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"Il n'y a pas un chat, c'est un truc de fou" : mais où sont passés les touristes cet été ?

Albi, en début de semaine dernière. Alors que la touffeur d’une journée torride s’estompe enfin, la ville semble encore étonnamment plongée dans un profond sommeil. À l’ombre de la cathédrale, imposant et majestueux vaisseau de briques rouges, les restaurants attendent désespérément le chaland. L’enfilade de terrasses vides semble presque surréaliste dans ce site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, habituellement pris d’assaut aux beaux jours par la clientèle française et étrangère.

Derrière son comptoir, Olivier, le gérant de La Boussole, a la mine défaite. « C’est simple, en 43 ans d’existence, on n’a jamais vu ça. C’est juste catastrophique », souffle-t-il. Sur un mois de juillet « normal », l’établissement assure « trois services pleins. Là, on en fait un, et encore… On est passés de 300 couverts quotidiens à 100-120. »

"Il n'y a pas un chat"

La situation a inévitablement des répercussions pour le personnel. « J’ai eu des démissions début juillet qui m’ont franchement mis dans l’embarras. Aujourd’hui, je les remercie d’être partis, parce que je n’aurais pas eu de quoi les faire bosser ! » Les employés restants, eux, tournent a minima. « Ils font leurs 35 heures, point barre. Vu l’activité, pas besoin de faire du rab. »

Quelques rues plus loin, même désert, même dépit. « On m’avait dit que ça allait être le rush tous les jours, je m’étais préparée à ça. Et puis en fait, on passe presque plus de temps à nettoyer le resto qu’à servir. Il n’y a pas un chat, c'est un truc de fou », s’étonne une jeune saisonnière.

Des promos en plein été

À l’autre bout du pays, Erwann Corbel, gestionnaire d’un camping à Jullouville-les-Pins (Manche), a lui aussi fait un premier bilan. Verdict ? « Entre 50 et 60 % de baisse en juillet par rapport à l’année passée. » Les samedis, jours de chassé-croisé entre partants et arrivants, ont du coup pris une tournure déprimante. « D’ordinaire, on a une soixantaine de personnes qui s’installent. Là, c’était plutôt entre cinq et sept. »

Faute de clients, Erwann Corbel a dû renoncer aux incontournables renforts en CDD – « une première ». Pour tenter d'amortir (un peu) le choc et de susciter quelques réservations de dernière minute, il s’est même résolu à l’impensable : lancer des promos en plein été. La semaine de location dans les plus grands mobile-homes du camping – pour six, avec trois chambres et deux salles de bain – a été rabotée à 1.100 euros, au lieu de 1.400.

« Mais quoi qu’il arrive maintenant, ce qui est perdu est perdu. On ne rattrapera pas le coup. »

Les exemples s’empilent. À Saint-Malo et dans la baie du Mont-Saint-Michel, l’une des têtes de gondole du patrimoine tricolore, la fréquentation a chuté de 14 % le mois dernier selon l’office du tourisme local. En Corse, les quatre aéroports de l’île ont vu atterrir 70.000 passagers de moins entre juillet 2024 et juillet 2023.

Loin de ces destinations très courues, le château de Villeneuve-Lembron, dans le Puy-de-Dôme, sonne lui aussi inhabituellement creux. À la billetterie, on évalue le recul du nombre d'entrées à « 30-35 % au moins. On a même des créneaux sans le moindre visiteur, alors que sur un mois de juillet classique, on a des groupes d’une vingtaine de personnes au moins. C’est assez choquant, on ne comprend pas vraiment ce qui se passe ».

Les JO, un repoussoir ?

Au rayon des explications justement, les pistes sont multiples. Météo longtemps pourrie, incertitudes et inquiétudes liées au brouillard politique persistant dans le pays, pouvoir d’achat en berne, étalement des départs jusqu’en septembre… Chacun y va de son hypothèse. Mais le principal accusé tient en deux lettres : JO.

« On se réjouit bien sûr de voir que c’est un immense succès, mais on en pâtit, c’est certain », pointe par exemple le gérant de La Boussole à Albi. Le restaurateur situe l’impact potentiel de l’événement sur la présence touristique hors Paris et sites olympiques à plusieurs niveaux.

« De nombreux étrangers ont pu renoncer à venir en France cet été par crainte de soucis sécuritaires ou par peur de prix excessivement gonflés, avance-t-il. Ceux qui sont venus pour assister aux compétitions restent sur place et ne se déplacent pas sur le territoire comme ils le font d’habitude. »

Et la clientèle hexagonale dans tout ça ? « Les Français sont montés en masse à Paris, et on les comprend. Mais ils nous font défaut, et quand ils reviendront, ils seront à sec et n’auront plus de quoi se payer une glace… » Mis bout à bout, ces différents facteurs ne semblent pas ouvrir la voie à un rebond notable d’ici fin août. « On ne va pas se mentir, reprend le patron albigeois, la saison est foutue. Il faut juste espérer que ça reparte en 2025. »

Stéphane Barnoin

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