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JO de Paris 2024 : "Ma maman (Clarisse Agbegnenou), elle a eu la médaille !"

« Ma maman, elle a eu la médaille ! Voilà ce que j’ai crié lorsque tu as remporté ton dernier combat. C’est sorti comme ça. Sans réfléchir. Et cela a fait sourire toute notre famille et tes amis. On était tout en bas des tribunes et, malgré le vacarme – aujourd’hui, tout le monde criait très très fort dès qu’il te voyait –, ils m’ont entendu.

Tu sais, maman, à deux ans, mon vocabulaire n’est pas encore riche et varié, je ne peux pas écrire un livre – et il faut que tu continues à me lire encore beaucoup beaucoup d’histoires si tu veux que j’y parvienne un jour – mais si tu parcours ces quelques lignes, retiens uniquement mon cri du cœur lorsque tu as gagné : « Ma maman, elle a eu la médaille. »

Je ne saisis pas tout, notamment les nombreux enjeux qui t’entourent, mais je sais à quel point cette journée était importante pour toi. Tout le monde en parlait. Tout le monde t’en parlait. Et, apparemment, tout le monde savait comment cela allait se passer. Avec les Jeux olympiques à la maison, tu étais obligée de gagner. Tu étais revenue de Tokyo avec deux médailles d’or donc tu devais faire pareil à Paris. C’est aussi simple que ça…

« Il paraît qu’on fait bouger les lignes »

À Tokyo, je n’avais pas encore débarqué dans ta vie. Je suis née le 17 juin 2022. Moins d’un an après ton double titre aux Jeux olympiques 2021 (en individuel et par équipes mixte). Et, dès le départ, tu as annoncé la couleur : hors de question que l’on soit séparé. Ce souvenir fait rire Ludovic Delacotte, ton entraîneur, en conférence de presse : « Quand j’ai pris Clarisse après Tokyo, j’ai signé pour le package en entier. Je me souviens encore des entraînements avec Athéna dans le cosy sur le tapis ».

Au départ, cela a surpris tout le monde. Puis, ils se sont habitués. À l’entraînement, tes coéquipières s’occupaient de moi. Il y a eu des scènes cocasses. Comme cette fois où j’avais besoin de téter alors que tu devais te rendre en chambre d’appel. Je t’ai suivi partout. À l’entraînement, en compétition. En France, à l’étranger. Nous avons étonné, nous avons détonné. « J’ai la chance d’avoir une épouse et deux enfants, cela m’a beaucoup aidé à comprendre, confie Ludovic Delacotte. Et tout le monde s’est aligné : la Fédé, l’Agence nationale du Sport (ANS), le ministère, etc. ». Il paraît qu’on a fait bouger les lignes, qu’on a fait avancer la cause des femmes qui veulent continuer à être des championnes tout en étant mère.

« Comme un monstre, un peu  »

Maman, tu aurais aimé qu’on soit au village olympique. Toutes les deux. Cela n’a pas été possible. Aussi, cette fois-ci, je n’ai pas eu accès à la salle d’échauffement. On ne plaisante pas avec les accréditations lors des Jeux olympiques. Alors, on nous avait aménagé un espace pour qu’on puisse se retrouver à la pause. J’aime ce rituel. Un instant en famille. Avec papa, toi et mamie. Ensemble. Loin de la furie de cette salle où un cheval (*) trône au milieu des tribunes.

D’ailleurs, maman, c’est drôle : au moment où on rentre à la maison certaines de tes copines n’arrivent même plus à parler. Elles ont une voix bizarre. Comme un monstre, un peu. Tu vois ?

Par contre, je n’ai pas compris quelque chose : tout à l’heure, ils ont joué une musique que je ne connaissais pas. D’habitude, à la fin de ta journée, il y a une chanson que le public a chantée plusieurs fois aujourd’hui. Tu sais, c’est quand ils hurlent « Aux armes ». Il paraît que tout ne s’est pas passé comme prévu pour toi. Franchement, je n’ai pas tout compris.

En tout cas, je sais qu’en descendant du tapis, tu t’es immédiatement dirigée vers moi pour me serrer très fort dans tes bras. Tu m’as même porté devant tout le monde. Je sentais que tu étais fière de moi, fière d’être maman. À ce propos, il paraît que tu as murmuré aux journalistes que tu aimerais prendre une nouvelle pause pour un petit frère ou une petite sœur ? Cela ne serait pas ça la bonne nouvelle du jour ?

Maman, au moment où je quitte la salle, j’observe les supporters. Ils ont tous le sourire. Ils sont contents. J’espère que tu le seras aussi lorsque tu me rejoindras... Or, argent ou bronze, peu importe. Ma maman, elle a eu la médaille. »

Kevin Cao Kevin.cao@centrefrance.com

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