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JO Paris 2024 : la finale du 100 mètres, le songe d'une nuit d'été

JO Paris 2024 : la finale du 100 mètres, le songe d'une nuit d'été

Principal temps fort de la quinzaine olympique, la tempétueuse finale du 100 m, remportée d’un souffle ce dimanche 4 août par l’Américain Noah Lyles, était attendue par toute la planète. Et un public vibrant, après des heures d’un calme électrisant.

De quoi rêvent-ils, ces stadiers paisiblement assoupis, tout de noir et de jaune fluo vêtus, sur les sièges les plus ombragés du Stade de France?? De flashes qui crépitent?? D’un jeu de lumière digne d’Hollywood?? D’un bruit, d’un fracas à faire trembler les fondations du Stade de France?? Au milliard de regards qui vont se fixer, dans quelques heures, sur leur chambre improvisée, ou aux 80.000 spectateurs qui vont se dresser de ce qui est, encore, un inconfortable lit?? Sûrement pas. Ils font une sieste réparatrice, en ce milieu d’après-midi sous le ciel parisien ensoleillé, comme sans doute à la même heure, au village olympique, les vingt-neuf qualifiés pour les demi-finales du 100 mètres. Que s’imaginent ces bénévoles en tenue verte, qui s’immortalisent en position de départ, dans les starting-blocks posés à l’entrée de la ligne droite?? Qu’ils sont les rois du sprint mondial, attentifs aux ordres dans l’impressionnant silence qui s’abattra d’un seul coup, vers 21?h?55, sur la piste mauve ornée des cinq anneaux?? Qu’ils se concentrent pour faire cohabiter dans un même tympan le battement sourd de leur cœur et les commandements d’un starter au coup de feu imprévisible??

Des heures de calme avant la furie

Quelle vitesse pensent atteindre les opérateurs des voiturettes télécommandées, qui se rodent au transport des engins de lancer sur quelques-uns des neuf couloirs au pied de la tribune?? Ces jouets pour grands rivaliseraient-ils avec Noah Lyles, Fred Kerley ou Marcell Jacobs, titré à Tokyo, lancés pleine balle?? La nouvelle piste sera-t-elle assez rapide pour un chrono d’anthologie, semble s’interroger cet officier militaire en uniforme noir, qui touche le tartan de sa main avant de s’élancer pour quelques foulées inoubliables, ceint d’un drapeau… breton?! « Et si c’était moi?? », se dit probablement ce jeune homme qui franchit, pour de vrai mais pour de faux, la ligne d’arrivée. Peu à peu, les travées se remplissent de bénévoles, à l’affût des dernières consignes, et de journalistes qui répètent, dans leur tête, le scénario de course idéal qui comblerait leur auditoire. Les heures qui précèdent le plus grand rendez-vous sportif planétaire s’écoulent ainsi. Lentement, comme un sprinteur visualise et décompose yeux clos sa phase de poussée, et très vite à la fois, pour moins de dix secondes électriques qui s’étirent jusqu’à former une éternité dans laquelle elles vont s’ancrer. Les images sont indélébiles, traversent les générations : la cendrée du stade Yves-du-Manoir qui s’émiette sous la foulée du Britannique Harold Abrahams (10” 6) en 1924?; le pied de nez de Jesse Owens (10” 3) à l’Allemagne nazie à Berlin en 1936?; l’élégance de Carl Lewis (9” 99) à Los Angeles 1984 effacée par les manigances de Ben Johnson à Séoul quatre ans plus tard (9” 79)?; les muscles surgonflés de Donovan Bailey, Maurice Green ou Justin Gatlin au début du siècle. Les facéties de la “Foudre” Usain Bolt lors de sa victoire en 9” 63 à Londres, il y a douze ans.

Ce dimanche à Saint-Denis, quand le crépuscule donnait aux cieux les mêmes teintes rose et violette que la décoration du stade, ses successeurs n’avaient pas la même facilité, la même décontraction que l’inimitable Jamaïquain. Ils laisseront leur trace, tout de même. Grâce aux jeux de lumière, au show, à la musique qui scénarise l’affrontement. À l’étroitesse, surtout, des cinq millièmes qui ont séparé l’explosif Noah Lyles (9’’79) de son dauphin jamaïquain, Kishane Thompson (9’’79), alors que le 8e et dernier, Oblique Seville, a couru en 9’’91… Au tour d’honneur échevelé qui a suivi, au câlin à sa maman, aux coups de cloche sonnés furieusement par l’Américain, comme le veut la tradition, fier de ramener le titre le plus prestigieux du sport mondial au pays, vingt ans après Gatlin. Finalement, les stadiers, durant leur sieste, et toutes les personnes présentes sur les lieux longtemps avant la tempête n’auraient pas rêvé mieux en songeant à cet instant unique et à cette douce nuit d’été.

Sébastien Devaur

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