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“Pearl” : une parodie jubilatoire de l’âge d’or du cinéma américain 

À une semaine de la sortie de “MaXXXine”, troisième opus de la franchise créée par Ti West, retour sur le précédent, “Pearl”, détournement camp, jouissif et monstrueux du cinéma classique hollywoodien.

Plus qu’une franchise horrifique, plus même qu’une trilogie au service de son actrice, coscénariste et coproductrice, la fantastique Mia Goth, la série de films X se regarde comme une réflexion jubilatoire sur le cinéma américain.

Alors que le premier volet de la trilogie, X (2022), embrasse des références qui vont de Psychose (1960) à Shining (1980), en passant par Massacre à la tronçonneuse (1974) – autrement dit l’avènement d’une forme de modernité cinématographique –, le deuxième s’intéresse, lui, à la période précédente, celle de l’âge d’or du cinéma classique hollywoodien, qui court du parlant à la fin des années 1950. 

Mettant en abyme ce geste cinéphile, le récit du film est lui-même une histoire des origines, puisqu’il raconte la jeunesse de Pearl, terrifiante grand-mère du premier opus. Le sujet (le cinéma US) et le cadre (une ferme texane) sont les mêmes, sauf que le domaine où vit Pearl est ici ripoliné par rapport à la version décrépie et investie par l’équipe du tournage porno de X.

On la retrouve jeune femme vivant recluse avec sa mère autoritaire et son père infirme. Accentuée par la circulation du virus de la grippe espagnole (avec ses masques chirurgicaux, le film dresse d’ailleurs un évident parallèle avec l’épidémie de Covid-19, contexte de fabrication et de sortie du long métrage), leur isolation est aussi due à leur nationalité allemande, devant rester secrète dans l’Amérique de la Première Guerre Mondiale. 

Le Magicien d’Oz au pays des cauchemars

Ripolinée, l’esthétique du film l’est aussi. Les teintes pâles du premier chapitre ont laissé place à une saturation des couleurs d’une telle outrance qu’elle rappelle le Technicolor, cette technique ayant connu son moment de gloire durant l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Avec son esthétique de comédie musicale, ses champs de maïs, son épouvantail, son glissement de la réalité vers le cauchemar, et surtout son personnage de petite campagnarde à couettes et bretelles bleues, Pearl cite assez clairement Le Magicien d’Oz de Victor Fleming (1939) et la Dorothy de Judy Garland.  

Mais on y retrouve aussi une citation de La Prisonnière du désert de John Ford (1956) dans le premier plan, et plus généralement des références au cinéma de Douglas Sirk. Pearl aspire, comme les héroïnes sirkiennes, à une autre vie que la sienne. À l’instar de Lora Meredith (Lana Turner) dans Le Mirage de la vie (1959), elle se rêve actrice. Elle est même prête à tout pour devenir une star. Sa réplique “The whole world is going to know my name” est d’ailleurs aussi prononcée par Maxine dans X. Et le jeu de miroirs entre les deux films ne s’arrête pas là. 

No, I’m a star

À la fois méta et machine à référence, Pearl cite l’histoire du cinéma classique hollywoodien, mais aussi le premier volet de la trilogie. On y retrouve la même scène de traite d’une vache et de miroir, la même brosse à cheveux, le même visionnage d’un film pornographique en pellicule et, lorsque Pearl passe une audition pour intégrer une compagnie locale de danse, elle s’arrête sur un X marqué au centre de la scène.

Portée par une tendance sur les réseaux sociaux, cette séquence où elle est traînée en coulisses en criant “No, I’m a star” est devenue un mème. En étant l’objet de multiples citations sur Internet, le film boucle la boucle de sa propre entreprise de référencement et de détournement. La diffraction infinie des vidéos TikTok reprenant “No, I’m a star” à toutes les sauces prolonge le projet de la trilogie X : une aspiration camp à la célébrité, un délire narcissique et libidinal, ainsi qu’un refus de la réalité qui débouche sur la folie.

C’est là que s’exprime la dimension satirique de la trilogie de Ti West. Les télescopages de Pearl avec Maxine, des films entre eux et avec l’histoire du cinéma américain, finissent par produire une critique de la façon dont le mirage de la popularité et du rêve hollywoodien aliène celui ou celle qui le regarde de trop près.  

Pearl, de Ti West avec Mia Goth, David Corenswet, Tandi Wright, disponible en VOD.

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