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Creuse : ces boîtes à livres qui servent au lien social

Au départ, on ne la remarque presque pas. On n’y prête pas vraiment attention, du moins. Et puis, à force de passer devant la vieille cabine téléphonique, coincée entre la départementale, le parking du cimetière, et une aire de jeux pour enfants, la boîte à livres devient une évidence. À l’intérieur : de grands volumes reliés, couverture rouge et lettres d’or, avec leurs airs d’encyclopédie. Pas mal de livres pour enfants, mais aussi des poches, des romans, des essais. De tout.

Des romans et des livres d’école

« Je viens de déposer des livres », glisse Brigitte, quelques kilomètres plus loin. À l’entrée de la salle communale d’Anzême, elle a profité de sa balade matinale pour « se laisser porter par le hasard ». Elle vient de déposer des romans et des anciens livres d’école - des maths - de sa fille. « Je trouve ça bien pour les gens qui ne peuvent pas s’acheter des livres ou se rendre en bibliothèque », reconnait-elle, confessant qu’il est possible de trouver « quelques pépites » dans ces boîtes à livres.

Une vingtaine dans le département

Le principe est simple : on y vient déposer un bouquin, et en récupérer un autre, si vous le souhaitez. L’accès est gratuit, et s’affranchit très souvent des horaires. En Creuse comme en France, les boîtes à livres fleurissent. Le département en compte une vingtaine, plutôt bien répartie sur le territoire. Il y en a des classiques qui prennent la forme d’une cabane à livres en bois ou dans une armoire qui n’était plus utilisée comme à Anzême, d’autres qui se cachent dans d’anciennes cabines téléphoniques, comme à Bourganeuf, Saint-Fiel, Guéret, ou encore sur la place de la Promenade à Chambon-sur-Voueize.

Et puis, il y en a d’autres plus inattendues. Plus vastes aussi. Comme celle qui juxtapose l’abbatiale Saint-Pierre Saint-Paul d’Évaux-les-Bains. Ou la “maison à livres” de Saint-Sulpice-le-Guérétois. « C’était un projet de campagne et une forte demande des habitants », décrit Éric Bodeau, maire de Saint-Sulpice-le-Guérétois.

Dans sa commune, la “maison à livres” a ouvert ses portes durant le mois de juillet. Elle est idéalement située, entre l’école et la supérette, à l’entrée du nouvel éco-quartier. « Le local aurait dû être détruit. Mais on a décidé de le garder. Les services techniques de la commune l’ont aménagé. La porte en bois, c’est de la récup’locale. Sur le toit, il y a un panneau photovoltaïque pour alimenter la lumière à l’intérieur du local », détaille le maire de Saint-Sulpice-le-Guéretois. Ce qui est finalement raccord avec l’éco-quartier et le concept de la boîte à livres qui réutilise du mobilier urbain déjà existant.

On vient toutes les semaines. Là, on a trié, on a enlevé des livres trop abîmés !

Depuis l’ouverture il y a quelques jours, « on voit que les gens viennent, ils se l’approprient », s’enthousiasme Emmanuelle Lambert, l’élue en charge du dossier à la mairie. Et d’ajouter : « On ne s’attendait pas à ce que les habitants investissent le lieu aussi rapidement ». La “maison à livres” attire. « Ce qu’on souhaite notamment, c’est de réussir à attirer des habitants qui ne résident pas dans le bourg », reconnaît Éric Bodeau, la commune de Saint-Sulpice-le-Guérétois se composant de 52 villages. Il se dit même qu’un deuxième projet de boîtes à livres est en gestation. « Deux lieux de culture sont deux lieux indispensables », affirme clairement le maire de la commune.

Deux bénévoles de la bibliothèque s’occupent toutes les semaines de jeter un coup d’œil au local, et de réorganiser l’espace s’il le faut. « C’est important qu’il y ait une autogestion, c’est le concept, mais c’est bien aussi qu’il y ait un contrôle bienveillant pour éviter toutes sortes de problématiques », conclut Éric Bodeau. « Il faut veiller à ce que ça ne devienne pas un dépotoir », abonde Josiane, l’une des deux bénévoles, en train de réachalander les étagères du local. « On vient toutes les semaines. Là, on a trié, on a enlevé des livres trop abîmés », ajoute-t-elle.

 

L’une des problématiques aussi observées est le pillage de certaines boîtes à livres. Des cas ont déjà été signalés dans le département. Le principe du troc face à une logique de marché. Des boîtes à livres sont ainsi pillées pour en revendre les meilleures pièces, soit à des boutiques, soit à des sites spécialisés, ou des plates-formes en ligne. Des détournements intéressés, heureusement encore marginaux.

La très grande majorité des usagers jouent le jeu. La boîte à livres est une source « pour amener le goût de la lecture », dixit Éric Bodeau, « pour créer du lien social, un moment de partage » explique aussi Anny, l’autre bénévole. « Il y a des auteurs que je ne connais pas. Je lis le résumé, je découvre l’univers, et ça peut donner l’envie de lire d’autres ouvrages du même auteur », raconte-t-elle. Une façon aussi de rompre l’isolement, de maintenir un lien intergénérationnel, avec aussi bien des romans que des livres jeunesse. Une utopie bienveillante, finalement

La boîte à livres de Trois-Fonds souffle sa dixième bougie !

C’est l’histoire « d’une vieille cabine obsolète » qui a débouché sur une décennie de politique plus globale autour du livre et de la lecture. « L’idée c’était de prolonger les bibliothèques pour que la culture du livre vienne au plus près des habitants », clame Madeleine Dumond, maire de la commune. Avec l’association Trifontains en Marche, ils ont donc porté ce projet de boîte à livres « pour une équité d’accès à la culture ». La “vieille cabine obsolète” en question trône sur le parking en face de la mairie, juste à côté du départ d’un circuit pédestre. « Les gens se sont toujours arrêtés pour regarder à l’intérieur, dès le début. Sur la route, en rentrant du boulot. Parfois, ceux qui faisaient du vélo s’arrêtaient et prenaient un livre. Aujourd’hui, les randonneurs jettent aussi un coup d’œil à la fin de leur circuit », s’enthousiasme l’élue qui insiste sur « le lien social qui est prédominant ».

 

La boîte à livres de Trois-Fonds.La maire de Trois-Fonds mise beaucoup dans le secteur associatif : « C’est très important pour créer du lien social en milieu rural ». Une boîte à livres, ça permet, selon l’élue, « de faire sortir des personnes » qui peuvent être isolées, et « trouver de l’intergénérationnel ». Et puis, ça a permis d’organiser des événements, comme un salon du livre ou des balades contées pour les enfants comme pour les adultes, et des rencontres lecture aussi : « Annie Duperey nous avait beaucoup parlé de la vie à la campagne. Elle avait bien aimé faire la lecture », se félicite Madeleine Dumond, réfléchissant à de nouvelles idées pour conforter encore plus la boîte à livres, la rendre plus visible aussi, tout en prolongeant les manifestations qui gravitent autour du livre et de la lecture.

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