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"Coupable" d'avoir tenu le couteau qui a blessé son compagnon, mais "dispensée de peine" par le tribunal de Moulins

Coupable d’avoir tenu un couteau, alors que son conjoint, ivre, s’approchait. Mais dispensée de peine. Le tribunal de Moulins a retenu, non pas la légitime défense, mais le « contexte de violences conjugales » et la non intentionnalité pour cette Bourbonnaise.

Dimanche 28 avril 2024, un peu avant 21 heures, les pompiers et les gendarmes sont appelés dans l’Allier pour « un coup de couteau » sur fond de différend conjugal.Ça saigne beaucoup, dépêchez-vous, s’il vous plaît. Au téléphone, une voix de femme.Le blessé : son conjoint. Il avait « encore bu ». Ils ont une première « altercation », alors qu’elle cherche à récupérer les clefs de la voiture pour ne pas qu’il reprenne le volant. Elle l’enferme dehors. Puis lui rouvre. Et ça dégénère, raconte-t-elle, à la barre du tribunal correctionnel de Moulins, jeudi 3 juillet.

Lui est ivre, elle est crevée

Tout ce qu’elle veut, c’est « aller se coucher » parce qu’elle doit se lever à 3 heures du matin pour aller bosser. Lui passe d’une pièce à l’autre, se roule des cigarettes, fait ses valises : on entend tout dans un enregistrement effectué par l’aînée des enfants, une adolescente.La veille, il avait déjà « fait une scène », était « ivre pendant la journée », faisait « peur aux enfants ». Il était quand même reparti bosser « en titubant ».

Peur de "ramasser une baffe"

Ce soir-là, elle se dit qu’elle « va encore devoir poser un jour pour s’occuper des enfants, je ne vais pas encore pouvoir prendre mon poste… J’ai peur de ce qui va arriver ». Fatigue. Au-delà de la fatigue : « J’ai peur de ramasser une baffe et que ça se voie le lendemain. Je ne travaille qu’avec des hommes. Je ne veux pas qu’on dise des choses sur moi et qu’on me critique, je ne veux pas qu’on voie que ça ne va pas à la maison ».

Alors elle se réfugie dans la cuisine et prend machinalement un couteau de cuisine. Tout neuf. Le tient lame en l’air, « comme en autodéfense ».« Il vient sur moi, ça rentre tout seul, je sens que ça perfore la chair, je lâche tout de suite le couteau et je fais la pression sur la plaie. Je demande à ma fille d’appeler les pompiers et c’est moi qui leur explique ».En un éclair, tout a failli basculer, à cause « du cumul de tout ». L’homme est hospitalisé. Il ne se souvient « de rien ». Il avait 2 grammes d’alcool dans le sang au moment de son admission. Et avec tout ça (7 jours d’ITT), il a tout de même pu reprendre le travail dès le lendemain.

Lui : "Voilà, c’est clair, plus d’alcool du tout"

Devant le tribunal, il secoue la tête, honteux : « J’ai eu tellement peur pour elle, quand j’ai vu les gendarmes. Voilà, c’est clair, ma réflexion est allée au bout après ce soir-là, plus d’alcool du tout, tout simplement, c’est la cause de tous les problèmes… alors qu’on a une belle vie. J’ai donc un suivi médecin, psychologue, addictologue. On relève la tête et on continue ».

Ça fait dix ans qu’ils sont ensemble. Et ça va, assure-t-elle. « Sauf quand il boit, il n’a pas de limite ». Alors s’il ne boit plus : « On se donne une dernière chance », avance-t-elle. « Sinon, je suis autonome, je travaille, je peux subvenir aux besoins de la famille. Je suis un pilier. Il faudrait “juste” que je trouve un autre boulot, qui ne soit pas de nuit ».

"Madame, vous n’avez jamais porté plainte. Mais, si vous faites une déclaration, on ressort le dossier"

Profond silence dans le tribunal. Et puis : « Au-delà de ce fait », relève la juge, « il y a aussi cette fois où il s’est retrouvé dans le lit de la plus jeune. Ça dit beaucoup du climat de violence dans lequel vit la famille. Les enfants subissent ».La procureure abonde : « Ce coup de couteau est à replacer dans un contexte. Madame, vous n’avez jamais porté plainte. Mais à la moindre déclaration, on ressort le dossier ». Elle demande de la déclarer coupable, mais avec une « dispense de peine ». Le tribunal a suivi cette voie.

"Je veux croire à l’électrochoc"

Me Bonnefille, pour la prévenue, se dit « très émue » : « Ma cliente ne s’est pas retranchée derrière les violences conjugales. Elle n’a pas de certificat médical. Et pourtant. Son père témoigne qu’il a dû intervenir, car monsieur étranglait madame. En même temps, sa fille relève que madame désormais répond, se défend, se rebelle, alors qu’avant, elle ne disait rien. Je veux croire que, ce soir-là, ce fut un paroxysme qui a eu un effet d’électrochoc ».Le couple a prévu de se marier cette année.

Mathilde Duchatelle

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