Olivier Amiel récidive : touchdown !
En principe, « le je est haïssable ». En pratique et en Olivier Amiel dans le texte de son quatrième opus, le jeu américain est prétexte à un « nous » qui cache sa pudeur sous un exhibitionnisme métaphorique.
Un OLNI : objet littéraire non identifié
Unité d’action : ce n’est ni un roman, ni un essai, ni une pièce de théâtre, plutôt une balade autobiographique désabusée, dans un paysage dont les hauts sont américains et les bas hexagonalement dépressifs. Unité de temps : une semaine, un chapitre par jour. Unité de lieu : la chambre du fils du narrateur que ce dernier customise en « basement », salle de jeu typique des sous-sols dans les maisons individuelles américaines. Unité de personnage : le monologue du narrateur est entrecoupé de voix off imaginaires ou fantasmées (celle de son père, celle du vendeur de Bricorama) et de citations de « grands auteurs ».
Le titre n’est pas une allégorie, encore moins une plaisanterie
L’auteur ambitionne réellement d’intéresser le public français à un jeu emblématique du Nouveau monde, dont le nom est « football ». Sauf que les Américains appellent « soccer » celui qui passionne les Français… et que nous appelons le leur, en français, « football américain ». Le déclencheur de cette promenade est ce que l’auteur qualifie d’humiliation majuscule : sa sélection au nombre des dix finalistes d’un prix littéraire dont, pour la première fois, seuls les deux premiers ont été rendus publics. Humiliation d’autant plus minuscule que seul l’ego des huit autres en a souffert, en silence pour sept d’entre eux et en littérature pour Amiel.
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Le patronyme de l’auteur est aussi un prénom bilingue : en hébreu, il signifie « le dieu de mon peuple » et en celte, à peine moins ambitieux, il se traduit par « chef » ou « prince ». Et l’on voudrait qu’il soit modeste ? Mardi, c’est match inaugural de la saison de football américain, qui fait intervenir la voix pseudo-racaille de son fils. Remarque désabusée de l’auteur sur l’extravagance où peut se nicher le sentiment d’appartenance : « avec sa bande de copains dans leur collège privé et bourgeois, c’est à la mode de parler comme les caïds des cités… » Le père, lui, avoue une tendresse réactionnaire assumée, même si elle déclenche le courroux de l’aristocratie woke amatrice de « iel » et réfractaire à la biologie : « Accompagner son enfant au stade reste un des plus grands plaisirs partagés entre un père et son fils ». Et de réitérer la provocation en aimant un « jeu qui est un sport de gagne-terrain », dont l’acmé est le « touchdown » qui donne son titre au livre et des migraines aux amateurs de foot classique qui essaient d’en comprendre les règles.
Virilité et wokitude sont dans un stade. Qu’est-ce qui nous reste ?
C’est un sport « qui répond au besoin de virilité des Occidentaux ». De quoi faire se retourner le neurone de Sardine Ruisseau dans son bocal ! Et la rasséréner quand l’auteur nous apprend que « les instances professionnelles du football américain tentent depuis quelques années de « dégenrer » au maximum ce sport à l’engagement féroce et à la brutalité exacerbée ».
L’homo wokistus, « aime le frisson du danger de la guerre » décrypte l’auteur, mais ça ne l’empêche pas d’être une chochotte qui fait attention de ne pas « se couper les doigts avec la feuille de papier du journal du matin ». L’amour du jeu comme pansement après « l’Humiliation » littéraire est aussi aveugle que l’amour tout court : « Il y a quelque chose de très intellectuel dans ce sport de brutes ». Mais l’auteur fait dans l’autodérision vis-à-vis de notre société, affligée du paradoxe de Tocqueville. L’Américain avait décrit le phénomène : plus la distance séparant une société de son idéal diminue et plus elle paraît insupportable à ses membres. Ce que Amiel résume en « Nous sommes collectivement frappés du syndrome de la princesse au petit pois ».
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Vendredi, c’est philosophie, avec le « présentisme », qui consiste à interpréter « le passé à travers le prisme du présent, sans aucune mise en perspective historique » et l’antisémitisme, dont la majorité des passages à l’acte, depuis le 7 octobre 2023, « se situe géographiquement dans les métropoles démocrates et les campus universitaires chics et libéraux, chez les privilégiés de gauche et prétendument progressistes… »
Les wokes américains étant habillés pour l’hiver, l’auteur se tourne, en bas de chez lui, vers les manifestants pro-palestiniens, « très grande majorité de vieux blancs avec un look gauchiste d’ancien soixante-huitard », qui scandent des slogans antisémites et pour qui « le Juif est un « Super blanc » dans le sens de la construction et de la domination sociales, donc un privilégié. Il est ainsi non défendable pour les militants racialistes de la lutte antiraciste, et tant pis si ça fait défendre, parfois, l’indéfendable ».
L’important c’est de participer, mais on a plutôt envie de faire comme l’auteur et de s’enfermer dans son for intérieur, dont il ne sort que pour l’alibi sportif : « Le lyrisme de la guerre de Jünger ne peut que parler à ma génération préservée. De là à aller à la guerre comme un jeu, no, mais trouver un jeu semblable à la guerre, oui. Et c’est tellement plus calme pour la génération suivante ». S’il a raison, ce sera plus calme après les Jeux olympiques. On ne peut s’empêcher d’en douter. Cela n’enlève rien à son talent.
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