Assemblée nationale : présidence, bureau, commissions, quels sont les enjeux des élections ?
En l’absence de majorité claire, les trois jours qui viennent devraient être déterminants pour estimer plus précisément les rapports de force entre les trois blocs politiques qui ont dominé les élections législatives. C’est à l’Assemblée nationale, au pouvoir renforcé, que va se jouer ce scénario en plusieurs étapes.
JEUDI. La première bataille, cruciale, aura lieu dans l'après-midi de jeudi. En jeu, le poste convoité de président(e) de l’Assemblée nationale. C’est presque la dernière carte pour la gauche, qui redoute de se faire griller la politesse par le « bloc central ». De nombreux cadres du camp présidentiel penchent en effet du côté de la droite pour construire une « coalition majoritaire » ou un « pacte législatif », une demande venue d’Emmanuel Macron.
Une victoire constituerait pour l’un ou pour l’autre des deux camps un gage de légitimité et un tremplin dans la perspective de la formation d’un gouvernement. À moins que le député centriste Charles de Courson (LIOT), le plus ancien député de l’Hémicycle, ne renvoie chacun dos à dos.
Une première sous la Ve RépubliqueCette élection devrait constituer une première dans l’histoire de la Ve République en allant jusqu’au troisième tour, où il suffit de recueillir le plus de voix pour l’emporter. La majorité absolue, condition sine qua non lors des deux premiers tours, n’apparaît atteignable pour aucun des candidats. Le LR (canal historique) pourrait jouer son rôle, désormais habituel, de « faiseur de roi » mais le Rassemblement national aussi, ne serait-ce que pour empoisonner le camp présidentiel en accordant ses voix à la présidente sortante, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République).
La députée des Yvelines a en effet proclamé très tôt et très fort son désir de rester le quatrième personnage de l’État, et de disposer, par là même, d’un ensemble de pouvoirs comme la désignation d’une des trois personnes renouvelées tous les trois ans au Conseil constitutionnel.
VENDREDI. Ce sera le jour J pour le Bureau composé d’un président, de six vice-présidents, de trois questeurs (qui gèrent les questions financières et l’intendance) et de douze secrétaires, qui constatent les votes dans l’Hémicycle. Peu connue du grand public, c’est la plus haute autorité collégiale de l’Assemblée nationale. Une vigie. Le Bureau est chargé d’évaluer la recevabilité financière des propositions de loi des députés ; de faire évoluer le règlement intérieur ou de l’interpréter en proposant des sanctions contre certains élus. Il statue aussi sur la levée de l’immunité parlementaire et nomme le déontologue, chargé de prévenir et gérer les conflits d’intérêts et de contrôler les frais de mandat des députés.
« Barrage républicain » contre le RNLa tradition veut que la répartition des postes émane d’un accord entre les différents groupes. Mais il y a fort à parier que ce ne sera pas le cas, cette fois. L’élection qui s’annonce – identique dans la procédure à celle pour la présidence – pourrait faire des étincelles et ressembler à un parcours du combattant. Car les députés Ensemble pour la République ne soutiendront ni La France insoumise ni le Rassemblement national. Et les composantes du Nouveau Front populaire ont appelé à un « barrage républicain » contre le parti d’extrême droite. Exclure des postes clés la troisième force politique avec 143 députés aurait automatiquement des conséquences politiques.
SAMEDI. Le bras de fer se poursuivra avec l’élection d’un président pour chacune des sept commissions permanentes : culture et éducation, affaires économiques, affaires sociales, défense, développement durable et aménagement du territoire, finances, loi.
Ces commissions constituent l’un des rouages essentiels du travail législatif. C’est en leur sein que les députés examinent une première fois les textes de loi, qui sont ensuite débattus dans l’Hémicycle. Les commissions détiennent aussi une fonction de contrôle : elles peuvent notamment organiser des auditions de ministres ou d’acteurs de la société civile, et lancer des missions d’information.
La commission des finances est la plus recherchée. Présidée par un député d’opposition, elle ausculte le budget de l’État avant qu’il ne soit soumis au débat et au vote. Mais dans une configuration de tripartisme, avec un gouvernement démissionnaire, les notions de groupe majoritaire et de groupe d’opposition baignent dans un flou artistique qui pourrait se révéler abyssal.
Nathalie Van Praagh