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Douceur des vins et dolce vita dans le saint-pourcinois

Douceur des vins et dolce vita dans le saint-pourcinois

Après Sancerre dimanche dernier, nous faisons étape dans le saint-pourcinois (Allier) pour une balade authentique dans ce vignoble considéré comme le plus ancien de France. Au fil des vins et de rencontres passionnantes avec des vignerons talentueux, vous découvrirez pourquoi le saint-pourçain reste plus que jamais d’actualité dans les verres.

Chaud devant. Par une entame de matinée où le soleil brille déjà de ses plus beaux rayons, le ciel invite à partir se dégourdir les jambes et à s’aérer les papilles dans le vignoble de Saint-Pourçain. Faut pas se presser. Dans ce paysage couleur émeraude aux formes oblongues, on a envie de faire l’éloge de la lenteur. Alors, ouvrons le ban dans un calme religieux. Juste au pied de l’église du village de Cesset, bienvenue à la cave du domaine des Bérioles. Elle est idéalement nichée à l’ombre du clocher. Mais nul besoin de prier Saint-Pourçain pour déguster des nectars. Jean Teissèdre, l’un des patrons du domaine, bénit votre visite avec un verre de « Tresaille », puis avec un verre d’« Autochtone »

 Ces deux cuvées en blanc sont composées à 100 % de tressallier. Exclusivité mondiale à Saint-Pourçain, ce cépage ancien est devenu l’un des étendards du renouveau du vignoble et la signature du domaine des Bérioles. Jean Teissèdre en a planté six hectares sur un coteau argilo-calcaire offrant un panorama superbe sur la Montagne bourbonnaise et sur la chaîne des Puys qui se dessinent à l’horizon. Les qualités gustatives du tressallier lui ont valu de relancer sa carrière au XXIe siècle. Élegance, fraîcheur, vicacité. Le tout relevé par une pointe de salinité et des saveurs associant subtilement iode et agrumes. Allez-y, il faut goûter ! Épaulés par une petite équipe de salariés permanents, Jean Teissèdre et ses associés ont joué la montée en gamme et la créativité : passage en biodynamie, vinification en fûts de chêne… Et, donc, pari sur la typicité du tressallier. De grands chefs sont toqués du cépage vinifié aux Bérioles. Grâce à Anne-Sophie Pic (Valence), à la famille Troisgros (Roanne), à la Maison Marcon (Saint-Bonnet-le-Froid) ou à la Maison Decoret (Vichy), le domaine a la tête dans les étoilés. Une balade en Méhari Au milieu de ses vignes rangées dans un parfait garde-à-vous, Jean Teissèdre prend le temps de se poser pour vous raconter tranquillement l’histoire et le savoir-faire de son domaine certifié Agriculture biologique. Cerise, ou plutôt raisin sur le gâteau, il se propose de vous faire découvrir ses terres à bord d’une Méhari. Que vous soyez néophyte ou féru d’oenologie, cette balade motorisée (à petite vitesse) mérite le détour. Une belle façon de goûter à la dolce vita dans le vignoble de Saint-Pourçain.

Le village de Cesset, c’est aussi le fief du domaine Grosbot-Barbara. Vous reprendrez bien un petit vers ? Denis Barbara accompagne ses vins de commentaires lyriques. Ce n’est pas de la prétention. Juste une histoire de passion. Le vigneron n’est pas du genre à mettre de l’eau dans son vin. Tout devient limpide en dégustant ses cinq cuvées de rouge et ses trois cuvées de blanc. Les papilles voyagent. Certes, tous les chemins mènent au saint-pourçain. Mais si l’identité de la production de Denis Barbara est bel et bien d’ici, elle n’hésite pas à prendre des libertés avec sa carte biométrique. Sa philosophie ? Faire des vins qui lui ressemblent. Il vous le dit à sa façon :

« Je ne sais pas peindre, je ne sais pas composer de la musique, je ne sais pas écrire de livres… Alors, la possibilité de réaliser des vins est un formidable moyen d’expression ».

Tout un caractère de vigneron en bouteille. Pour arriver au résultat escompté, Denis Barbara n’a pas hésité à réduire la voilure. De 10 hectares, son domaine est passé à 8,5. Plus petit, c’est voir plus grand pour lui qui élève ses vins avec l’attention d’un père veillant sur ses enfants. Ses vinifications sont longues, patientes, méthodiques. Sur la ligne d’arrivée, des vins élégants, racés, maîtrisant à la fois structure et allonge.

Leurs arguments ne manquent pas dans le verre. Si dans la constellation des vins français, le saint-pourçain se rapproche d’une place au soleil, Denis Barbara n’y est pas étranger. Mais vous ne verrez pas ce vigneron du cru vanter leurs mérites sur les réseaux sociaux. Il préfère rendre compte de sa production en établissant des relations directes avec ses clients. À table ! Denis Barbara est autant dans une démarche affective que commerciale. Il est aussi dans la transmission quand il entraîne béotiens ou œnophiles à la découverte de son métier.

Le premier de ses disciples ? À quelques pieds de vignes, Brian Barbara officie à Cesset comme maître de chai sur les formidables parcelles du Clos de Breuilly, autre belle propriété. Le jeune Brian est très doué pour « sortir » des cuvées somptueuses. Tel père, tel fils. Avec tout ça, on n’a pas vu le temps passer. C’est déjà l’heure de la pause déjeuner. Direction la commune de Meillard. Pour le meilleur. Comme rien ne nous échappe quand il est question de manger, on sait que l’auberge tenue par Nadège et Laurent Hoarau régale le client avec une cuisine s’adossant essentiellement à des productions du cru. C’est notamment le cas de la viande d’agneau. Difficile de faire plus local, elle provient du cheptel de Sylvain Ray, un éleveur ovin de la commune. Nadège et Laurent Hoarau ne sont manifestement pas fans des moutons de l’hémisphère sud :

« On travaille exclusivement avec des produits près de chez nous, ça fait partie de nos valeurs, confirment-ils. De plus, comme on connaît l’excellence du travail de Sylvain Ray, c’était une évidence pour nous ».

Bon appétit ! Pour continuer à sillonner les courbes de jolis vallons, c’est avec un ventre nettement plus rond que nous reprenons le cours de notre bacchique exploration. Direction le village de Saulcet. Là, dans un milieu où il est facile de coller des étiquettes, les bonnes bouteilles ne sont pas qu’une affaire d’hommes. La robe, le nez, la bouche. La fratrie de cuvées produite par le domaine Laurent est reconnaissable entre mille. Une vigneronne veille avec beaucoup d’amour sur cette petite famille : Corinne Laurent. En rouge, les cépages gamay et pinot noir proposent des profils aromatiques de toute beauté.C’est déjà l’heure de la pause déjeuner. Direction l’Auberge de Meillard. Pour le meilleur. Avec une cuisine essentiellement composée de produits locaux. 

En blanc, les tressallier, chardonnay et sauvignon présentent un caractère haut en couleur. On pourrait citer deux noms de baptême. Pour les connaisseurs, les emblématiques Puy-Réal et Calnite font figure de grands frères du domaine. Dans la famille Laurent, il y a aussi la cuvée Filiation. Entre autres. Ne demandez pas à Corinne Laurent duquel de ses rejetons elle est la plus proche :

« Est-ce que vous demandez à une maman lequel de ses enfants elle préfère (rires) ? ». Corinne a appris toutes les ficelles du métier sur le tas. Peut-être la meilleure des écoles. Surtout quand, comme elle, on a pu bénéficier des cours particuliers d’un professeur très prévenant. Issu d’une lignée de douze générations de vignerons, c’est son mari, Jean-Pierre Laurent, qui l’a initiée à l’ensemble du processus de l’élaboration du vin. Si elle est désormais exemptée du travail de la vigne, la vigneronne continue à cultiver sa passion en s’occupant de la vinification, de l’accueil des clients, de la vente.

Du boulot par-dessus la tête. Mais la tête sur les épaules. Une affaire d’hommes, le vin ? Alors que 30 % des chefs d’exploitation viticole sont aujourd’hui des femmes, l’époque où il se disait qu’elles n’étaient pas à leur place est révolue. Corinne Laurent en est l’illustration parfaite. Pendant quatorze ans, elle a d’ailleurs incarné cette évolution dans ses ex-fonctions de présidente de la fédération départementale des vignerons indépendants de l’Allier. Une nouvelle preuve que les femmes sont solidement implantées dans le paysage de la filière. Qu’ils soient élaborés par des vigneronnes ou des vignerons, une chose est sûre. Vous risquez de tomber amoureux des vins de saint-pourçain. 

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