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Se connaître, pour ne plus se faire la guerre : comment Thiers a bâti trois jumelages, et peut-être un nouveau...

Se connaître, pour ne plus se faire la guerre : comment Thiers a bâti trois jumelages, et peut-être un nouveau...

Bridgnorth, Schrobenhausen et Albacete sont les sœurs jumelles de Thiers. Mais Wittenheim compte aussi beaucoup. Aujourd’hui, Thiers tend sa main vers d’autres cités encore.

Se connaître, pour ne plus se faire la guerre. C’est derrière cette idée simple, et pourtant si noble, que les villes jumelles sont nées, après la Seconde Guerre mondiale. "Se jumeler, établir par un acte volontaire ces relations avec une commune étrangère, c’est s’ouvrir au monde. C’est accepter de reconnaître autrui comme égal à nous, c’est souhaiter confronter sa vie, sa culture, à une vie, à une culture différentes, non pas pour en tirer un sentiment de supériorité, mais pour progresser ensemble, aller ensemble dans la voie de la compréhension entre les peuples, donc de la paix."

Dès les années 1970

Ces mots ont été écrits dans un bulletin d’information de la Ville de Thiers, dès les années 1970. Parce que la cité coutelière n’a pas échappé à la tendance des jumelages, bien au contraire : elle les a multipliés, entretenus, et continue aujourd’hui de faire vivre ceux qui existent et de chercher à en créer de nouveaux.

Derrière les symboles du pont de Bridgnorth ou de la rue Schrobenhausen, il y a plein d’histoires à raconter. Des engagements, des anecdotes, des fêtes et des liens d’amitié qui vivent encore. Preuve en est de la venue à Thiers, pour la dernière Pamparina, des délégations de ces deux villes jumelées.

D'abord Bridgnorth puis Schrobenhausen...

Ces échanges durent depuis 46 ans avec Bridgnorth, en Angleterre. C’est le jumelage le plus ancien. Il a été signé en 1978.

Signature du jumelage avec Bridgnorth, 1978. Archives municipales de Thiers. 

Peu de temps après, de premiers échanges se nouaient avec Schrobenhausen, en Allemagne. Le jumelage était officiel en 1986. Quelques années plus tard, en 1992, ces deux villes se sont jumelées entre elles. Elles forment depuis avec Thiers un jumelage tripartite.Signature du jumelage entre Schrobenhausen et Thiers, en 1986. Archives municipales de Thiers.

Le rôle des comités de jumelage

Un trio animé par les comités de jumelages de chaque commune, qui prend la forme à Thiers d’une association. Mais ce sont les élus qui décident d’un nouveau jumelage. "Le comité n’a pas son mot à dire. C’est une initiative de la municipalité, validée par le conseil municipal. Celui-ci attribue des subventions à l’association en fonction de ses projets. Nous avons toujours été soutenus par les municipalités successives", relate Isabelle Furegon, qui en est la secrétaire depuis 2001.

Les projets, ce sont notamment les fêtes de jumelages. "Une année sur trois, nous recevons nos amis anglais et allemands", poursuit celle qui est aussi adjointe au maire. Ensuite, les autres communes deviennent hôtes, à tour de rôle. Souvent, les villes accueillent leurs homologues à l’occasion d’une fête, comme la Pamparina, ou avant la foire au Pré et la fête des Couteliers, pour faire d’une pierre, deux coups. Auparavant, la venue des étrangers pouvait être plus visible de la population. "J’ai des souvenirs de gosse, où les délégations anglaise et allemande faisaient le tour des villages, avec des groupes folkloriques, de la danse, de la musique", se remémore Florence Grange Ponte, responsable des archives municipales.

Avec Albacete

Le comité n’a pour le moment pas été associé au dernier jumelage en date, signé avec Albacete, capitale espagnole de la coutellerie, en 2022. Alors que les villes allemande et anglaise ressemblaient à Thiers, notamment par leur taille, Albacete est une ville bien plus importante, avec quelque 170.000 habitants, mais partage avec Thiers l’identité coutelière. Ce jumelage marque donc une nouvelle façon de choisir sa fratrie. "Bridgnorth et Schrobenausen représentent très bien le premier type de jumelage, avec des villes de notre taille, et des échanges qui se développent entre des cités qui ne se connaissaient pas a priori, expose Stéphane Rodier, le maire de Thiers. Avec Albacete, il y a des liens assez forts entre les secteurs couteliers. Et cet intérêt commun, on souhaite l’approfondir."

C’est dans cet esprit-là que des tractations sont en cours pour sceller au moins un nouveau jumelage, avec la ville coutelière de Maniago, en Italie. Des interactions d’un autre type se développent aussi avec Tandil, en Argentine. Derrière ces liens, et les échanges estudiantins par exemple, il y a aussi la volonté d’inscrire Thiers sur la scène internationale de la coutellerie, à côté de poids lourds comme São Paulo.

Trois villes jumelées ainsi qu’une petite protégée

Thiers a donc aujourd’hui trois villes jumelles officielles. Mais depuis la Seconde Guerre mondiale, elle garde des liens tout particuliers avec une autre cité, française cette fois : Wittenheim. "C’est une ville alsacienne qui a été bombardée pendant la guerre et Thiers a été sa marraine", décrit Isabelle Furegon. La Ville avait accordé une aide financière et les Thiernois avaient envoyé des vivres aux habitants. "Il est longtemps resté des liens d’amitié entre les deux communes", rappelle-t-elle. Wittenheim a aussi joué un rôle dans les jumelages. Vu sa position, les délégations se sont plusieurs fois retrouvées là-bas pour tenir leurs réunions de bureau. Si ce n’est pas une jumelle, les liens fraternels sont bien-là. Ainsi que le traumatisme des obus.

Un sens toujours d'actualité 

À l’heure où la guerre est aux portes de l’Europe et qu’en son sein, les opinions prônant le repli et l’exclusion gagnent du terrain, les jumelages gardent tout leur sens. Même si l’engouement a tendance à ralentir. "La première fois que je suis partie à Bridgnorth, en 1998, il y avait dans la délégation de Thiers l’équipe de rugby, le groupe folklorique des Garniers, les Sonneurs thiernois… Nous étions près de 200. L’an dernier, je ne suis pas sûre que nous étions 20, constate Isabelle Furegon. Disons qu’avant, on ne voyageait pas aussi facilement. C’était le voyage de l’année."

Dans quelques jours, s’ouvriront les Jeux Olympiques de Paris. Une autre façon de chercher la paix : par le sport. Avec les jumelages, c’est par la fête, la culture et l’amitié. Comme celle née entre Anthony Genès et Helmut Eikam. À lire au prochain épisode… 

"Partout où il y a des sociétés organisées, il y a la commune en bas et l’État en haut. Or, les États s’opposent entre eux […]. Lorsque je converse avec un maire anglais, allemand ou russe, je vois que nous avons les mêmes préoccupations. C’est pourquoi je crois que le rapprochement communal est la meilleure condition du rapprochement humain."

Alice Chevrier

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