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"Une période où l’eau manque tellement qu’on doit aller la chercher" : comment le Cher a été potabilisé à Montluçon au XXe siècle

"C’est comme une cathédrale", sourit Olivier Troubat, les yeux rieurs. Rien qu’à son évocation, le visage de l’archéologue montluçonnais s’illumine.

Ce dont il parle, c’est de ce réservoir d’eau, près de l’hôpital. Ce réservoir souterrain d’une contenance de près 7.650 m³ qui recueille l’eau du Cher depuis l’époque industrielle.

Usine de pompage

À la fin du XIXe  siècle, l’activité des usines bat toujours son plein et la population ne cesse de croître. "C’est une période où l’eau manque tellement qu’on doit aller la chercher dans le Cher", résume Olivier Troubat. Ce spécialiste du domaine subaquatique a travaillé sur ce sujet dans L’eau à boire - archéologie de l’eau en ville.

En 1893, après trois ans de travaux, la cité saute enfin le pas : "On construit l’usine du Gour du Puy qui est actuellement une usine d’eau potable. Mais à l’époque, c’était seulement une usine élévatrice qui allait pomper l’eau du Cher, l’élevait, et l’emmenait jusqu’à ce réservoir construit en haut de l’hôpital (ainsi que dans un réservoir près du cimetière de l’est, NDLR)", explique le passionné. Mais "cette eau n’est pas encore potabilisée", insiste-t-il. Loin de là.

Un double système se met en place aux bornes-fontaines : "Un réseau avec de l’eau du Cher", destiné au lavage et toute autre nécessité, et "un réseau d’eau de source", destiné à la consommation et reconnaissable grâce "à une petite chaîne en métal à laquelle pend un gobelet".

Les Montluçonnais ne buvaient pas l’eau du Cher. "On y trouvait des animaux morts, on déversait les latrines…", énumère Olivier Troubat. Paradoxalement, la qualité de l’eau consommée a longtemps été contrôlée uniquement à "son aspect, son goût, son odeur". On commence simplement à l’analyser au XXe siècle, avec un départ un peu chaotique.

Potabiliser

Au début, les résultats sont envoyés à Paris. "Quand on sait que les bactéries se développent toutes les vingt minutes, on imagine dans quel état les échantillons arrivaient", commente l’archéologue montluçonnais. C’est finalement en 1913 que sera créé un bureau d’analyse.

C’est aussi au XXe  siècle que l’idée de potabiliser l’eau du Cher apparaît. Lors de ses grands travaux urbains, le maire Paul Constans propose, en 1913, de stériliser l’eau avec un "processus d’ozonation", et un contrat est passé avec la Compagnie générale de l’ozone. Si ironiquement ce gaz est toxique pour les hommes, il est aussi un oxydant qui, par un process chimique, devient un excellent dépollueur pour les eaux usées. Puis la guerre arrive et le projet est mis entre parenthèses.

Finalement, "ce ne sera que plus tardivement que l’on potabilisera l’eau du Cher", souligne Olivier Troubat. En 1930, un nouveau procédé est utilisé, avec des bassins filtrants, et de l’eau de javel. Depuis, les techniques ont évolué mais pas sur un point : l’usine du Gour du Puy gère plusieurs réservoirs dont celui de l’hôpital, toujours en activité.

Camille Gagne Chabrol

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