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Marvel à Angoulême : pourquoi il ne faut pas rater l’expo événement

Depuis près de 60 ans, la maison d’édition américaine Marvel développe un univers fantastique et cathartique qui a bouleversé l’imaginaire mondial. Le Musée de la BD d’Angoulême propose un retour aux sources avec une exposition célébrant près de six décennies de comics.

J’ai vu des statues de Jupiter, Apollo, Samson, dans différents musées. Alors je crois qu’il est bien possible qu’un jour nos super-héros y figurent”. Il y a une dizaine d’années, Stan Lee, le cerveau visionnaire de Marvel Comics se réjouissait à l’idée que ses créations de papier soient célébrées et reconnues comme des maillons importants de la culture populaire.

De son vivant, il aura été au courant d’une première exposition en France – au musée parisien Art Ludique, en 2014. Mais le moustachu le plus célèbre de l’histoire du comics, disparu en 2018, ne verra pas la nouvelle, tout aussi événementielle, située dans le prestigieux musée de la bande dessinée à Angoulême. Annoncée par la présence en plein air sur la Charente de tableaux-collages du peintre Erró, cette exposition a pour lointain point de départ un don conséquent réalisé par Marvel en 2005 – des milliers de revues et de fascicules entreposés à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Elle présente surtout près de 170 planches originales prêtées par des collectionneur·euses dans un parcours ordonné d’une manière ludique par les deux commissaires Xavier Fournier, spécialiste et auteur de plusieurs livres sur les comics, et Jean-Philippe Martin, conseiller scientifique à la Cité internationale avec une scénographie de Pierre-Yves Guillot et Charlotte Soubeyrand. 

La Marvel Way

Le public qui s’attendrait à une revue en détail des différentes adaptations en films devra se faire une raison : cette dimension cinématographique a été volontairement occultée. “Notre objet reste la bande dessinée”, confirme Jean-Philippe Martin. Après la présence de reproductions en grandeur nature pour permettre aux fans de poser aux côtés de leurs héros et héroïnes préféré·es, ce qui nous est proposé est une plongée dans l’histoire éditoriale de Marvel, l’autoproclamée “maison des idées” avec une visite virtuelle des bureaux de 1966 créée par le dessinateur français Mast. “Il est actuellement en train de consacrer un livre à Marvel et pour ses recherches, il avait modélisé ces bureaux”, explique Xavier Fournier.

Tout près, une simple table en bois avec des pinceaux posés rappelle dans quelles conditions les géniaux dessinateurs Jack Kirby et Steve Ditko ont œuvré.  “On parle de la ‘Marvel Way ’, une façon très orale de travailler. Le dessinateur passait dans le bureau de Stan Lee qui lui passait en guise de memo : “le mois prochain, ça serait bien qu’un extraterrestre à six bras débarque et attaque le pôle Nord”. Quinze jours plus tard, le dessinateur revenait avec l’épisode entièrement dessiné dans lequel Stan Lee n’avait plus qu’à faire les dialogues”. 

Angoulême – New York

Rapide et ingénieuse, cette méthode de travailler sera plus tard source de conflits tant la contribution de Jack Kirby, par exemple, sera minorée par le scénariste. Le dessinateur ne sera pas non plus aussi fortuné que son collaborateur alors qu’il a défini entre les années 1940 et 1960 quantités de personnages voués à perdurer, de Captain America aux X-Men en passant par les Avengers ou Thor. L’exposition octroie une jolie place à la série Fantastic Four qu’il a cocréée avec Stan Lee en 1961, quand Marvel Comics, après avoir porté le nom de Timely s’appelle Atlas Comics. “Au départ, on parle d’un éditeur de romans de gare qui, voyant les ventes de Superman, se lance dans la production de comics, résume Xavier Fournier. Avant le succès des Fantastic Four, il se raconte que Martin Goodman, le patron de la maison d’édition envoyait régulièrement des employés vider les bureaux et, à chaque fois, Stan Lee le suppliait de lui donner un délai supplémentaire”.

Au musée de la bande dessinée, chaque série, qu’elle soit phare, culte ou plus méconnue, a droit à son focus qui la replace dans le contexte historique ou sociétal. Pour mieux mettre en valeur les séquences consacrées à Spider-Man ou Daredevil, la scénographie, évolutive, prend l’aspect d’un décor typiquement new-yorkais. Plus loin, divers thèmes ont droit à des coups de projecteur tels que la représentation des minorités ou la place de la France chez Marvel, beaucoup plus importante qu’attendue.

L’exposition est d’ailleurs dédiée à Claude Vistel, celle qui dirigeait les éditions Lug, les premières à avoir popularisé les séries Marvel grâce à la revue Strange qui a pu vendre jusqu’à 100 000 exemplaires par mois dans les années 1980. On retrouve aussi des dessins d’artistes venu·es de l’hexagone comme Olivier Coipel (qui a réalisé l’affiche) ou Stéphanie Hans qui dessine depuis douze ans pour la firme américaine des séries et surtout des couvertures aux compositions sophistiquées.

Depuis le monde réel

Pour moi, Marvel c’est une histoire familiale, une histoire dont on hérite, raconte-t-elle. Je lisais la revue Strange avec mon père. Plus tard après mon école d’art, je n’imaginais pas trouver le moyen d’être publiée aux États-Unis – c’était avant internet”. Son portefolio finit pourtant dans les mains de C.B Cebulski, futur éditeur en chef de Marvel, alors recruteur à l’international. “Il m’a contacté la veille de Noël… deux ans plus tard ! Je n’y croyais plus”, s’amuse Stéphanie Hans qui, depuis, signe régulièrement des couvertures. “Celles-ci ne sont pas toujours liées à ce qui se trouve à l’intérieur comme la plupart du temps elles doivent être prêtes trois mois avant la sortie du numéro concerné. Il arrive souvent que le scénario ne soit pas fini, je demande juste s’il y a des choses que je devrais savoir”.

En tout cas, son attachement à Marvel ne se démentit pas. “Même s’il peut y avoir des univers complètement fictifs, les histoires de Marvel se passent dans le monde réel, New York notamment. Ça veut dire que, quand les Twin Towers tombent, elles tombent aussi dans les comics. Pareil, quand le mariage gay est autorisé à New York, un super-héros gay se marie. Dans Angela la série que j’ai cosignée avec Kieron Gillen, Marguerite Bennett et Phil Jimenez, on a développé le premier personnage de femme trans de l’univers Marvel. Des gens me disent qu’il ne faut pas mettre de politique dans les comics mais il y en a toujours eu !”. On s’en rend compte, même de manière subliminale, en déambulant dans le musée et en admirant les planches des Kirby, Buscema ou Mignola. 

L’art des comics Marvel, jusqu’au 4 mai 2025 au Musée de la bande dessinée, quai de la Charente, Angoulême www.citebd.fr 

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