Comment la vaccination fait progresser l'espérance de vie, par le Pr Alain Fischer
Quel est l’état de santé de l’humanité ? Plusieurs études publiées récemment éclairent nos connaissances sur ce sujet. Les nouvelles sont plutôt bonnes et méritent d’être connues et ce malgré nombre de menaces. Depuis 1950, l’espérance de vie mondiale a progressé de presque vingt-trois années, soit l’équivalent d’une génération ! Ces progrès concernent aussi bien les pays riches que les plus pauvres bien qu’il persiste un décalage important entre ces extrêmes. La propagation du VIH, les conflits n’ont pas enrayé ce progrès.
Fait important, il s’accompagne au moins en France d’une progression de l’espérance de vie en bonne santé, même si cette augmentation conduit automatiquement à l’accroissement du nombre de patients atteints de maladies chroniques, facteurs qui se combinent pour accroître les dépenses de santé. La pandémie de Covid a pesé lourdement puisqu’elle a provoqué à l’échelle mondiale une perte d’au moins 1,6 an d’espérance de vie, et ce de façon très hétérogène en fonction de la richesse des pays et de la qualité des mesures des politiques de santé publique prises. En France, la perte, de l’ordre de six mois, a été depuis compensée, grâce aux mesures de confinement puis à la campagne de vaccination qui ont limité l’impact de la pandémie.
154 millions de vies sauvées
Comment expliquer cette amélioration de l’espérance de vie ? On peut considérer quatre facteurs essentiels : l’amélioration des installations sanitaires, l’accès à l’eau potable, l’amélioration de la performance des systèmes de santé et les progrès de la médecine dont la vaccination. Le poids de cette dernière a été mesuré dans un très intéressant travail mené par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) récemment publié dans le Lancet. Au cours des cinquante dernières années, l’OMS estime que 154 millions de vies ont été sauvées par la vaccination contre 14 maladies infectieuses.
Ce sont les programmes de vaccination des nourrissons qui ont apporté le plus grand bénéfice, prévenant de nombreux décès par rougeole mais aussi coqueluche, tétanos et méningites bactériennes, en particulier dans les pays les plus démunis. Il est estimé que 40 % de la réduction du taux de mortalité des nourrissons au cours de cette période résultent de la vaccination ! On ne peut mieux justifier la poursuite et l’amplification des programmes de vaccination des nourrissons ici et ailleurs.
Une désinformation propagée sur Internet
Cependant, les programmes de vaccination n’ont pas atteint pleinement leur objectif. En France, la vaccination contre les papillomavirus et les cancers qu’ils provoquent ne concerne qu’à peine la moitié des jeunes filles et qu’une poignée de garçons. La vaccination des personnes âgées, dont le système immunitaire est moins performant, contre la grippe saisonnière, les pneumocoques, le zona et le virus respiratoire syncytial désormais est souvent oubliée tant des personnes concernées que par leurs médecins. Au-delà d’un défaut de vigilance, l’hésitation vaccinale alimentée par les réseaux sociaux limite la portée des programmes de vaccination.
Ainsi, une enquête récente montre qu’en France, 20 % de la population est d’accord avec l’idée selon laquelle les vaccins à ARN messager utilisés pour prévenir la maladie Covid modifient l’ADN des sujets vaccinés, une affirmation pourtant fausse. Une autre étude montre que d’avantage que les fausses nouvelles, ce sont des informations fallacieuses, c’est-à-dire factuellement exactes mais interprétées de façon tendancieuse, en confondant par exemple concomitance d’événements (une campagne de vaccination et un événement indésirable) avec relation de cause à effet, qui sont les plus nocives.
Les professionnels de santé ont un rôle essentiel à jouer pour expliquer sans relâche de façon honnête et intelligible en quoi l’analyse bénéfices-risques des vaccins est très largement positive ! Un relâchement éventuel des campagnes de vaccination contribue aux menaces sur notre santé au même titre que l’extension de l’obésité, de l’usage des drogues dont les opiacés, de l’antibio-résistance ou que les effets de la pollution et du réchauffement climatique. Des risques qui, pour la plupart, affectent en premier lieu les populations plus pauvres.
Alain Fischer est président de l’Académie des sciences et cofondateur de l’Institut des maladies génétiques