des villages-camp de base. Un village authentique d’où rayonnent toutes les randonnées. « On voit de plus en plus de jeunes de 20 ou 30 ans qui font de la randonnée en itinérance. » C’est pour eux, d’ailleurs, que le Sancy propose désormais quatre sites de bivouac : Chastreix, Picherande, Super-Besse et Chambon-des-Neiges. 

Quand on a annoncé ça sur Facebook, on a tout de suite vu les commentaires : “Ils font un effort pour nous, on ne déconne pas, on ne salit pas.” Et ben, c’est toujours nickel et pourtant on retrouve cinq à dix personnes chaque matin.

Des seniors, des familles, des sportifs. Le Sancy peut et veut faire un effort désormais sur les étrangers. Ils représentent 10 % seulement des clients. Pour les faire venir, pas de secret, il faut étudier les habitudes. « Les Allemands aiment, par exemple les grandes salles de bains. »

Horizons Sancy, depuis 18 ans, un rendez-vous unique. 

Se loger du camping au 5 étoiles

L’hébergement d’ailleurs qui connaît une véritable transformation. « Il y a quinze ans, il y avait trois ou quatre chambres d’hôte. » Aujourd’hui, elles sont partout. Les Airbnb perdent de la vitesse, face aux mauvaises surprises parfois des clients et de services limités. Hôtels et gîtes ont le vent en poupe. « Par rapport au littoral, notre différence, c’est la diversité. Tu peux dormir en bivouac comme en cinq étoiles », souligne Luc Stelly. Et les hébergeurs s’adaptent à cette demande de confort. Comme le camping de La Ribeyre, cinq étoiles, qui peut accueillir 2.500 personnes.Une diversité d’hébergements, qui se calque sur la nature locale.

Le gros point fort du Sancy, c’est le panorama. Tu vas à la mer, ben t’as la mer. Dans les Alpes, c’est beau, mais il te faut six heures pour monter en haut. Là, tu changes de paysages rapidement.

Réchauffement climatique, un bien triste atout

Le Sancy présente un autre avantage. Immense. Même s’il est difficile de se réjouir d’une catastrophe comme le réchauffement global. Pourtant, c’est une réalité. « Il y a quinze ans, notre hantise c’était qu’il fasse frais. Aujourd’hui, c’est une force. Nous avons commencé à voir l’effet avec des clients de Paca. J’ai croisé un Marseillais qui m’a dit “On vient pour pouvoir dormir en pyjama.” Ce qui frappe les gens, c’est le vert. L’été, ça reste vert ici. » Une chaleur suffocante des étés qui ne frappe pas seulement le littoral. 

Nous avons des Clermontois qui réservent deux ou trois nuits pendant les épisodes de canicule. Ils dorment ici. Et vont bosser la journée à Clermont. 

Bref, vous l’aurez compris, le Sancy c’est le futur. Mais se pose alors peut-être la question du trop-plein de touristes. D’une nature ruinée par les humains. D’une authenticité perdue. Et là, Luc Stelly se marre. « On va commencer par faire le plein déjà. » Un exemple. « Au sommet du Sancy, il y a cinq jours dans l’année où il y a vraiment du monde. 6.000 personnes par jour sur ces cinq jours. » Un plafond qui n’est jamais dépassé. Pourquoi ? L’explication est aussi simple que surprenante : les parkings. « Ils régulent eux-mêmes le nombre de visiteurs. C’est aussi bête que ça. » On appelle ça le bon sens paysan. (*) Correspondant local de la chaîne.

Simon Antony

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