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Durcir l’accès aux cigarettes électroniques : une fausse bonne idée ?

Des débats sont en cours entre les 27 pays membres de l’UE pour restreindre les arômes dans les cigarettes électroniques, et autres produits de consommation à base de nicotine. Le 17 juin, le Conseil de l’Europe a ainsi publié un document : Strengthening efforts to protect children from direct marketing and sale of tobacco and nicotine products, especially on digital platforms. Il repose sur l’idée selon laquelle l’UE devrait durcir sa réglementation afin de réduire les disparités entre États membres et limiter l’accès des plus jeunes aux cigarettes électroniques avec des arômes.

 

En effet, les restrictions nationales n’empêchent pas les consommateurs d’importer des produits, notamment sur Internet. Le Conseil de l’Europe remarque que les choix relatifs au tabac et à la nicotine ont considérablement augmenté ces dernières années, et que certains visent particulièrement les enfants et les adolescents avec des arômes au goût de melon, fraise, chewing-gum, chocolat, etc.

Sans apporter plus d’informations sur les effets de la cigarette électronique (qu’ils soient bénéfiques ou négatifs) ou le profil des consommateurs, le document se contente d’énumérer les effets négatifs de la nicotine chez les jeunes, d’affirmer que la cigarette électronique est une porte d’entrée vers les produits du tabac, et d’en conclure qu’il faudrait davantage de réglementation en la matière. Qu’en est-il exactement ?

 

La cigarette électronique, une porte d’entrée vers les produits du tabac ?

Il est vrai que les jeunes, en particulier les adolescents, consomment de plus en plus de cigarettes électroniques, en grande majorité par plaisir ou volonté d’expérimenter, ou pour remplacer les cigarettes classiques de façon plus marginale. Selon le Health Behaviour in School-aged Children (HBSC), un organisme international qui étudie la santé des adolescents en Europe et en Amérique du Nord, la cigarette électronique est devenue plus populaire que la cigarette classique chez les adolescents : 32 % des jeunes de 15 ans déclarent l’avoir testée au moins une fois, et 20 % lors des trente derniers jours.

Pour autant, on peut légitimement douter qu’une harmonisation du carcan réglementaire sur les arômes des cigarettes électroniques soit efficace pour réduire la consommation des plus jeunes.

Dans des pays comme la Géorgie, qui présente une législation parmi les plus souples d’Europe sur les produits liés au vapotage, moins de jeunes consomment la cigarette électronique qu’en Allemagne en 2019 selon l’OMS, où la législation est pourtant plus contraignante. Par ailleurs, il n’y a pas de consensus scientifique sur le fait que les consommateurs de cigarettes électroniques seraient plus susceptibles de fumer des cigarettes classiques : les différentes méta-analyses menées à ce sujet soulignent des failles méthodologiques dans certaines études, par exemple dans la manière d’évaluer l’initiation à la cigarette classique, le suivi à long terme, ou encore les données sur la présence de nicotine dans les cigarettes électroniques.

 

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Un moyen largement répandu pour arrêter de fumer

En dépit des projets de réglementation sur la cigarette électronique à échelle européenne, les dernières données disponibles montrent qu’elle est un moyen largement répandu pour arrêter de fumer ou réduire sa consommation de tabac.

Pour avoir une idée plus précise du profil des vapoteurs, il suffit d’étudier le rapport de l’ANSES, publié en 2022, qui indique que 61 % des vapoteurs fument également du tabac, tandis que 39 % consomment exclusivement la cigarette électronique tout en étant d’anciens fumeurs en très grande majorité.

En 2017, plus de la moitié des vapoteurs ou ex-vapoteurs déclaraient avoir essayé le vapotage dans l’optique d’arrêter de fumer (58,6 %), et 31 % l’ont fait pour diminuer leur consommation de cigarettes. Pour une majorité de ces vapofumeurs, le vapotage fonctionne puisque 80,4 % d’entre eux affirment avoir réussi à diminuer leur consommation de cigarettes.

Avant de fonder sa propre marque de cigarette électronique, David Hanin était un ancien fumeur (trois paquets par jour !). Il n’a pas fumé de cigarette classique depuis dix ans grâce à cette technologie. C’est le cas également de Florent Biriotti, ancien gros fumeur (un paquet par jour). L’analyse coût/bénéfice est plutôt favorable à ceux qui veulent arrêter le tabac, comme David et Florent, notamment pour des raisons économiques (un fumeur dépense en moyenne 300 euros par mois, contre 50 euros en moyenne pour un vapoteur). Quand 75 000 décès sont attribués au tabac en France chaque année, avoir la possibilité d’arrêter de fumer grâce à un produit qui permet de maîtriser sa dose de tabac, en plus d’être agréable à consommer, est toujours mieux que rien.

Durcir l’accès aux cigarettes électroniques pour les mineurs est une chimère : les adolescents qui veulent expérimenter la cigarette classique finiront tôt ou tard par le faire, qu’ils commencent par la cigarette électronique ou non. En réfléchissant à une interdiction des arômes dans les cigarettes électroniques, voire à l’interdiction complète de certains produits au nom de la protection des plus jeunes, l’UE outrepasse son rôle et risque surtout de limiter l’offre de produits attrayants pour arrêter de fumer.

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