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La vie privée est devenue un crime

Mettre en prison des développeurs qui conçoivent des outils de cryptage revient à mettre en prison des fabricants de coffres, au prétexte qu’ils seraient trop solides et opaques.

 

Une mécanique de la surveillance a lieu depuis 20 ans toujours de la même manière. La surveillance est confinée sur des personnes, des lieux ou des évènements précis. Puis, une fois socialement acceptée, elle se généralise pour tout le monde.

 

Construire une prison à ciel ouvert

Ainsi vous, honnête citoyen, êtes déjà traqué comme le plus grand des criminels. Toutes vos transactions de plus de 1000 euros sont analysées par tracfin, (il vous est aussi interdit de payer plus de 1000 euros en espèces). Votre historique de navigation est analysé puis conservé pendant un année depuis 2015 et la Loi relative au renseignement. Vos déplacements sont analysés par les antennes mobiles et la reconnaissance faciale. Laquelle, une fois de plus ne devait être testée que durant les JO à Paris, mais vient d’être pérennisée au-delà.

Le fisc analyse même les images satellites de votre maison pour repérer les piscines ou extensions non déclarées, sans parler de ces bases de données administratives regroupant tous vos revenus, vos actifs ou votre santé.

Un tel espionnage était jadis réservé aux pires criminels. Il est aujourd’hui appliqué à chaque citoyen, puisqu’aux yeux de l’État, nous sommes tous de potentiels criminels, terroristes, pédophiles à surveiller. Quand bien même des affaires comme les Pandora Papers, Panama Papers ou affaire Epstein semblent davantage pointer l’élite que le citoyen lambda comme source de déviance.

Bien que le droit à la vie privée figure clairement dans l’article 12 de la déclaration des droits de l’Homme (Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance), ce droit est bafoué au bulldozer dans l’indifférence générale.

 

Y mettre des criminels de la vie privée

Maintenant que la prison à ciel ouvert est construite, il est temps d’y mettre des fautifs. Vouloir une vie privée faisait de vous un suspect, vous voilà maintenant criminel. Les dirigeants mondiaux viennent de franchir cette ligne en même temps.

Dans l’univers des cryptomonnaies, les développeurs de Samourai Wallet ont été arrêtés aux États-Unis, un an après l’arrestation aux Pays-Bas d’un développeur de Tornado Cash.

Ces deux affaires se ressemblent, puisque les suspects sont des développeurs qui proposent des outils open source pour renforcer la vie privée lorsqu’on utilise des cryptomonnaies.

Il s’agit uniquement et seulement de développeurs. Aucun d’eux n’est lié à un trafic, aucun d’eux n’héberge un site en ligne illégal. Leur tort est d’avoir codé des logiciels pour renforcer l’anonymat. Ils ne traitent aucune transaction personnellement ni ne gèrent aucun actif pour le compte de quelqu’un. Ils développent des lignes de codes.

Leur tort est de vouloir anonymiser un endroit que les gouvernements tentent de contrôler, à savoir les cryptomonnaies. Leur tort est de vouloir conserver leur vie privée, faire valoir leur droit fondamental face à des dirigeants de plus en plus despotiques.

Mettre en prison des développeurs qui conçoivent des outils de cryptage revient à mettre en prison des fabricants de coffres, au prétexte qu’ils seraient trop solides et opaques.

 

Aussi stupide qu’interdire des formules mathématiques

À la différence près qu’un développeur ne fabrique rien de physique, il conçoit des lignes de code mathématique. L’État décide donc de mettre en prison des mathématiciens pour avoir inventé des formules mathématiques protégeant trop bien la vie privée.

Le cryptage est un domaine des mathématiques et de l’informatique qui permet de protéger des données. Aussi bien des fichiers sur une clé USB, des messages sur un smartphone ou des transactions dans une blockchain.

Le cryptage n’est que mathématique. Vouloir interdire du cryptage est aussi stupide qu’interdire une formule mathématique. Malgré l’absurdité, nos dirigeants l’ont déjà tenté. Le cryptage RSA (inventé en 1977) était interdit à l’export des USA car considéré comme des munitions. La France a interdit aussi le cryptage. De nombreux pays souhaitent interdire Bitcoin, la première cryptomonnaie (Chine, Inde, Indonésie, Turquie, Maroc, Algérie, Égypte, etc). Et même l’Union européenne souhaite interdire le chiffrement dans les applications de messagerie.

Puisque ni leurs missiles ni leurs services secrets, ni leurs prisons, ne parviennent à stopper des formules mathématiques, ils condamnent ceux qui les implémentent dans des outils pour le grand public. Ils condamnent les développeurs.

Face à leur impuissance devant l’universalité d’une formule, la stratégie mise en place par nos despotes est une stratégie de la terreur. La mise en examen des développeurs de Samourai Wallet et Tornado Cash vont dans ce sens. La volonté de l’Union européenne de contraindre les développeurs d’applications de messagerie comme Signal pour qu’ils sabotent leurs chiffrements va aussi dans ce sens.

 

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Puisque l’espionnage de masse ne suffit plus, puisque le cryptage reste le meilleur moyen de nous protéger, les dirigeants optent pour une stratégie de la terreur. Nous sommes déjà tous suspects potentiels à perpétuité, ceux qui utilisent le cryptage deviennent criminels et ceux qui diffusent ce cryptage pour protéger notre vie privée seront jugés en tant que traîtres.

Il ne reste plus qu’une chose à faire : utiliser davantage ces outils accessibles à n’importe qui. Utilisez signal.org pour vos messages chiffrés, proton.me pour vos services cloud (mail, calendrier, fichier), Bitcoin pour épargner et payer à l’abri de l’État (cf mon livre) ou encore torproject.org pour cacher votre navigation.

 

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